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DOSSIER<br />
FRANÇOISE MULLER<br />
Médiathèque de Moulins<br />
RENAUD MULLER<br />
Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand<br />
Président du Comité d’orientation<br />
de l’Association régionale pour l’amélioration<br />
des conditions de travail (ARACT Auvergne)<br />
Le bibliothécaire<br />
La page est tournée<br />
depuis longtemps<br />
du bibliothécaire à<br />
l’ancienne retranché<br />
dans son bureau 1 .<br />
Au point que, de<br />
« transparence »<br />
en « proximité » et<br />
en « polyvalence »,<br />
la surexposition au<br />
collectif guette des<br />
professionnels dont<br />
l’intimité même est<br />
désormais évaluable. De<br />
l’ouverture au contrôle<br />
généralisé, il n’y a qu’un<br />
pas : le pas de trop ?<br />
© Bibliohèque(s)<br />
mis à nu ?<br />
L es congrès, journées d’étude,<br />
ouvertures de nouvelles bibliothèques<br />
se succèdent, et un<br />
constat s’impose : un nouveau<br />
modèle de bibliothécaire domine<br />
dans les discours et les projets. Le<br />
propos n’est pas ici d’analyser les<br />
raisons ni d’évaluer la pertinence<br />
de cette évolution ou le degré<br />
d’adhésion des professionnels à<br />
cette mutation, mais de mettre<br />
l’accent sur quelques conséquences<br />
de nouvelles conditions<br />
de travail.<br />
Les compétences relationnelles,<br />
l’activité de contact avec le<br />
public et les partenaires extérieurs<br />
deviennent en effet une exigence<br />
pour l’ensemble des personnels<br />
de bibliothèque. Ces changements<br />
ont un impact sur l’identité<br />
au travail et sur les frontières qui<br />
distinguent l’espace intime du<br />
rôle professionnel : ils questionnent<br />
l’identité du bibliothécaire, le<br />
sens de son travail, le fonctionne-<br />
1. De ceux que décrivait Jules Tellier, par exemple, rapportant les propos de l’un<br />
d’entre eux : « Croyez-vous que j’aurais accepté cette place, s’il eût fallu me déranger<br />
à tout instant pour des imbéciles qui seraient venus lire ici des romans ou des<br />
vers. » (Cf. Henri Michel « Les bibliothèques municipales » extrait de « Bibliothèques,<br />
livres et librairies », in Bibliothèque(s), n°25, mars 2006, pp. 62-63.)<br />
ment du collectif de travail et les marges de manœuvre dont<br />
chacun dispose dans l’exercice de ses missions. L’urgence<br />
et la nécessité des évolutions peuvent amener à négliger<br />
ces paramètres, alors même qu’ils sont clairement identifiés<br />
aujourd’hui comme sources de « risques psychosociaux »<br />
(sentiment d’impuissance, montée de la violence, absentéisme,<br />
conduites déviantes ou addictives…).<br />
En ce qui concerne spécifiquement le besoin d’intimité<br />
dans le cadre du travail, il suffit de s’intéresser, par exemple,<br />
à la critique dont les bureaux en open space font désormais<br />
l’objet. Il ne s’agit là que d’une situation de travail parmi<br />
d’autres qui, se cumulant, remettent en question l’espace<br />
intime du bibliothécaire.<br />
DE NOUVEAUX ESPACES<br />
Si les constructions malheureuses pour l’organisation du travail<br />
interne ne datent pas d’hier, c’est aujourd’hui l’accumulation<br />
des contraintes qui pose question.<br />
Les extensions d’horaires d’ouverture et une autre vision<br />
des bibliothèques donnent lieu à un niveau de présence plus<br />
élevé de l’ensemble des personnels en service public, tant<br />
sur le plan quantitatif que qualitatif. L’obligation d’être face<br />
au public, d’assurer non seulement une permanence mais d’y<br />
adjoindre, avec le sourire, un arsenal de compétences nouvelles<br />
et variées habilement mises à disposition de l’usager<br />
suppose, pour le bibliothécaire, une mobilisation affective<br />
importante.<br />
En contrepoint, la tendance semble être à une grande<br />
transparence dans les espaces internes. À l’occasion de<br />
visites dans des établissements de construction récente et<br />
60 Bibliothèque(s) - REVUE DE L’ASSOCIATION DES BIBLIOTHÉCAIRES DE FRANCE n° <strong>47</strong>/<strong>48</strong> - décembre 2009