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DOSSIER<br />

par le regard de l’autre, la parole de l’autre, recherchés ou<br />

subis. C’est la relation étroite entretenue avec une ou deux<br />

autres personnes, avec qui l’on désire partager un moment,<br />

une impression, une émotion, une parole, une lecture, à<br />

l’écart des autres. La bibliothèque est aussi le lieu de ces<br />

événements-là : déplacement volontairement recherché ou<br />

inconsciemment provoqué hors de la solitude, hors de l’intimité,<br />

parfois hors des schémas de pensée communs. Ce<br />

mouvement est symbolisé par le mouvement alternatif du<br />

document : mise à disposition des publics / appropriation<br />

privée / restitution au collectif.<br />

Mais il faut faire en sorte que ces « déplacements » ne<br />

soient pas empêchés par un cadre où le fonctionnalisme prévaudrait<br />

sur le bien-être, ou au contraire que la rupture de<br />

l’intimité soit brutalement provoquée par ce cadre.<br />

Comment la bibliothèque peut-elle accueillir ces différentes<br />

facettes de l’intimité ? Celle que nous avons décrite en<br />

introduction le peut-elle réellement ? Bibliothécaires et souvent<br />

architectes ont une vision très ambivalente : derrière un<br />

discours qui reprend les lieux communs de la modernité – la<br />

bibliothèque « lieu de vie » – , se profile une construction et<br />

des aménagements où prévalent la ligne architecturale, le<br />

confort des collections, la linéarité du classement, les discutables<br />

impératifs de la surveillance, et surtout le modèle du<br />

public comme « lecteur » : solitaire, silencieux, emprunteur,<br />

n’ayant ni faim ni soif, ni besoin de communiquer avec l’extérieur,<br />

ayant ses propres instruments d’écriture et pas besoin<br />

de courant pour son ordinateur… Ayant en résumé des<br />

usages très déterminés de la bibliothèque… sauf un : venir<br />

utiliser l’espace de travail et pas les documents ! Nous avons<br />

tendance – l’exemple cité plus haut le montre – à oublier de<br />

laisser l’indispensable marge d’appropriation des espaces<br />

publics par les usagers, à fin d’usages intimes. Il y a toujours<br />

une forme de négociation entre des propositions d’usages<br />

mises en œuvre par les concepteurs, et les usages effectifs<br />

des utilisateurs des bibliothèques. Les exemples photographiques<br />

ci-contre montrent comment certains espaces de<br />

retrait sont créés : derrière une pile de chaises à Rotterdam,<br />

dos à l’espace vide à Issy-les-Moulineaux (annexe). Mais<br />

cette appropriation est-elle possible à Strasbourg ?<br />

Pour dépasser cette contradiction, un certain nombre<br />

d’éléments de programmes peuvent être brièvement donnés.<br />

« PROGRAMME » VERSUS « MODÈLE » ?<br />

L’architecture doit être le moins possible cloisonnée, ce<br />

qui permettra un morcellement dynamique des différentes<br />

zones, avec le maximum de flexibilité dans le temps, flexi-<br />

bilité essentiellement<br />

confiée au mobilier.<br />

Cette notion de flexibilité<br />

s’entend non<br />

seulement comme<br />

adaptation par les<br />

bibliothécaires, mais<br />

aussi comme appropriation<br />

par le public,<br />

qui pourra déplacer<br />

à sa guise certaines<br />

chauffeuses, chaises,<br />

tables basses ou autres<br />

éléments légers. Elle<br />

s’étend aussi aux éléments<br />

de l’accueil et<br />

du dialogue entre les<br />

bibliothécaires et les<br />

usagers : on préférera<br />

des tables où s’asseoir<br />

côte à côte ou<br />

à 90°, plutôt que la<br />

banque et son détestable<br />

face-à-face assisdebout,<br />

à proximité<br />

des oreilles des autres<br />

usagers, accompagnée<br />

de sa grande zone de<br />

stockage de chariots.<br />

DR<br />

DR<br />

À Rotterdam, un trône…<br />

… lecture et vodka.<br />

Les seules surfaces nécessairement encloisonnées sont<br />

celles qui doivent accueillir des activités bruyantes – travail<br />

ou réunion de petits groupes, et petite enfance, public<br />

auprès de qui l’oralité prévaut – ou au contraire des publics<br />

demandant le silence total – étudiants, lycéens ou adultes<br />

isolés en particulier. L’architecture peut cependant prévoir<br />

un certain nombre de « coins » d’intimité : on pourra faire<br />

le parallèle entre l’exemple ci-contre d’un musée de Berlin<br />

et celui de la bibliothèque d’Illkirch-Graffenstaden (67). Je<br />

citerai ici un exemple récent, puisé dans un programme<br />

soumis à un concours d’architecture 4 : « La médiathèque<br />

offrira des lieux spacieux, de respiration et de bien-être<br />

qui incitent à un séjour prolongé. L’architecture, le mobilier,<br />

les couleurs, la signalétique participeront à la création<br />

d’ambiances différenciées selon les activités et les<br />

publics accueillis et offriront une multitude de possibles<br />

aux publics : la lecture silencieuse, la lecture conviviale,<br />

4. Café-programmation, Programme de la Médiathèque d’Angoulême.<br />

JEAN-FRANÇOIS JACQUES Intimité 11

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