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DOSSIER<br />
BON BIBLIOTHÉCAIRE ET MAUVAIS BOULANGER<br />
« Plus simplement, une agence de design comme byVOLTA<br />
vise l’expérimentation et la qualification de nouveaux usages.<br />
Travaillant à des projets architecturaux d’envergure qui ont<br />
besoin de communiquer avec leurs publics, son objectif serait<br />
par exemple de consacrer son savoir-faire dans une approche<br />
physique et polymorphe du dispositif de recherche des bibliothèques<br />
dans le cadre d’un équipement flexible. Ce serait également<br />
un espace d’accueil 2 .<br />
« J’aimerais mettre en place un showroom expérimental,<br />
qu’une grande bibliothèque comme la BnF me dise : “Vous avez<br />
un sous-sol, voilà, exprimez ce que pourrait être la nouvelle interface<br />
autour du livre.” Ça donnerait forcément quelque chose<br />
d’intéressant. Après, on y mettrait de l’émotion ou pas, à cet<br />
égard, tous les degrés sont possibles. On donnerait ainsi une<br />
réponse à la dématérialisation… La bibliothèque possède déjà<br />
tout le trésor dont on peut rêver pour raconter des histoires.<br />
Si l’on peut arriver à sublimer ne serait-ce que cet univers de<br />
savoir, dans un espace interactif et sensoriel pour passer d’un<br />
univers à l’autre, et qu’en plus les gens soient contents, qu’ils<br />
arrivent à manipuler, alors sans doute la bibliothèque s’ouvrira<br />
un nouveau public… »<br />
Reste une question, qu’il n’est pas possible de reléguer plus<br />
longtemps. Dès lors qu’il s’agit de recueillir et d’utiliser des<br />
données sur les états des usagers, de les réduire en données<br />
stockables, manipulables, susceptibles d’être croisées, une<br />
menace d’ordre éthique ne plane-t-elle pas sur cet horizon digne<br />
du Meilleur des mondes ?<br />
« De même que dans le web 2.0 où l’on n’intervient que si<br />
l’on en ressent le désir, tout est affaire de décision volontaire. Il<br />
y a aussi des meneurs de jeu qui donnent des règles. On peut<br />
délimiter les choses. Mais c’est une vraie question à laquelle je<br />
ne saurais pas répondre seul. Seul un comité d’éthique avec<br />
des philosophes pourrait répondre. La question s’est d’ailleurs<br />
posée en Île-de-France. Un centre commercial voulait en effet<br />
suivre les gens, cartographier leurs déplacements. Pour que cela<br />
soit fait de façon ouverte ils ont disposé de grands panneaux<br />
pour présenter l’expérience. Ça n’est pas du tout passé : les gens<br />
ont sauté au plafond. Or ça se fait déjà avec leurs téléphones<br />
portables.<br />
« Tant que l’on se situe sur la base du volontariat, j’estime<br />
qu’il n’y a pas de manipulation. Pas davantage en tout cas que<br />
dans tout spectacle. Avec simplement d’autres moyens, d’autres<br />
écritures. On agite cette question depuis l’Antiquité. Ce qui m’in-<br />
2. Dans ce cadre d’idée, Stéphanie Bach-Bouglionne (architecte d’interieur de<br />
l’agence) met au point un hall d’accueil destiné au parc du Futuroscope qui<br />
s’éloigne d’une problématique de marque et vise le multi-serviciels dans un<br />
espace interactif au service des animations proposées par le Parc.<br />
ByVolta / architecte Stéphanie Bach<br />
ByVolta / architecte Stéphanie Bach<br />
Au Futuroscope (Poitiers), en haut : un espace d’accueil produit autour de ses<br />
animations interactives sur fond de message « techno-poésie » : les savoirs<br />
s’échangent, et dans l'interrelation une réalité nouvelle se construit. En bas :<br />
« Design prophylactique », la chute d’eau au cœur de la circulation. Ses jeux de<br />
couleurs synchronisés avec un dispositif d’olfaction contrôlée et sa réfrigération<br />
en font un passage obligé pour se ressourcer.<br />
supporte, en revanche, c’est la fausse odeur de pain devant les<br />
boulangeries. Les gens se disent “tiens il y a du bon pain ici”.<br />
Là on est êtes typiquement dans la manipulation, typiquement<br />
dans ce qu’il ne faut pas faire pour que l’espace immersif puisse<br />
fonctionner. On retombre dans les travers du marketing vulgaire.<br />
Il faut faire tout le contraire, être juste, vrai, pertinent, proposer<br />
des services utiles à l’usage des hommes, de leur désir, de leurs<br />
rééls besoins et, idéalement, en leur faisant gagner du temps. »<br />
Souvenons-nous de Rimbaud : « Le poête se fait voyant par<br />
un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens » ;<br />
avec le temps du numérique, nous entrons dans un monde où il<br />
s’agirait plutôt de régler l’immense circulation du savoir à partir<br />
de la connaissance de nos sens. ■<br />
17, rue d’Hauteville – 75010 Paris<br />
Tél. : 01 <strong>48</strong> 00 81 19<br />
www.byvolta.com<br />
PHILIPPE LEVREAUD L’intelligence des sens et le design immersif 27