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Paroles d’éditeur]<br />

Comment vivez-vous ces<br />

moments de surproduction ?<br />

Effectivement, il y a trop de<br />

petits romans publiés, et<br />

aussitôt totalement oubliés<br />

par leurs éditeurs euxmêmes,<br />

romans qui encombrent,<br />

office après office,<br />

les tables des libraires, qui<br />

n’en peuvent mais. Mais,<br />

si on réfléchit, c’est aussi<br />

une situation assez privilégiée<br />

de vivre une époque<br />

où une telle opulence<br />

est possible. Cela devrait<br />

pousser chacun à aiguiser<br />

son libre-arbitre et exercer<br />

son sens critique : choisir<br />

parmi la quantité de titres<br />

nouveaux sélectionnés par<br />

le libraire ceux qui sont faits<br />

pour vous, ceux qui doivent<br />

croiser votre chemin,<br />

allumer une lumière dans<br />

votre mémoire, déclencher<br />

quelque chose… Je fais<br />

confiance à la littérature, à<br />

la poésie, aux essais – mais<br />

aussi à internet et sa possibilité<br />

de rechercher la plus<br />

infime aiguille dans une<br />

botte de foin – pour leur<br />

trouver, à plus ou moins<br />

long terme, un public,<br />

même petit, mais convaincu,<br />

amplifié par la lecture des<br />

livres qu’on tient en mains,<br />

un public rendu plus intelligent<br />

et plus ouvert…<br />

• Sur l’un des textes que<br />

vous avez écrit à partir de<br />

votre travail et au début de<br />

cet entretien, vous évoquez,<br />

en parlant de vos projets<br />

éditoriaux, la complexité, le<br />

risque ? Pouvez-vous nous<br />

en dire davantage ?<br />

Je le dis plus haut : les livres<br />

que je publie sont des livres<br />

qui demandent des mois<br />

de travail, des recherches<br />

sans fin, des vérifications<br />

minutieuses, des relectures<br />

attentives…<br />

C’est là où réside<br />

leur complexité<br />

(et leur intérêt).<br />

Après leur parution,<br />

il faut qu’ils<br />

trouvent leurs<br />

lecteurs et, pour<br />

ce risque-là, finalement,<br />

je compte de moins en<br />

moins sur la presse, tant<br />

professionnelle que journalistique.<br />

Je compte sur<br />

le bouche à oreille, sur les<br />

salons et les marchés, sur<br />

le contact direct entre le<br />

fabricant et l’amateur, sur<br />

l’image du travail bien fait…<br />

• Parlez-nous de vos projets.<br />

Il y a ceux qui concernent<br />

Jean Paulhan, votre<br />

grand-père, dont la correspondance<br />

est en grande<br />

partie à découvrir, je crois ?<br />

Mais qu’y a-t-il d’autre en<br />

gestation ?<br />

Dans l’avenir, j’aimerais<br />

publier des notes sur Paris<br />

de Henri Calet, la suite<br />

du monumental et unique<br />

journal de Mireille Havet,<br />

le journal de Jacques<br />

Lemarchand, des lettres<br />

à Jean Paulhan écrites<br />

par Jean-Richard Bloch,<br />

Georges Navel, Bernard<br />

Groethuysen, etc. Mais je<br />

n’aime pas évoquer des<br />

projets pour lesquels je ne<br />

peux pas fixer encore une<br />

échéance… C’est comme<br />

une sorte de superstition !<br />

Prochaine parution :<br />

Mireille Havet, Journal<br />

1927-1929 (mars 2010).<br />

• Hors les livres que<br />

vous publiez, quelle est<br />

votre dernière découverte<br />

reliée à « la littérature de<br />

l’intime » ?<br />

Je pense aux mémoires de<br />

Claude Lanzmann, Le Lièvre<br />

de Patagonie, où l’on est<br />

emporté par le souffle de<br />

l’Histoire, la force d’un destin<br />

particulier, la sûreté du<br />

style, la curiosité du regard<br />

de l’auteur : tout cela forme<br />

un livre très vivant, parfois<br />

agaçant, mais passionnant.<br />

• Pour terminer, un mot,<br />

encore pour les bibliothécaires,<br />

pour tout ce qui<br />

touche à la diffusion de la<br />

littérature de l’intime ?<br />

« Lorsqu’on est la petite fille d’un monument de la littérature<br />

française, naît-on avec une responsabilité intellectuelle<br />

et morale ?<br />

On ne naît pas avec, on l’acquiert ou pas ; on se charge de<br />

cette responsabilité ou pas. Chacun son choix. »<br />

Entretien avec Frédéric de la Vignalière pour Le Mague :<br />

www.lemague.net/dyn/spip.php?article1323<br />

« Aller au-devant, rompre, ne<br />

rien admettre, détruire et rejeter<br />

tout ce qui, même de très<br />

loin, menace une seconde<br />

l'indépendance, voici mes Mireille Havet en 1917.<br />

lois. Ce n'est pas une politique<br />

de la conciliation, c'est exactement une révolte. Je<br />

ne mangerai pas de votre pain. Je serai abracadabrante<br />

jusqu'au bout. »<br />

Carte postale de Mireille Havet (1917).<br />

Photo Choumoff. Coll. particulière<br />

Eh bien, j’espère que les<br />

bibliothécaires considèrent<br />

mes publications comme<br />

des ouvrages de fonds, qui<br />

accompagnent utilement les<br />

œuvres « officielles » d’un<br />

écrivain. À part pour Mireille<br />

Havet et Catherine Pozzi,<br />

dont l’œuvre principale se<br />

trouve être les tomes de<br />

journal que j’ai découverts<br />

et publiés posthumément,<br />

tous les autres auteurs de<br />

mon catalogue sont plus<br />

ou moins connus pour des<br />

œuvres éditées de leur<br />

vivant. Dans ce cas, mon<br />

travail consiste à les hisser<br />

hors de l’oubli dans lequel<br />

ils sont parfois tombés,<br />

à éclairer leur place dans<br />

l’histoire littéraire, à maintenir<br />

leur nom et leur existence,<br />

ce qui ne me semble<br />

pas éloigné du devoir des<br />

bibliothécaires, gardiens et<br />

passeurs des livres…<br />

Propos recueillis<br />

par Jean Gabriel<br />

COSCULLUELA<br />

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