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DOSSIER<br />

IMPLICATIONS<br />

Ce travail minutieux, rigoureux, suscite la question du désir<br />

des personnes qui viennent régulièrement aux séances<br />

d’atelier : qu’est-ce qui les conduit à s’engager dans une<br />

réflexion qui, si elle concerne toujours des problèmes ayant<br />

des conséquences pratiques, ne leur promet rien, ne leur<br />

donne aucune réponse qu’il suffirait ensuite d’appliquer ?<br />

La généralité, voire l’universalité des questions et des<br />

problèmes traités laissent peu de place à une expression<br />

qui serait uniquement personnelle, à un « récit de soi ».<br />

Plusieurs participants, lors du « pot » convivial de fin de<br />

séance, sont cependant venus me voir pour dire leur pro-<br />

POURQUOI UN ATELIER PHILO<br />

À LA BIBLIOTHÈQUE ?<br />

Pourquoi pas ? De la même façon, il y a eu un atelier<br />

d’écriture qui s’est éteint avec le départ de la personne<br />

qui l’animait.<br />

Parce que selon moi ce qui compte avant tout ce sont<br />

les personnes.<br />

Un peu par hasard, j’ai rencontré Hervé Parpaillon. Nous<br />

avons parlé. Quand je l’ai entendu raconter son expérience<br />

auprès des apprentis chaudronniers ou mécaniciens,<br />

j’ai su que c’était lui ! C'est-à-dire une personne<br />

capable de saisir immédiatement le contexte : un atelier<br />

philo qui s’adresse à un public sans doute intéressé,<br />

mais qui n’a aucune formation philosophique. Une règle :<br />

chacun vient quand il veut, quand il peut. Grâce au dispositif<br />

astucieux mis en place par Hervé, le participant occasionnel<br />

n’a aucune difficulté à s’insérer dans la réflexion.<br />

La bibliothèque, avec son atelier philo, veut offrir une<br />

pause, une parenthèse, pour un moment de réflexion, de<br />

retour sur soi dans un cadre collectif. Encore faut-il que<br />

le public accepte de mettre à l’épreuve ses certitudes<br />

et ses idées toutes faites et que chacun accepte de se<br />

plier au cheminement de l’interrogation philosophique. Il<br />

faut aussi que l’intervenant soit capable de rigueur sans<br />

raideur formelle, d’écouter sans susciter l’épanchement<br />

narcissique, d’être en empathie avec « son public » sans<br />

tomber dans la démagogie…<br />

À sa demande, Hervé Parpaillon n’est pas rémunéré pour<br />

ce travail. Quelle curieuse idée de nos jours ! J’y vois une<br />

marque de liberté.<br />

Dominique MITOU<br />

Directrice de la BM de Bègles<br />

fond intérêt, évoquer la rémanence de la réflexion : une<br />

fois rentrés chez eux, certains poursuivent les interrogations<br />

initiées lors de l’atelier, se plongent dans des livres<br />

de philosophie. Tous ceux qui pratiquent la philosophie<br />

régulièrement découvrent ce phénomène propre à l’étonnement<br />

philosophique : il n’y a pas seulement dérangement<br />

d’une habitude, ou d’une façon d’habiter ma vie que<br />

je pourrais facilement échanger contre une autre habitude<br />

ou un autre habiter, mais de l’habitude ou de l’habiter en<br />

tant que « mien », ce qui peut être vecteur de découvertes,<br />

de pensées inattendues. En d’autres termes, l’étonnement<br />

philosophique m’implique de telle sorte que je ne sais pas<br />

jusqu’à quel point j’y suis impliqué.<br />

Un autre indice peut être décelé dans les demandes formulées<br />

: une majorité de personnes se sont prononcées en<br />

faveur de « La question d’autrui ». Après plusieurs séances<br />

où furent étudiés des textes de Lévinas, une participante a<br />

posé la question : « Les animaux ont-ils un visage ? » qui<br />

a conduit le groupe à se pencher sur le statut de l’animal.<br />

Autour du thème de l’éducation, ce fut une autre participante<br />

qui anima plusieurs rencontres et choisit des textes<br />

d’Hannah Arendt. Depuis ces expériences, la plupart des<br />

thèmes sont décidés en commun pour une durée de plusieurs<br />

séances. Ce fut le cas pour « Le féminin », « La technique<br />

», et au début de la saison 2009-2010, « Le corps ».<br />

Au fil des mois, puis des années, un petit groupe d’une<br />

quinzaine de personnes assidues, toutes lectrices fidèles de<br />

la bibliothèque, s’est constitué. Il s’enrichit à chaque séance<br />

de visiteurs plus occasionnels qui viennent une fois, deux<br />

fois, disparaissent pour éventuellement resurgir quelques<br />

mois plus tard.<br />

L’atelier s’est également ouvert à d’autres manifestations<br />

proposées par la bibliothèque de Bègles : en juin<br />

2009, après un concert de l’école de musique municipale,<br />

un atelier élargi a réuni une trentaine de personnes autour<br />

de textes sur la musique de Platon, Schopenhauer ou<br />

Nietzsche.<br />

Ce sont très probablement ces pistes d’ouverture qui<br />

restent à explorer. Certaines restent en suspens : un blog<br />

des « mardis philo » n’a pas eu grand succès. La difficulté<br />

technique consistant à fournir un mot de passe, une adresse<br />

de courriel a, de leur propre aveu, rebuté ceux qui avaient<br />

tenté l’exercice. La poursuite des ateliers semble donc très<br />

nettement liée à ce qui réunit les participants : un échange<br />

de parole vive, autour d’un travail commun, dans le cadre<br />

d’un lieu accueillant qui, pour la quatrième année consécutive,<br />

s’avère propice à la réflexion. ■<br />

70 Bibliothèque(s) - REVUE DE L’ASSOCIATION DES BIBLIOTHÉCAIRES DE FRANCE n° <strong>47</strong>/<strong>48</strong> - décembre 2009

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