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parlementaire en faisant du juge un simple contrôleur - ils convergent néanmoinsdans une promotion des mécanismes juridictionnels et du droit comme modes desécurisation des politiques du risque : le droit constitue à ce titre une sorte«d’institut de normalisation» 30 . Cette activité de contrôle de conformité et de miseaux normes est cependant, dans les faits, difficilement séparable d’une activité deproduction normative (Lochak D., 1998), et ce d’autant plus manifestement que lesparlementaires ont ouvert la voie au travail d’interprétation des juges en adoptantune formulation large du principe de précaution qui, depuis la loi Barnier de 1995,n’a pas été précisée par d’autres lois. Cet «appel au juge» est par ailleurs confortépar les juristes qui ont, de leur côté, œuvré à la juridicisation des débats et,partant, à leur cadrage.Le droit étant un instrument essentiel de régulation des rapports socio-politiques, ilest, tout comme les autres savoirs et techniques de gouvernement, concerné parcette thématique. L’analyse de la littérature juridique consacrée au principe deprécaution indique en effet que de nombreuses branches du droit s’en sontemparées pour faire valoir leur légitimité à se l’approprier et, du même coup, àpromouvoir leur propres concepts et catégories de pensée. Le principe deprécaution est ainsi l’objet de luttes internes au champ juridique – mais dont laportée est politique -, luttes dans lesquelles le droit administratif revendique uneposition prééminente : droit politique de l’État par nature (Chevallier J., 1989), il esten effet et tout à la fois chargé de garder l’État, en assurant la régularité et lapérennité de son fonctionnement, et sommé de l’adapter aux attentes d’unesociété qui l’a désenchanté. Objet de fortes critiques car accusé de constituer unfrein à la modernisation de l’État, le droit administratif trouve dans la thématique dela précaution l’opportunité de re-légitimer sa position dans la régulation et larecomposition de l’action publique : ainsi peuvent se comprendre les exhortationsdes juristes à ce que le juge administratif se saisisse d’un principe présentécomme «un nouveau mythe légitimant l’action publique», le vecteur d’une«nouvelle construction de l’État» (Deharbe D., 2002, p. 833) et d’unperfectionnement de l’État de droit, offrant alors au juge l’occasion d’affirmer sonrôle indispensable dans la modernisation étatique. Ces discours de justification ontainsi accompagné, en la légitimant, la saisie progressive du principe de précautionpar les juridictions administratives.L’analyse de la jurisprudence administrative montre en effet que la scènejuridictionnelle a bien été le lieu d’une consolidation du principe de précautioncomme instrument de gestion des risques. Cette consolidation prend deux formes,que nous dissocions pour la clarté de l’analyse mais qui sont indissociables dansles faits.Tout d’abord, le juge administratif a œuvré à établir la solidité juridique du principede précaution, non seulement en acceptant de juger d’affaires liées àl’environnement en mobilisant ce principe (OGM, insecticide «Gaucho»…) maiségalement et surtout en convoquant une logique de précaution en dehors destextes positifs le définissant. L’usage du principe s’est ainsi étendu à des cas30Pour reprendre, en étendant son sens, une expression utilisée par Bruno Latour à propos de l’activitéconsultative du Conseil d’État (Latour B., 2002, p. 75).162

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