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AM-HS-SENEGAL

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Il est des villes qui se regardent, et d’autres qui<br />

s’écoutent et qui chantent plus que d’autres. Saint-<br />

Louis est de celles-ci. Ville archipel, posée à l’embouchure<br />

du fleuve Sénégal, elle se partage entre<br />

la partie continentale, Sor, et l’île Saint-Louis,<br />

reliée par le fameux pont métallique Faidherbe,<br />

devenu emblème de la cité. Un autre pont, plus<br />

modeste, relie l’île à la Langue de Barbarie et au village de<br />

Guet Ndar. Cette « vieille ville française, centre d’élégance<br />

et de bon goût sénégalais », comme le disait joliment l’écrivain<br />

Ousmane Socé Diop (1911-1973), est baignée à la fois<br />

par la mer et le fleuve. Au cœur du quartier historique,<br />

qu’on appelle aussi Ndar, le son clair des sabots des chevaux<br />

rythme la journée. Plus il y a de visiteurs et de touristes<br />

pour prendre les petites calèches peintes à la main, plus on<br />

entend les sabots sonner sur le pavé et le goudron, accompagnés<br />

des interjections des conducteurs. Ils seront remplacés<br />

le soir venu par les appels à la prière, puis les chants<br />

religieux qui s’échappent des cours des maisons jusque tard<br />

dans la nuit. Il n’est pas rare, également, que quelques notes<br />

de jazz s’échappent d’un estaminet, ce mot désuet correspondant<br />

exactement au genre d’endroits que l’on trouve<br />

encore à Saint-Louis, avec ses tabourets de bar en similicuir,<br />

ses lumières néon, son ventilateur qui brasse l’air en saison<br />

chaude et son groupe de blues qui chante aussi bien en<br />

wolof qu’en français ou en anglais. On y entend en outre<br />

le crissement des vélos. « On a le sens du vélo comme on<br />

a l’oreille musicale », résume Meissa Fall, le sculpteur du<br />

quartier sud. Dans son atelier, les pièces détachées rouillent<br />

tranquillement au contact de l’air salé et deviendront des<br />

pièces uniques : masques, sculptures, bougeoirs… « Une<br />

bicyclette, ça se prête, ça se partage, comme on partage<br />

des souvenirs », explique ce fils et petit-fils de réparateur<br />

de vélos. « Je vois dans les cycles des formes humaines et<br />

animales, que je complète au fil de mon imagination. »<br />

À deux pas de l’atelier, le fleuve surgit. C’est lui, bien<br />

sûr, qui donne ce rythme particulier à la ville, ce calme,<br />

cette force tranquille, cette invitation à la rêverie pour le<br />

promeneur, rarement solitaire car souvent sollicité par les<br />

marchands ambulants, les artisans et les conducteurs de<br />

calèches… En cette fin d’hivernage, il est particulièrement<br />

haut, et sa couleur café au lait, dans la poussière de l’harmattan,<br />

se confond avec le beige du ciel. Sur ses rives, on<br />

y trouve à toute heure de la journée des hommes assis<br />

EL JUNIO<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 105

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