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AM-HS-SENEGAL

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BALADE<br />

Un archipel<br />

de musées<br />

L’île de Saint-Louis est classée au patrimoine<br />

mondial de l’Unesco depuis 2000. Le quartier<br />

conserve de très nombreuses maisons<br />

typiques de l'époque coloniale, avec leur<br />

façade de chaux, leur double toiture en tuiles, leur<br />

balcon en bois et leur balustrade en fer forgé. Mais<br />

l’état de délabrement de nombreux bâtiments saute<br />

aux yeux… et la plupart des rénovations récentes sont<br />

le fait d’initiatives privées. C’est le cas d'Amadou Diaw,<br />

qui a ouvert le Musée de la photographie (MuPho)<br />

en 2017 pour y loger sa collection de photographies<br />

anciennes et contemporaines. Mama Casset y côtoie<br />

avec bonheur Omar Victor Diop dans une atmosphère<br />

feutrée. Le MuPho a ensuite donné vie à un « archipel<br />

de musées ». Ainsi, le parcours culturel se poursuit<br />

à Kër Lahlou, dédié à l’histoire des indépendances<br />

et de la presse. Kër Thiane est consacré à la musique,<br />

avec une très belle collection de photographies noir<br />

et blanc de tous les grands noms passés par Saint-Louis<br />

et une installation d’instruments de musique dans<br />

un grand entrepôt rénové. On y trouve également<br />

des sculptures de la potière de Casamance Seyni Awa<br />

Camara, des sculptures en fer du plasticien Soly Cissé<br />

et un grand marcheur du sculpteur Ndary Lo. Kër<br />

Hamet Gora est dédié à la mémoire du commerçant<br />

réputé Hamet Gora Diop (1846-1910) et accueillera<br />

bientôt une exposition permanente sur l’histoire des<br />

lettres et de la littérature au Sénégal. Enfin, le Musée<br />

du Souwère propose une belle collection de pièces<br />

anciennes et contemporaines. Mention spéciale à la<br />

salle réalisée par Germaine Anta Gueye, qui donne<br />

une autre dimension à cette technique de peinture<br />

traditionnelle. Amadou Diaw a par ailleurs pour projet<br />

de construire deux autres espaces muséaux. ■<br />

œuvres. « Enfant, je faisais la même chose pour construire les<br />

petites pirogues avec lesquelles nous jouions pour imiter nos<br />

oncles pêcheurs. » C’est d'ailleurs toujours le cas pour les enfants<br />

de Guet Ndar, dans les rues sablonneuses… « Toutes mes créations<br />

en danse sont nées ici. Les idées me viennent ici. La ville me porte,<br />

et je la porte en moi. Elle m’a d’abord apporté la danse et m’a<br />

ouvert les portes du monde entier. »<br />

Alioune Diagne évoque aussi Aminata Fall (1930-2002), l'une<br />

des premières chanteuses de blues et de jazz d’Afrique de l’Ouest.<br />

« Quand j’entends sa voix, j’entends Saint-Louis. Cette ville entretient<br />

une relation très forte avec le jazz et le blues. » De nombreuses<br />

personnes lui trouvent d’ailleurs un air de Nouvelle-Orléans, la<br />

musique constituant une dimension essentielle de la culture des<br />

deux villes. Lors d’un colloque organisé en 2013 sur le sujet, le<br />

musicien Vieux Mac Faye avait reconnu l’influence du blues, en<br />

particulier celui du delta du Mississippi, sur son parcours musical.<br />

Ibrahima Seck, de l’Université Cheikh Anta Diop, avait alors<br />

déclaré : « La musique a voyagé, s’est transformée. Elle est revenue<br />

en Afrique comme un boomerang, et les Africains ont continué<br />

à la reconnaître et à l’adopter. » Le jazz, né de la circulation des<br />

hommes et de leur culture entre les deux rives de l’Atlantique,<br />

a trouvé un terreau fertile à Saint-Louis. L’épopée du Star Jazz,<br />

formé dans les années 1950 par Pape Samba Diop (dit « Mba »),<br />

rejoint ensuite par Aminata Fall et Pape Seck, est encore dans<br />

les mémoires des vieux Saint-Louisiens, ainsi que le mythique<br />

club Le Cocotier dans le quartier Sindoné, dans lequel le groupe<br />

se produisait. On trouve des traces jazzy un peu partout dans<br />

la ville : de la pointe nord, à l’hôtel Keur Dada, où les photos<br />

en noir et blanc évoquent le passage des plus grands noms du<br />

jazz, jusqu’aux Comptoirs du fleuve d’Amadou Diaw, où l’on est<br />

accueillis le plus souvent par de la musique dès la réception, en<br />

passant par le Spoutnik Bar, où « ça va jazzer », comme l'annonce<br />

la devanture.<br />

LE RENDEZ-VOUS DES ARTISTES<br />

Devenu au fil des ans un événement incontournable, le Festival<br />

international de jazz de Saint-Louis a été créé en 1993.<br />

Drainant des passionnés du monde entier, il est connu pour ses<br />

concerts grand format place Faidherbe et ses fêtes mythiques qui<br />

ont souvent débordé jusque sur le pont du bateau de croisière Bou<br />

El Mogdad, amarré au quai nord, entraînant dans son sillage les<br />

bars, restaurants et clubs en fête. La dernière édition, malgré<br />

beaucoup d’incertitudes pour cause de Covid-19, s’est quand même<br />

tenue en juin 2021, avec en tête d’affiche Baaba Maal, Vieux Farka<br />

Touré et Awa Ly. Comme l’ensemble de la ville, le festival a été<br />

touché par les restrictions liées à la pandémie, qui ont frappé de<br />

plein fouet les activités touristiques de l’île. Malgré tout restent les<br />

souvenirs des flamboyantes éditions précédentes. Amadou Diaw,<br />

fondateur de la première école de commerce privée du Sénégal<br />

(Institut supérieur de management), mécène, collectionneur et<br />

fondateur du Forum de Saint-Louis, se souvient de l’Orchestra<br />

Aragon sur la place Faidherbe en 2014 : « Les Saint-Louisiens en<br />

chapeau Torpedo, les Saint- Louisiennes en voile, qui, dans le feu<br />

du concert, jettent leur foulard pour se mettre à danser sur la<br />

musique de leur jeunesse. C’était magique ! » Pour lui, la musique<br />

de Saint-Louis serait un tango, lui, l’amoureux de la cité, qui<br />

danse un pas de deux avec elle.<br />

Oumar Sall, trentenaire avenant, se souvient lui du passage de<br />

la chanteuse mauritanienne Malouma en 2008. Puis de Marcus<br />

Miller, Lokua Kanza, Manu Dibango, Stanley Clarke, Hervé Samb,<br />

Fatoumata Diawara… Il les a tous accueillis dans son café, le Ndar<br />

Ndar Music & Café. « Saint-Louis est une ville de musique, elle est<br />

inspirante. C’est une cité artistique. Le festival de jazz est comme<br />

108 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022

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