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AM-HS-SENEGAL

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la surface est urbanisée. Une goutte d’eau, diront certains, au<br />

regard des enjeux écologiques auquel la capitale fait déjà face.<br />

Dakar serait en passe de devenir une bombe écologique. La<br />

plage de Yoff, située au nord, sur la commune éponyme, en est<br />

l’un des symboles. Mis de côté les sportifs, les promeneurs, les<br />

mouettes par le poisson alléchées et le soleil couchant, restent<br />

les déchets domestiques. Ceux déchargés sauvagement. Ceux<br />

drainés par les flots. Pour pallier la pression toujours plus<br />

grande que les déchets solides impriment sur la capitale, la<br />

municipalité a lancé en 2019 la campagne citoyenne « Dakar<br />

ville propre ». Chaque parcelle de quartier nettoyée par ses<br />

habitants est abondamment partagée sur les réseaux sociaux,<br />

non sans soulever quelques interrogations – les bonnes volontés<br />

des Dakarois ne s’avèrent-elles pas insuffisantes si elles ne<br />

sont pas adossées à une solide gouvernance publique ? Que<br />

peut faire de plus l’Unité de coordination de la gestion des<br />

déchets solides (UCG) ? L’organisme compétent dans la collecte<br />

et la prise en charge de 2 100 tonnes de déchets quotidiens n’a<br />

d’autre choix que d’envoyer ceux-ci dans les 75 hectares de la<br />

décharge à ciel ouvert de Mbeubeuss, adossée à l’une des plus<br />

grandes zones maraîchères de la région, dans la commune de<br />

Malika. Aucun remplaçant crédible n’a, pour l’heure, été trouvé<br />

à Mbeubeuss, bien qu’un site d’enfouissement des déchets, plus<br />

écologique, ait été ouvert en 2015 dans la commune de Sindia,<br />

soixante kilomètres au sud de la ville.<br />

FACE À SON ENVIRONNEMENT<br />

Si Dakar salit, Dakar consomme aussi – de l’eau et de l’électricité,<br />

en des quantités toujours plus importantes. La demande<br />

en électricité était estimée à 348 MW en 2013. Les projections<br />

indiquent plus du quintuple à l’horizon de 2035, soit 1 810 MW.<br />

Quant à l’eau, alors que les ménages consommaient en moyenne<br />

près de 280 000 m 3 d’eau par jour, le PDU table sur le double en<br />

2035, soit 595 000 m 3 . Les installations peinent pourtant déjà<br />

à tenir le choc. La société Sen’Eau, opérée par le groupe français<br />

Suez, qui gère et exploite la distribution de l’eau au Sénégal<br />

depuis 2020, doit régulièrement s’excuser via les réseaux<br />

sociaux : les travaux de maintenance sur le système d’approvisionnement<br />

sous-dimensionné occasionnent des pénuries à<br />

Dakar depuis quelques années. En cause, aussi, un manque de<br />

diversification des ressources : la consommation des ménages<br />

dépend à 45 % du lac de Guiers, situé à plus de 250 kilomètres<br />

au nord de la capitale. Les 55 % restants proviennent des<br />

forages puisant dans les nappes phréatiques de Thiaroye et<br />

de Pout, dans la région de Dakar – des nappes surexploitées<br />

et surpolluées qui, en l’absence d’un réseau d’assainissement<br />

suffisant, sont caractérisées par un taux de nitrate et de matière<br />

fécale dans des taux 10 fois supérieurs à ceux recommandés<br />

par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pour tenter de<br />

diversifier les sources de production, une usine de dessalement<br />

d’eau dans le quartier des Mamelles a été financée par l’Agence<br />

japonaise de coopération internationale (JICA). Sa capacité de<br />

100 000 m 3 quotidienne pourrait soulager des nappes phréatiques<br />

rendues exsangues par la soif d’une ville insatiable.<br />

C’est sans doute là le prix fort que Dakar doit payer.<br />

Son rayonnement et la polarisation dont la ville fait l’objet<br />

aujourd’hui risquent de la déconnecter de son écosystème<br />

qui, pourtant, ne cesse de se rappeler à elle. Après de folles<br />

années caractérisées par l’euphorie des débuts, la capitale,<br />

afin de conserver son aura et offrir à ses habitants un cadre<br />

de vie digne de la teranga sénégalaise, n’a plus d’autre choix<br />

que d’entrer de plain-pied dans l’âge de raison en se dotant<br />

d’une gouvernance solide – et ainsi faire face à son cortège<br />

de responsabilités. ■<br />

La prestigieuse<br />

Dakar Arena,<br />

complexe<br />

sportif de<br />

15 000 places.<br />

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA<br />

intelligentes, afin de s’adapter<br />

aux inondations et au changement<br />

climatique. Inclusive, enfin, elle<br />

proposera 15 000 habitations à loyer<br />

modéré. Les louables intentions des<br />

plaquettes commerciales, cependant,<br />

ne font aucune mention de la pression<br />

mise sur l’économie locale et des<br />

expropriations des agriculteurs dont<br />

les exploitations préexistaient à<br />

l’implantation de la ville futuriste. Les<br />

conflits fonciers, s’ils étaient résolus,<br />

pourraient bien ouvrir la voie à Dakar<br />

qui, en préparant son futur, aurait<br />

aussi tiré des leçons de son passé. ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 57

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