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AM-HS-SENEGAL

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INTERVIEW<br />

domestique, et de la captation de valeur au profit des entreprises<br />

locales. Nous savons que les grandes entreprises continueront<br />

de jouer leur rôle de gros investisseurs. Cependant,<br />

l’économie nationale doit être portée par un tissu de petites<br />

et moyennes entreprises/industries (PME/PMI) suffisamment<br />

agiles, solides et bien organisées pour faire le relais de la<br />

croissance. Autrement, l’internalisation de la chaîne de valeur<br />

sera un vœu pieux.<br />

On reproche souvent aux banques de ne pas jouer leur<br />

rôle de financement des PME/PMI, qui sont pourtant le<br />

cœur du tissu économique national. À quelles conditions<br />

pourraient-elles mieux soutenir les entrepreneurs locaux ?<br />

L’expérience montre que nous, banquiers, n’avons pas toujours<br />

eu la bonne approche envers les PME/PMI. En réalité,<br />

le principal problème rencontré était d’ordre informationnel.<br />

Nous ne connaissions pas assez bien ces<br />

PME/PMI, et ne disposions pas toujours<br />

de la capacité de pouvoir les suivre dans<br />

leur exploitation et leur développement.<br />

Nous l’avons compris chez Ecobank. C’est<br />

pourquoi nous nous sommes engagés<br />

dans une approche partenariale avec<br />

les instances étatiques et régionales qui,<br />

ces dernières années, ont mis en place<br />

un ensemble de dispositifs favorable<br />

à l’accompagnement des PME/PMI au<br />

Sénégal. Des moyens importants [9 milliards<br />

de francs CFA, 13,7 millions d’euros<br />

en 2021, ndlr] ont récemment été mis à<br />

la disposition du Fonds de garantie des<br />

investissements prioritaires (FONGIP),<br />

qui permet d’avoir accès à des garanties<br />

institutionnelles dans notre financement<br />

des PME. Aussi, la Banque centrale des<br />

États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a<br />

introduit en 2018 le Dispositif PME,<br />

qui tend à favoriser le financement des<br />

PME/PMI, notamment à travers sa capacité à refinancer leurs<br />

créances bancaires. Ces changements institutionnels nous ont<br />

fait réviser notre stratégie de croissance : aujourd’hui, le financement<br />

des PME/PMI en est le deuxième pilier, après le digital.<br />

Le secteur des fintech est en pleine expansion. Pourtant,<br />

encore une fois, de nombreux observateurs soulignent<br />

le peu de risques pris par les banques pour soutenir<br />

ces « jeunes pousses ». Partagez-vous ce constat ?<br />

À Ecobank, nous ne pratiquons pas la politique de l’autruche<br />

concernant les fintech : nous les invitons à s’approcher de nous<br />

afin de tisser des partenariats. C’est pourquoi nous avons<br />

organisé à Dakar, en 2021, le Forum des fintech. Notre message<br />

était celui-là : chez Ecobank, nous sommes disposés à envisager<br />

un financement pour les start-up en mesure de pouvoir prouver,<br />

via leur business plan, qu’elles produiront des flux de trésorerie<br />

Nous nous<br />

considérons<br />

comme un<br />

partenaire<br />

de l’État. Notre<br />

collaboration<br />

va au-delà<br />

d’une simple<br />

relation de<br />

banque à client.<br />

(cash flows) qui viendront en remboursement du crédit. L’emprunt<br />

bancaire n’est pas toujours la forme de financement la<br />

plus indiquée, car certaines jeunes pousses des fintech, bien<br />

que créant de la valeur, n’ont pas le modèle opérationnel suffisant<br />

pour générer des cash flows lors des premiers exercices.<br />

Quand ce type d’entreprise en vient à faire financer son business<br />

plan, c’est de financement par capital dont elle a besoin. Dans<br />

ce cas, nous les encourageons à rechercher un business angel ou<br />

d’autres types de financements mis en place par l’État.<br />

Quelles sont les réformes urgentes à engager<br />

afin de consolider l’économie sénégalaise ?<br />

Des efforts doivent être consentis dans le domaine de la<br />

baisse des facteurs de production, notamment celui du coût de<br />

l’énergie. C’est un point essentiel du développement de l’investissement.<br />

Aussi, il est de notoriété publique que le défi majeur du<br />

pays est l’emploi des jeunes. Un peu plus<br />

de flexibilité aiderait à détendre le marché<br />

de l’emploi et à créer des opportunités<br />

pour les jeunes, afin d’éviter le drame de<br />

l’immigration clandestine. Le risque, c’est<br />

que la situation sociale ne devienne explosive,<br />

comme en témoignent les émeutes<br />

de mars 2021 [après l’arrestation de l’opposant<br />

politique Ousmane Sonko, accusé<br />

de viol, de sanglantes manifestations ont<br />

éclaté contre les forces de l’ordre et les symboles<br />

de la présence française, sur fond de<br />

révolte sociale, faisant 13 morts, ndlr]. Le<br />

chômage des jeunes est l’un des points critiques<br />

susceptibles de menacer la stabilité<br />

qui fait aujourd’hui la force du Sénégal.<br />

Comment les banques peuvent-elles<br />

participer à la transformation<br />

du secteur informel ?<br />

Nous travaillons activement chez<br />

Ecobank dans le cadre du programme<br />

des 100 000 logements sociaux [une composante<br />

phare du programme zéro bidonville du Plan Sénégal<br />

Emergent, à destination des ménages à revenus faibles et/ou irréguliers,<br />

ndlr]. Et nous aurons, dans le futur, une part importante<br />

à jouer dans le financement du secteur informel pour leur permettre<br />

d’accéder à la propriété. À nous de trouver les formules<br />

adaptées et, sans pouvoir en dire davantage pour le moment,<br />

nous pensons que le digital peut nous y aider.<br />

Le taux de bancarisation de l’économie sénégalaise<br />

est autour de 20 %. Comment l’améliorer et quels progrès<br />

la digitalisation des services bancaires apporterait-elle ?<br />

Lorsqu’on élargit le taux de bancarisation à la microfinance<br />

et à la monnaie électronique, nous nous approchons de 80 %.<br />

L’inclusion financière est une réalité au Sénégal, grâce au développement<br />

des infrastructures de télécommunication. Chez Ecobank,<br />

nous sommes en mesure de servir nos clients partout où il<br />

68 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022

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