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URBANITÉ<br />
REDESSINER LA VILLE<br />
Dakar pourrait pourtant bien tirer son épingle du jeu<br />
en renversant les notions mêmes de centre et de périphérie.<br />
Aujourd’hui, la concentration monopolaire des activités de<br />
commerces et de services met sous pression une infrastructure<br />
urbaine qui se caractérise par de monstrueux embouteillages<br />
pendulaires. Chaque matin, la ville est témoin de migrations<br />
massives des travailleurs issus des quartiers populaires convergeant<br />
vers le Plateau. Se retrouver dans l’interminable file de<br />
voitures s’étirant sur la Corniche, lundi matin sous un soleil<br />
de plomb, coupe l’envie de se perdre dans la contemplation<br />
de l’océan.<br />
L’heure n’est pourtant pas à la fatalité. Avec la mise en<br />
service du Train express régional (TER), le 27 décembre dernier,<br />
le président Macky Sall a posé la première pierre d’un<br />
vaste projet de restructuration des modes de communication<br />
dans la capitale. Le tracé relie la gare centrale de Dakar à<br />
Pikine, la ville encore en projet de Diamniadio [voir encadré<br />
ci-dessous], puis, à terme, l’AIBD. Selon les chiffres officiels,<br />
115 000 passagers quotidiens pourraient profiter des services<br />
hypermodernes du TER – reste à savoir si le prix plancher<br />
de 500 francs CFA (0,76 euro) du billet ne sera pas trop onéreux<br />
pour la frange populaire des habitants, habituée aux<br />
faibles tarifs des cars rapides et des bus Tata. Afin d’épauler le<br />
TER dans sa mission de désengorgement des axes routiers, la<br />
municipalité planche aussi sur un projet de Bus Rapid Transit<br />
(BRT), dont les navettes circuleront dans des corridors réservés.<br />
En 2022, elles relieront les communes de Keur Massar,<br />
Guédiawaye, Pikine Nord et Dakar. Le chiffre de 300 000 usagers<br />
quotidiens est avancé [voir pp. 40-41].<br />
Faciliter la mobilité dans l’agglomération : l’objectif est<br />
assumé. Mieux encore, en cascade, son accomplissement<br />
favoriserait la décentralisation et l’émergence de deux nouveaux<br />
pôles de croissance urbaine, Diamniadio et Daga Kholpa.<br />
Si le premier est en phase de devenir réalité à l’horizon de 2024,<br />
le second se heurte, pour l’heure, aux résistances des habitants.<br />
Ceux-ci ne s’estiment pas assez concertés et craignent<br />
des spoliations de territoire. Et ce, bien que le PDU indique<br />
« la coexistence des villages existants et des zones urbaines<br />
modernes » dans un territoire de 3 891 hectares, qui n’accueillait<br />
en 2020 que 33 000 habitants… et dont l’aménagement<br />
vise à en accueillir 190 000.<br />
Une densité qui pèse aussi sur les questions agricoles. Alors<br />
que l’alimentation représente près de 50 % des dépenses des<br />
ménages modestes, l’agriculture périurbaine est menacée. En<br />
cause, l’extension du bâti, l’appauvrissement des sols dû à la<br />
pollution et les difficultés d’accès à l’eau. « Comment imaginer<br />
l’avenir d’une métropole comme Dakar sans la conditionner<br />
à une agriculture […] qui permette de concilier la sécurité<br />
foncière et écologique des territoires ? », alertait en 2015 la<br />
Fondation Nicolas Hulot à l’origine d’un rapport réalisé avec<br />
le GRDR. La région, pourtant, ne manque pas de potentiel.<br />
Située sur la zone humide et fertile des Niayes, elle fournit<br />
un tiers de la production agricole nationale en maraîchage<br />
et approvisionne la ville à plus de 90 % de sa consommation<br />
en fruits et légumes, selon le dernier recensement national<br />
de l’agriculture en 2013. Face à l’importation des produits de<br />
première nécessité comme le riz, dont 70 % de la consommation<br />
dakaroise provient d’Asie, la préservation des surfaces<br />
d’agriculture périurbaine devient indispensable.<br />
Désengorgement et décentralisation, donc, sont les maîtresmots<br />
d’une nouvelle politique de gouvernance qui œuvre<br />
également pour préserver l’écosystème mis sous pression par<br />
l’anthropisation de la région de Dakar, dont près de 97 % de<br />
Diamniadio, la cité qui s’invente<br />
Située au carrefour de<br />
l’agglomération dakaroise et<br />
du reste du pays, Diamniadio<br />
cristallise les espoirs d’une<br />
réponse à une urbanisation devenue<br />
incontrôlable. Un projet pharaonique<br />
de 1644 hectares adossé à une Zone<br />
économique spéciale intégrée (ZESI).<br />
Voilà ce que promet l’État du Sénégal,<br />
qui a déjà déboursé 600000 milliards<br />
de francs CFA (914 millions d’euros)<br />
dans la phase de démarrage du<br />
projet – les opérateurs privés, pour la<br />
plupart turcs, chinois et sénégalais,<br />
ont, eux, pris le relais en 2020 de<br />
la phase de développement. Le futur<br />
pôle urbain devrait, à terme, compter<br />
300 000 habitants. « Diamniadio<br />
servira de modèle urbain pour<br />
le Sénégal, en tant que ville<br />
soigneusement planifiée », assure la<br />
Délégation générale à la promotion des<br />
pôles urbains (DGPU), en charge du<br />
suivi opérationnel. Reste qu’une ville,<br />
si elle peut s’inventer, doit devenir un<br />
objet de désir pour ses futurs habitants.<br />
La présence de voisins prestigieux<br />
pourrait enjoindre les Dakarois<br />
à franchir le pas : la Dakar Arena,<br />
ce complexe sportif multifonctionnel<br />
de 15 000 places, est l’un d’eux. La<br />
nouvelle université Amadou Makhtar<br />
Mbow, la Cité ministérielle et la<br />
Maison des Nations unies aussi. Quant<br />
à la qualité de vie d’une cité scindée en<br />
deux par l’autoroute, la DGPU l’assure :<br />
Diamniadio sera durable. La ville sera<br />
dotée en infrastructures faisant la<br />
part belle à la mobilité douce et aux<br />
espaces verts. Résiliente, elle sera<br />
équipée notamment de technologies<br />
de surveillance et de planification<br />
56 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022