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INTERVIEW<br />
Son amitié avec Georges Pompidou [Premier ministre français<br />
de 1962 à 1968, puis président de 1969 jusqu’à son décès<br />
en 1974, ndlr] était en effet très forte. À son arrivée en France,<br />
Senghor ne dispose pas encore d’un bagage littéraire solide :<br />
il a été éduqué au Sénégal par des curés bretons, alsaciens et<br />
normands, qui exerçaient une sorte de « censure catholique »<br />
sur les livres accessibles à leurs étudiants. Du fait de l’influence<br />
exercée par ces hommes d’Église, il est même plutôt monarchiste<br />
! Lorsqu’ils se rencontrent en khâgne, Pompidou l’initie à<br />
la lecture des grands auteurs : le jeune homme, alors de gauche,<br />
et issu d’un milieu modeste du sud-ouest de la France, fait<br />
découvrir la méritocratie républicaine à celui qu’il surnomme<br />
« Ghor » (« courageux » en sérère) et l' introduit dans le milieu<br />
intellectuel. Tous deux vont ensemble au théâtre et au cinéma,<br />
avec le troisième membre de leur trio, le futur écrivain vietnamien<br />
Pham Duy Khiêm. Pompidou a en quelque sorte sensibilisé<br />
Senghor à « l’Ailleurs » et a ainsi eu une influence littéraire,<br />
politique et sociale.<br />
Vous rappelez que le concept de « négritude »<br />
a pu être polémique, par exemple avec cette citation<br />
ambiguë : « L’émotion est nègre, la raison est hellène. »<br />
Senghor entendait faire rendre gorge à ce rationalisme occidental,<br />
attaquer les désaccords au coupe-coupe, avec passion.<br />
Il a été emballé par les écrits de l’ethnologue allemand Leo<br />
112 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022