BALADE en tailleur sur des tapis de prière, ou ce qui peut y ressembler (un bout de tissu, un bout de carton parfois). Ils y récitent le Coran pour eux-mêmes, se balançant légèrement d’avant en arrière, leur souffle se mélangeant à celui du grand fleuve. Lorsque le soir tombe, on vient y prendre le frais, les amoureux occupent chastement les bancs publics, les anciens jouent aux dames. On égrène des chapelets, on chantonne, on médite. Dans ces moments, l’île a sans conteste une atmosphère qui n’appartient qu’à elle. De jour, on croise des femmes en voiles mauritaniens, nous rappelant que la Mauritanie n’est qu’à une encablure, des jeunes en maillot de foot côtoient de vieux gentlemen en costume, et il n’est pas rare de croiser quelques chapeaux de cow-boys, nous donnant l’impression de marcher dans un film de Moustapha Alassane ou dans le court-métrage très musical de Laurence Attali, Le Déchaussé, tourné dans la ville en 2003 avec le chanteur Cheikh Lô. « Saint-Louis est connu pour être pluriel dans son histoire et les cultures dont la ville a reçu les multiples empreintes, africaines et française, anglaise un moment, arabe, dans un emmêlement de toutes ces identités à la fois et des hybridations qu’elles ont engendrées », écrit le philosophe Souleymane Bachir Diagne, « enfant de Saint-Louis », dans son dernier livre, Le Fagot de ma mémoire. À l’extrême sud de l’île, les barques de pêcheurs s’alignent le long de la berge : elles sont des dizaines, formant comme une arche colorée. Les pélicans se laissent dériver. De l’autre côté, c’est justement le quartier des pêcheurs, Guet Ndar. Plus de 25 000 personnes vivent sur cette langue de sable de 200 à 400 mètres de large. Cette communauté de pêcheurs est l'une des plus importantes d'Afrique de l'Ouest. C'est la plus grande activité économique de la ville. Sur le continent, c’est la Saint- Louis travailleuse, populaire, étudiante aussi, avec le campus de la très réputée université Gaston Berger. C’est sur cette rive, à Ndiolofène, que le musicien Ablaye Cissoko a décidé d’ouvrir Le collectionneur et mécène du Musée de la photographie, Amadou Diaw. son école de kora en 2015. Lorsqu’on a la chance d’observer une répétition des jeunes recrues, qui ont entre 7 et 10 ans, la concentration et le sérieux des enfants étonnent. Peut-être savent-ils qu’il leur faudra sept ans pour maîtriser les bases de la kora… Le maître est né dans une famille de griots à Kolda, mais est tombé sous le charme de la ville dès 1985. « Je suis venu ici avec mes oncles pour une prestation musicale, et j’ai été happé par sa beauté. J’ai tout de suite senti le côté magique qu’on lui attribue. Je suis venu pour un jour et n'en suis jamais reparti. C’est une cité qui a une âme, qu’elle a réussi à conserver. Elle est unique. C’est une ville de rencontres, et ma musique appelle justement à l’échange. C’est une ville d’eau, une île double. Elle m’a donné une famille, je regarde mes enfants y grandir, et elle est présente en permanence dans ma musique. » La musique de Saint-Louis pour lui ? « La voix des chanteuses traditionnelles du Fanal, cet événement traditionnel qui mobilise toute la cité chaque fin d'année. On est en train de finaliser un projet ensemble, qui s'appelle Wareef. Ces chanteuses me parlent beaucoup. » AU CENTRE DE LA CRÉATION Le Fanal, c’est aussi la madeleine de Proust pour le danseur, chorégraphe et plasticien Alioune Diagne. « Pour moi, la musique de Saint-Louis, c’est celle du défilé du Fanal, avec les voix saint-louisiennes accompagnées des orchestres de sabar. » Lors du défilé, chaque 25 décembre, les habitants marchent en musique, en portant des lampions. « Jusqu’à mes 14 ans, j’ai participé au Fanal des enfants. On créait notre propre lampion de bric et de broc pour se joindre au grand Fanal de notre quartier », se souvient l'artiste, pour qui Saint-Louis est aussi une ville-muse. Après avoir créé le festival Duo solo danse en 2008, il a ouvert le Château sur la Langue de Barbarie en 2012, une superbe bâtisse qui accueille de nombreuses résidences de création, des spectacles, des chambres en Airbnb. C’est un lieu de vie, de rencontres, d’échanges. « Je suis né sur la Langue de Barbarie, j’ai grandi sur l’île, puis j’ai passé du temps à Sor où j’ai commencé la danse et à bricoler avec mes mains. C’est ce quartier qui m’a permis de développer mon côté artistique et de grandir avec. À 25 ans, je suis revenu sur l’île, où j’ai notamment beaucoup dansé à l’Institut français de Saint-Louis. J’ai vécu dans les trois quartiers. Je suis un pur produit saint-louisien ! Cette ville nourrit très fortement mon travail, chorégraphique comme plastique. » On se souvient de son spectacle autour de Battling Siki, autre enfant de la cité, boxeur prodige né en 1897 et au destin tragique. Aujourd’hui, un hôtel-restaurant porte son nom sur l’île. Alioune, qui a aussi développé une pratique de plasticien depuis quelques années, ramasse sur la plage de la Langue de Barbarie des bouts de bois, des filets de pêches qui iront rejoindre l'une de ses EL JUNIO AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022
C’est le fleuve qui donne ce rythme particulier à la ville, ce calme, cette force tranquille, cette invitation à la rêverie pour le promeneur. ZYAD XXXXXXXXX LIM<strong>AM</strong> HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 107
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