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INTERVIEW<br />
grands hôpitaux dans des zones où il n’en existait pas, comme la<br />
région de Kaffrine, Kédougou, Touba… Et il y en aura d’autres.<br />
Mais nous devons aussi fabriquer nos médicaments. Pour le<br />
Sénégal et pour l’Afrique de l’Ouest.<br />
Quels sont les chantiers en cours dans ce domaine ?<br />
Tout d’abord, il faut rappeler que notre pays a une longue<br />
tradition de production de produits pharmaceutiques. L’usine<br />
Médis, à Thiaroye, fabriquait des médicaments. Le Fonds souverain<br />
d’investissements stratégiques avait investi dans l’usine<br />
de solutés Parenterus. Et avec le Covid, nous avons appris que<br />
les États devraient faire autant d’efforts pour se protéger médicalement<br />
que militairement. C’est la raison pour laquelle nous<br />
avons inauguré quatre hôpitaux en deux années. En 2012, nous<br />
disposions de deux centres de dialyse, aujourd’hui il y en a 10.<br />
Et l’objectif d’ici 2024, c’est qu’il y en ait 16. Chaque région doit<br />
avoir le sien. Au-delà des questions médicales, nous avons aussi<br />
mis en place la couverture maladie universelle, afin que tous les<br />
Sénégalais aient accès aux soins. Vous cotisez<br />
5 euros par an, et vous avez droit à une<br />
prise en charge de vos dépenses de santé à<br />
hauteur de 80 % pour les actes médicaux<br />
et les médicaments génériques. C’est une<br />
grosse avancée. Et qu’avons-nous constaté ?<br />
Entre 2012 et 2019, nous sommes passés de<br />
20 % à 50 % de personnes disposant d’une<br />
assurance maladie. Il nous faut donc avancer<br />
petit à petit dans la fabrication locale. Notre<br />
objectif est de passer à 30 % de production<br />
en 2030. Et d’arriver à 50 % en 2035. Nous<br />
ne voulons plus dépendre de l’extérieur. Nos<br />
entreprises doivent profiter de cet énorme<br />
marché du médicament que nous offrons,<br />
tout en générant du savoir faire local.<br />
Où en est le projet d’usine<br />
Nous<br />
avons une<br />
perspective<br />
heureuse et<br />
prometteuse<br />
avec la<br />
découverte<br />
du gaz et<br />
du pétrole.<br />
de fabrication de vaccins ?<br />
La firme BioNTech, qui a découvert le<br />
premier vaccin à ARN messager pour le Covid, a décidé de<br />
nouer des partenariats avec deux pays en Afrique : le Rwanda<br />
et le Sénégal. Elle nous a choisis parce que l’Institut Pasteur de<br />
Dakar est réputé dans le monde, avec son passé de producteur<br />
de vaccins pour la fièvre jaune. Un investissement de 200 millions<br />
de dollars est en cours, provenant de plusieurs pays, dont<br />
le Sénégal qui participera à hauteur de 10 millions de dollars,<br />
les États-Unis, certains pays de l’Union européenne, etc. L’idée<br />
est de produire des vaccins à partir de l’Afrique pour l’Afrique.<br />
Nous disposons du savoir-faire et de l’historicité en la matière.<br />
Nous produirons des vaccins contre le Covid. Et d’autres aussi.<br />
Quelles sont les autres priorités de la deuxième phase ?<br />
Cette deuxième phase, c’est le Plan d’action prioritaire<br />
numéro 2 (PAP 2). Normalement, il devait s’étendre de 2019 à<br />
2023. Mais à cause de la crise du Covid, nous l’avons renommé<br />
« PAP 2A » : Plan d’actions prioritaires ajusté et accéléré. Le<br />
PAP 2A fait référence à notre souveraineté. Il nous faut produire<br />
davantage chez nous ce que nous consommons pour ne<br />
pas subir des événements malheureux comme la pandémie, qui<br />
crée beaucoup d’incertitudes. On ne sait pas si le riz importé<br />
va arriver à l’heure, si l’on va subir les effets des marchés internationaux,<br />
etc. C’est pour cela que je parle de souveraineté<br />
alimentaire et d’économie sociale et solidaire, de donner aux<br />
jeunes des formations utiles, de lancer la fabrication locale<br />
de médicaments pour ne plus être dépendant, etc. Ce sont les<br />
priorités du PAP 2A. Auxquelles il faut ajouter le PSE vert, qui<br />
gère la question de la reforestation. En 2019, le président a expliqué<br />
que le Sénégal faisait partie des pays qui perdaient beaucoup<br />
de forêts. Et qu’il fallait agir sur l’environnement. Nous<br />
avons une politique de reforestation, à travers un programme<br />
dédié, qui doit aussi créer un écosystème environnemental.<br />
L’industrialisation se trouve également au<br />
cœur de nos ambitions. L’État du Sénégal a<br />
posé des actes forts. Comme la mise en place<br />
d’agropoles au sud et au centre, avec des<br />
produits identifiés et prioritaires. Il s’agit de<br />
zones où les producteurs agricoles peuvent<br />
échanger avec les industriels, vendre leurs<br />
produits qui sont transformés sur place,<br />
puis exportés ou mis en vente sur les marchés<br />
locaux.<br />
Quels sont les principaux produits<br />
manufacturés localement aujourd’hui ?<br />
L’arachide en premier, qui est transformée<br />
et exportée. Mais nous souhaitons compter<br />
sur davantage de produits manufacturés. Et<br />
exporter plus de denrées dont nous disposons.<br />
Par exemple, nous produisons beaucoup de<br />
sel. C’est une véritable filière qui est en train<br />
de se développer dans la région de Fatick. Si<br />
vous prenez le Nigeria, le pays importe environ 1 000 milliards<br />
de francs CFA de sel par an. Et il vient principalement de l’Inde<br />
ou du Brésil, alors que nous disposons d’un énorme potentiel sur<br />
notre sol. Parfois, nous en perdons, parce que nous n’avons pas<br />
les marchés en face ou les équipements nécessaires à la conservation<br />
et la transformation. Aujourd’hui, ces industries sont<br />
appuyées par l’État. Autre exemple, nous importons beaucoup<br />
d’huile de palme, alors que nous possédons des espaces et des<br />
terres dans certaines zones disposant d’une bonne pluviométrie.<br />
L’idée est donc de retravailler ces filières, en créer davantage à<br />
haute valeur ajoutée, dans l’aquaculture, dans l’élevage. Nous<br />
sommes devenus autosuffisants en ce qui concerne la pomme<br />
de terre ou l’oignon. Autant de produits que nous importions<br />
beaucoup auparavant.<br />
50 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022