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AM-HS-SENEGAL

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AID/ERICK-CHRISTIAN AHOUNOU<br />

partenaires se sentent ainsi dans une relation gagnant-gagnant.<br />

Et il faudrait que nous changions de mentalité pour relancer utilement<br />

nos économies. Il n’y a qu’en Afrique, par exemple, que<br />

l’on perçoit un programme d’infrastructures comme étant juste<br />

la résultante d’un financement. Aux États-Unis, quand on parle<br />

de réalisations d’infrastructures, on parle surtout de relance<br />

économique, de création d’emplois. Un financement ambitieux,<br />

comme celui de la construction du chemin de fer au Nigeria (qui<br />

s’élèverait à 14,4 milliards de dollars), doit d’abord être perçu<br />

comme une formidable opportunité pour le pays de se relancer,<br />

d’impliquer le maximum de sociétés locales et de favoriser la<br />

création d’emplois, même s’ils sont temporaires. C’est l’approche<br />

que nous devons exiger, et les partenaires bilatéraux accepter.<br />

Idem pour le transfert de technologies qui doit se faire. Nous<br />

entretiendrons ainsi des relations beaucoup plus équilibrées.<br />

Je le dis souvent : l’heure de l’aide au développement<br />

est révolue ! On a fonctionné avec elle pendant<br />

soixante ans. Et je n’ai jamais vu un pays se développer<br />

grâce à elle. Laissons le choix aux Africains de définir<br />

leur propre politique de développement.<br />

Vous êtes membre du Club des<br />

investisseurs sénégalais. Comment<br />

évolue le secteur privé aujourd’hui ?<br />

Nous n’avons pas le secteur le plus dynamique.<br />

Et les responsabilités sont partagées.<br />

L’État est censé mettre en place ce que j’appelle<br />

l’infrastructure de base, c’est-à-dire<br />

l’ensemble des règles qui permettent aux<br />

entreprises locales de pouvoir s’impliquer<br />

davantage. Mais ce serait malhonnête<br />

de mettre toute la faute sur<br />

l’État. Je travaille personnellement<br />

avec de nombreux opérateurs du<br />

secteur privé, pas seulement au<br />

Sénégal. Et c'est souvent plus difficile<br />

de collaborer avec les entreprises<br />

sénégalaises. Je vous donne<br />

un exemple : un promoteur local<br />

avait un projet de 40 milliards,<br />

nous avions signé un mandat,<br />

et je lui avais demandé de me<br />

verser une provision modique,<br />

juste pour sentir son engagement<br />

dans le service que je lui<br />

offrais. Et je lui ai dit : « Si je n’arrive<br />

pas à régler ton problème, je<br />

te rembourse. » Mais il n’a jamais<br />

voulu payer. Résultat, il a perdu<br />

son projet, qui a été saisi par<br />

une banque. Le pire, c’est<br />

que j’avais déjà les partenaires techniques. Juste parce qu’il n’a<br />

pas voulu payer une obole, il perd tout son projet ! Et ça, c’est<br />

typique de la façon de fonctionner de nos entrepreneurs. Il y a de<br />

grosses résistances dans les mentalités. Plus globalement, dans<br />

le secteur du BTP, nous avons encore une approche archaïque.<br />

On s’appuie sur les marchés de l’État. Alors qu’aujourd’hui, on<br />

sait qu'il faut faire de l’engineering procurement construction, et<br />

puis on apporte le financement. Sinon, il n’y a aucun moyen de<br />

survivre. Nous avons essayé d’impulser cette approche à des<br />

entreprises réticentes. Une ou deux se sont ouvertes au processus<br />

et voient aujourd'hui les résultats.<br />

Vous dites souvent que le Sénégal est un pays<br />

compliqué. De manière générale…<br />

Je suis fier d’être sénégalais. Mais c'est une<br />

nation où les 17 millions d'habitants sont tous<br />

des spécialistes ! Chacun a son avis sur tout.<br />

On ne laisse pas les vrais experts s’exprimer.<br />

Comme disait un sage très connu chez<br />

nous : « Notre problème, c’est que ceux qui<br />

savent ne parlent pas et ceux qui parlent<br />

ne savent pas. » Comme si la médiocrité<br />

était méritante. Alors qu'il faut mettre en<br />

avant les gens compétents, qui seront des<br />

repères pour la jeunesse. Sur ce sujet,<br />

c’est toute la société sénégalaise<br />

qui est responsable et devrait<br />

se remettre en cause. ■<br />

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