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Sciences et Avenir: la face cachée de l'Univers

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Le cosmos, objet mathématique antique

épassant la simple

D répétition des cycles, les

Babyloniens furent les premiers

à mathématiser le ciel et à

prévoir des phénomènes, à

partir d’un nombre restreint de

données. Pour Denis Savoie,

c’est là que commença la science

astronomique : « La science,

c’est quand il y a un caractère

prédictif et mathématique. Cela

apparaît avec les Babyloniens

au V e siècle av. J.-C. » Il s’agit

d’une modélisation arithmétique :

« Des fonctions arithmétiques

croissantes et décroissantes,

C’est aussi Newton qui construisit le premier

télescope, doté d’un miroir concave. Ces instruments

transportèrent les astronomes dans

le ciel profond, et les catalogues célestes s’enrichirent

de milliers d’étoiles et de comètes, mais

aussi de nébuleuses, ces objets célestes flous. Le

Britannique William Herschel – qui découvrit

Uranus en 1781 – en répertoria 2 500. S’agissait-il

de gaz diffus ou de collections d’étoiles

lointaines ? « Les grands télescopes du début

du XX e siècle allaient permettre d’établir la différence.

La mesure de la distance des nébuleuses

permit de conclure que certaines étaient

extragalactiques », explique Jean-

Marc Bonnet-Bidaud.

Cette conclusion fut apportée dans

les années 1920 par Edwin Hubble

qui, grâce au télescope Hooker du

Mont-Wilson (Californie), observa

des céphéides, ces étoiles dont

appelées zigzags, prédisent des

moments remarquables dans le

mouvement des planètes. »

À la même époque, les Grecs,

eux, imaginaient l’application

de modèles géométriques

au cosmos. Selon Jean-Marc

Bonnet-Bidaud, « la Grèce

antique a produit une vision

idéalisée du cosmos, basée sur le

présupposé que les mouvements

célestes suivent des sphères

parfaites. Planètes, Soleil et Lune

étaient portés par des sphères

concentriques, tous les autres

astres occupant la dernière sphère

WIKIPÉDIA CC

« MESURER LA

DISTANCE DES

NÉBULEUSES

PERMIT DE

CONCLURE QUE

CERTAINES

ÉTAIENT EXTRA-

GALACTIQUES»

Jean-Marc

Bonnet-Bidaud,

astrophysicien au CEA

des Fixes ». Mais certaines

planètes étaient récalcitrantes !

Eudoxe de Cnide (408-355

av. J.-C.) conçut un modèle de

27 sphères homocentriques.

Vite abandonné, il servit

de base aux théories

ultérieures, notamment à

celle d’Apollonios de Perge

(200 av. J.-C.). Celui-ci

expliquait la rotation

des planètes par leur

positionnement sur un cercle

épicycle tournant lui-même

sur un cercle déférent,

centré sur la Terre.

l’éclat varie périodiquement, dans

plusieurs nébuleuses dont Andromède.

L’Américaine Henrietta

Leavitt avait établi que la période

de variation de l’éclat de ces étoiles

est liée à leur luminosité absolue.

En la comparant à leur luminosité

apparente, qui décroît selon

le carré de la distance, on peut en

déduire leur distance. Ces nébuleuses

se situaient bien au-delà

de la Voie lactée, et l’astronomie

s’évadait vers des espaces incommensurables…

En analysant le spectre

des galaxies lointaines avec Vesto Slipher,

Hubble établit aussi que l’Univers est en

expansion. L’astronomie prospecta ensuite

dans l’invisible avec les ondes radio, et permit

en 1965 la découverte du fonds diffus

cosmologique. Cette première image

de l’Univers confirmait l’hypothèse du

Big Bang, initialement théorisée par le

chanoine belge Georges Lemaître.

Mais si les résultats astronomiques

tranchent entre les modèles cosmologiques,

ils soulèvent aussi des inconnues

de taille. À commencer par la

matière noire, suggérée dès

1933 par Fritz Zwicky. Quant

à l’énergie noire, force gravitationnelle

répulsive, elle a été

postulée en 1998 pour expliquer

l’accélération déconcertante de

l’expansion de l’Univers depuis

6,5 milliards d’années, mesurée

grâce aux magnitudes des

supernovae. Les énigmes qu’elles

posent, mais aussi les désaccords

qui agitent le monde des cosmologistes

(lire l’interview p. 20),

laissent augurer qu’il faudra peutêtre

repenser de fond en comble les

modèles aujourd’hui établis. L’astronome,

en sondant l’Univers, ne

laisse aucun répit au physicien !

FRANÇOIS FOLLIET

L’Univers

insolite

Les femmes

de l’ombre

Encore un domaine bien

masculin, l’astronomie !

Mais parfois ingrat,

l’observation du ciel, nuit

après nuit, étant chose

fastidieuse… D’où l’intérêt

pour certains de solliciter

leur sœur, femme ou fille !

Ainsi Sophie Brahe, sœur

de Tycho, le seconda dans

ses observations dès l’âge

de 17 ans, en 1573, l’aidant

notamment à poser les bases

du calcul moderne de l’orbite

des planètes. Deux siècles plus

tard, la géniale calculatrice

française Nicole-Reine

Lepaute fit la connaissance

de l’astronome Jérôme de

Lalande puis du mathématicien

Alexis Claude Clairaut, alors

qu’elle aidait son mari à

développer des horloges

astronomiques. Elle contribua

aux calculs monstrueux

nécessaires à déterminer la

date du retour de la comète

de Halley, selon l’influence

gravitationnelle de Saturne et

de Jupiter. Clairaut oublia de

la citer dans sa Théorie des

comètes (1760)... Caroline

Herschel, défigurée par le

typhus et jugée non mariable

par sa mère, assista son frère,

William, astronome du roi

George III d’Angleterre, qui

découvrit Uranus en 1781.

Puis, seule, elle découvrit

8 comètes, 3 nébuleuses

et 500 nouvelles étoiles !

Impressionné, le roi lui

accorda une pension

annuelle, et lui remit

la médaille d’or de la

Royal Astronomical

Society en 1828. La

première scientifique

professionnelle est

une astronome !

FRANÇOIS FOLLIET

AVRIL/JUIN 2022 SCIENCES ET AVENIR NUMÉRO SPÉCIAL I 15

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