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Sciences et Avenir: la face cachée de l'Univers

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« NOUS

SOMMES

INQUIETS !

SI NOTRE

EXPÉRIENCE

N’ABOUTIT

À RIEN EN

2030, LE

MODÈLE DES

WIMPS EST

MORT »

Luca Scotto Lavina,

responsable

scientifique du

groupe Xenon

au Laboratoire de

physique des hautes

énergies à Paris

Gianfranco

Bertone,

Le Mystère de

la matière noire,

Dunod, 2014

La matière noire

dans l’Univers,

leçon inaugurale

de Françoise

Combes au Collège

de France : sciav.fr/

matierenoire

L’expérience

Xenon comprend

248 photodétecteurs

ultrasensibles,

capables de détecter

un fl ash lumineux

d’un seul photon si

un Wimp heurtait un

atome de gaz.

THE XENON EXPERIMENT

Wimps : des favoris contestés

« Nous sommes inquiets ! lance

Luca Scotto Lavina, responsable

scientifique du groupe Xenon

au Laboratoire de physique des

hautes énergies à Paris. Si notre

expérience n’aboutit à rien en 2030,

le modèle des Wimps est mort. » Sur

le papier, pourtant, tout fonctionne

merveilleusement bien. Développé

dans la seconde moitié du XX e siècle,

le modèle standard s’est heurté

à quelques écueils, notamment

l’attribution d’une masse précise à

chaque particule. Pour les résoudre,

les physiciens ont imaginé la

supersymétrie, une théorie qui dote

chaque particule d’une jumelle. Et

parmi ces jumelles, les « Wimps »,

acronyme de Weakly Interactive

Massive Particles, traduit en français

par « mauviettes » à cause de leur

discrétion. Or, coup de chance : la

densité de ces particules telle que

prévue par le modèle standard

colle avec celle de la matière noire

observée ! C’est le « miracle des

Wimps ».

Ne restait donc plus qu’à les trouver…

« Nous avons fait l’hypothèse qu'ils

seraient directement détectables

depuis la Terre », explique Luca

Scotto Lavina. Ils interagiraient

très faiblement avec la matière

ordinaire. D’où, à partir des

années 1990, la conception de

volumineuses expériences, dont la

plus spectaculaire est sans doute la

collaboration internationale Xenon.

Installée en Italie centrale, elle est

bâtie autour d’une cuve de xénon

– un gaz trois fois plus dense que

l’eau, liquide à – 100 °C. Si un Wimp

y heurtait un atome de gaz, il en

résulterait un flash lumineux et une

émission d’électrons, détectables

au sommet de la cuve. Mais de tels

événements seraient théoriquement

rares et il faut, pour pouvoir les

détecter, une énorme quantité de

xénon liquide placé dans la cuve. De

10 kg de gaz en 1990, l’expérience

est passée à 100 kg puis 1 tonne, et

aujourd’hui 10 tonnes, dont 3,5 utiles,

le reste absorbant les éventuels

parasites – radioactivité naturelle,

électronique des détecteurs, etc. En

2030, le projet Darwin augmentera la

quantité à 50 tonnes.

« Le Wimp se caractérise par sa

masse et sa capacité d’interaction.

Grâce aux précédentes expériences,

nous avons éliminé beaucoup de

valeurs possibles pour ces deux

paramètres », souligne Luca Scotto

Lavina. En 2020, la collaboration a

annoncé que la version « 1 tonne »

de l’expérience avait capté plus de

signaux que prévu. « La matière noire

n’est pas exclue, mais bien d’autres

phénomènes peuvent être en jeu »,

précise le chercheur : parasites ou

particules issues par exemple du

Soleil… « La version “10 tonnes”,

dont nous dépouillons les données,

pourrait nous aider à y voir plus clair. »

D’autres expériences, sur Terre et

dans l’espace, n’ont pas eu davantage

de succès. Pas de doute : les Wimps,

s’ils existent, sont vraiment des

mauviettes.

L’Univers

insolite

Galaxies sans

étoiles

La Voie lactée ou

Andromède, notre plus

proche voisine, nous

donnent à voir leurs

cortèges d’étoiles évoluant

en de majestueuses

spirales. Mais les galaxies

n’ont pas toutes un destin

aussi lumineux. En 2012,

une équipe internationale

d’astronomes travaillant

à l’aide du Very Large

Telescope, au Chili, a mis

en évidence l’existence

de galaxies sombres, des

protogalaxies dont l’évolution

se serait arrêtée il y a

environ 13 milliards d’années,

800 millions d’années

seulement après le Big Bang.

Bien que riches en gaz, ces

embryons galactiques auraient

été peu productifs en étoiles,

restant de fait très obscurs.

Comment repérer ces sombres

structures ? Pour y parvenir,

les astrophysiciens ont

utilisé une lampe de poche

bien à eux : les propriétés

du rayonnement ultraviolet

émis par les quasars, des

trous noirs très lumineux

propulsant d’intenses

jets de gaz. Au contact

d’atomes d’hydrogène,

ce rayonnement produit

une émission fluorescente

baptisée raie Lymanalpha.

La présence de ces

galaxies sombres, emplies

d’hydrogène, est alors

révélée, dans un rayon

de quelques millions

d’années-lumière

autour des quasars.

Leur étude constitue

une avancée dans la

compréhension des

premières phases

de la formation

des galaxies. F. F.

AVRIL/JUIN 2022 SCIENCES ET AVENIR NUMÉRO SPÉCIAL I 33

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