Sciences et Avenir: la face cachée de l'Univers
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Coalescence simulée d’un
trou noir et d’une étoile
à neutrons. Déchirée par
les intenses forces de
marée du trou noir, celleci
émet des flots d’ondes
électromagnétiques… avant
d’être avalée.
Deux secondes après la monstrueuse
collision, un flash de rayons gamma
En attendant ce jour, il y a de quoi faire ! Car
chacune des 90 ondes gravitationnelles répertoriées
raconte une histoire : celle de deux astres
compacts – en général deux trous noirs, rarement
une étoile à neutrons – pris dans le champ
gravitationnel l’un de l’autre et qui décrivent
des spirales de plus en plus serrées avant de finir
par fusionner en formant un troisième, tout en
faisant vibrer l’espace-temps. Mais pour chaque
onde détectée, la succession des événements
entre ces deux moments doit être reconstituée.
Elle est cruciale pour comprendre la diversité
des astres et les mécanismes en œuvre.
Parmi ces presque cent détections, quelquesunes
relèvent d’événements extraordinaires.
Le plus célèbre d’entre eux, baptisé GW170817
(pour Gravitational Wave du 17 août 2017),
s’est déroulé à 133 millions d’années-lumière
de la Voie lactée, au sein de la galaxie NGC
4993, lorsque deux astres ont fusionné. Vu
leurs masses respectives, 1,2 et 1,6 fois celle
du Soleil, ils semblaient relever de la catégorie
des « étoiles à neutrons ». Une aubaine ! Car,
contrairement à la fusion de deux trous noirs
qui n’émet que des ondes gravitationnelles, les
étoiles à neutrons peuvent perdre une partie
de leur matière avant le stade final et émettre
également des ondes électromagnétiques. Ce
qui fut le cas ! Deux secondes après la détection
des premières ondes gravitationnelles émises
par la monstrueuse collision, deux télescopes
enregistraient un flash de rayons gamma – un
de ces mystérieux signaux appelés sursauts
gamma courts. Au cours de ce gigan-
servation : « Ce fut une longue attente, puis en
un jour, tout a changé ! »
Il y a déjà plus d’un siècle qu’Einstein avait
prédit l’existence des ondes gravitationnelles :
d’après sa théorie de la relativité générale, toute
masse qui subit une force crée une perturbation
qui se propage à travers l’espace-temps.
Une vague d’une hauteur cependant infime,
au point que le physicien la jugea impossible à
mesurer, même pour les objets les plus massifs.
Ce qui fut effectivement le cas, jusqu’à la mise
au point des interféromètres (lire aussi p. 26-27)
aux bras plurikilométriques, capables de sentir
le passage d’une onde haute d’un milliardième
de milliardième de mètre (soit 10 -18 mètre) !
L’observatoire américain Ligo (fort de deux
antennes distantes de 3 000 kilomètres) et son
homologue européen Virgo dans la campagne
LIGO-CALTECH
toscane se sont mis aux aguets dans les années
2000. Dès fin 2022, le japonais Kagra viendra
leur prêter main-forte. Améliorés, les trois instruments
attaqueront alors la quatrième campagne
de détection d’ondes gravitationnelles
(O4). « On s’attend à deux ou trois détections
par semaine, au lieu d’une en moyenne actuellement
», estime Nelson Christensen.
LEXIQUE
Un trou noir est
le stade ultime
d’évolution des
étoiles massives.
Il s’agit d’un astre
si compact qu’il
développe un champ
gravitationnel
extrême, ne laissant
échapper ni matière
ni lumière.
Une étoile à neutrons
est issue d’une série
d’effondrements
gravitationnels d’une
étoile qui a épuisé
son combustible
nucléaire. C’est un
astre dense qui n’est
constitué que de
neutrons, particules
nucléaires.
Une naine blanche
est le stade ultime
d’évolution d’une
étoile de masse
modérée. Notre
Soleil finira en naine
blanche.
Une céphéide est une
étoile pulsant à cause
des contractions et
des dilatations du
gaz qui la compose :
sa luminosité varie
donc à un rythme
très régulier. Au
début du XX e siècle,
l’astronome
américaine Henrietta
Leavitt a découvert
que le rythme de
pulsation dépend
de la luminosité
intrinsèque de
l’étoile. Connaissant
celle-ci et la
luminosité apparente,
la vraie distance des
céphéides peut être
déterminée. Une
aubaine pour les
astrophysiciens, qui
l’utilisent comme
jalon dans l’espace.
CARLETON COLLEGE
« AVEC LA QUATRIÈME CAMPAGNE DE DÉTECTION, ON
S’ATTEND À REPÉRER DEUX OU TROIS ÉVÉNEMENTS PAR
SEMAINE, AU LIEU D’UN, EN MOYENNE, ACTUELLEMENT »
Nelson Christensen, directeur du laboratoire Artémis
à l’Observatoire de la Côte d’Azur, Nice
AVRIL/JUIN 2022 SCIENCES ET AVENIR NUMÉRO SPÉCIAL I 57