Sciences et Avenir: la face cachée de l'Univers
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HAL
Au Moyen Âge, les
alchimistes tentent
par tous les moyens de
tirer parti du fameux
éther dont parlent les
écrits grecs : le libérer
leur permettrait,
pensent-ils, de
transformer le plomb
en or. Manuscrit du
XIV e siècle, bibliothèque
de l’Arsenal, Paris.
« CHEZ DESCARTES, IL S’AGIT
DAVANTAGE D’UNE EXPÉRIENCE DE
PENSÉE, D’UN MODÈLE IMAGÉ, QUE
D’UNE THÉORIE ÉTAYÉE »
Scott Walter, professeur d’épistémologie à l’université
de Nantes
du XII e siècle, quand les textes grecs sont traduits
en latin : cette essence « divine » ou
quintessence serait enfermée en toute chose,
estiment-ils. La libérer permettrait de transformer
le plomb en or, métal parfait. Ils vont
s’y employer corps et âme… en vain.
Avec René Descartes, au milieu du XVII e siècle,
l’éther quitte l’antre des alambiqueurs pour
entrer dans le corpus scientifique. Le savant
français soutient que le vide est empli d’un
fluide aussi dense qu’invisible, contenant d’innombrables
particules capables de transmettre
des forces de collision en collision. Les tourbillons
de ce fluide mettraient ainsi les astres
en mouvement, tout comme ils aggloméreraient
les corpuscules et engendreraient, par
exemple, cailloux et planètes. « Chez Descartes,
il s’agit davantage d’une expérience de pensée,
d’un modèle imagé, que d’une théorie étayée,
estime Scott Walter, professeur d’épistémologie
à l’université de Nantes. Les outils mathématiques
d’alors ne permettent pas de produire
un modèle adéquat de cet éther. » D’ailleurs,
nul n’y parviendra par la suite… ce qui n’empêchera
pas d’en postuler l’existence. Ce sera
notamment le cas d’Isaac Newton.
Le savant anglais a deux bonnes raisons de
s’intéresser à l’éther : d’abord, il est lui-même
alchimiste. Surtout, il étudie la force gravitationnelle.
Après avoir réfuté les tourbillons de
Descartes et établi sa théorie de la gravitation
universelle, il se retrouve face à une contradiction
: comment est-il possible que cette force
agisse instantanément et à distance… alors
qu’une interaction ne peut se faire à travers
le vide ? Pour résoudre cette incohérence, il
conçoit, dans la lignée des alchimistes, une
« espèce d’esprit très subtil qui pénètre à travers
tous les corps solides », comme il l’écrit dans le
livre III des Principia, en 1687. Sans prononcer
le mot ni chercher à le théoriser, faute d’observations
pour appuyer ses intuitions.
Solide, élastique ou rigide, l’éther
a failli survivre à Einstein
C’est à la même époque que, le premier, Christiaan
Huygens convoque un éther pour expliquer
la propagation de la lumière, phénomène
qu’il considère comme une onde, une vibration.
« L’éther est le support des ondes », résume Yves
Gingras, historien et sociologue des sciences à
l’université du Québec à Montréal. Cette idée
d’éther luminifère est pourtant rejetée par
Newton, pour qui la lumière est constituée
de corpuscules pouvant se déplacer dans le
vide. Mais les travaux de l’Allemand Otto von
Guericke, autour de 1650, vont renforcer la
thèse ondulatoire de Huygens. Il multiplie les
expériences de création de vide partiel dans des
récipients fermés et constate que si le son ne
se propage plus, la lumière, elle, y parvient. Il
y aurait donc un éther luminifère. Reste à en
découvrir la nature…
Cette théorie ondulatoire de la lumière connaît
de grands succès à l’aube du XIX e siècle, notamment
avec l’expérience (1801) du Britannique
Thomas Young. En faisant passer un
CHARMET/SPL/SUCRÉ SALÉ
AVRIL/JUIN 2022 SCIENCES ET AVENIR NUMÉRO SPÉCIAL I 17