Sciences et Avenir: la face cachée de l'Univers
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NASA/ESA
Le télescope spatial Euclid , dont le lancement est prévu en 2023, mesurera la forme et les mouvements
d’un milliard de galaxies lointaines, données indispensables à la caractérisation de l’énergie noire.
Beaucoup de scientifiques préfèrent
donc imaginer que le vide n’a pas d’énergie par
lui-même, mais contient un autre champ dont
le comportement serait presque celui d’une
énergie du vide : « Un genre de fluide qui imprègnerait
l’espace et aurait une équation d’état
légèrement différente », ajoute Sandrine Codis.
Par « équation d’état », les astrophysiciens
expriment, dans les grandes lignes, la manière
dont une substance se dilue à mesure que l’espace
cosmique s’étend. Ainsi, par exemple, une
énergie intrinsèque à chaque centimètre cube
d’espace ne se dilue pas du tout avec l’expansion
(quand vous ajoutez à l’Univers des centimètres
cubes, vous ajoutez autant d’énergie du vide).
Mais l’autre possibilité, un champ d’énergie
– parfois appelé « quintessence » – qui se diluerait
juste très peu jouerait un rôle similaire.
« Inutile de dire qu’en ce moment, les théoriciens
s’en donnent à cœur joie et proposent
régulièrement des modèles, presque tous plus
farfelus les uns que les autres ! », s’amuse la
chercheuse.
Comment trancher ? Le modèle cosmologique
actuel se contente de postuler une énergie
constante, ce qui lui suffit pour qu’il concorde
au mieux avec toutes les observations. Mais on
peut affiner ces dernières. Il se trouve que la
façon dont les grandes structures – galaxies et
amas – croissent au cours du temps est très sensible
à la recette exacte du contenu de l’Univers.
Et que cartographier l’Univers profond à grande
échelle permet d’étudier son évolution en détail.
Une étude de cette évolution révélera-t-elle un
comportement de l’énergie sombre plus inconstant
que celui que lui attribue le modèle actuel ?
Voilà qui permettrait peut-être d’en deviner
la nature. « C’est par exemple l’objectif de
la mission Euclid (lire p. 50-55). Mais il y
en a d’autres, comme de grands recensements
effectués depuis la Terre, s’enthousiasme
Sandrine Codis. Des missions d’autant
plus nécessaires que sont apparues,
depuis plusieurs années, des tensions
dans le modèle cosmologique concernant
le rythme de l’expansion, ou des contradictions
entre différentes mesures de la
quantité de matière dans l’Univers. »
Ces contradictions pourraient n’être que
le fruit de biais produits par la méthode
de mesure. « Mais les années passent
et les problèmes demeurent, s’inquiète
Sandrine Codis. Il se pourrait donc que
le modèle soit trop simpliste. » Certains
POUR CERTAINS THÉORICIENS, NOUS VIVONS DANS UNE BULLE PEU
DENSE DE L’UNIVERS QUI S’ÉTEND PLUS RAPIDEMENT QUE LE RESTE
théoriciens pensent que l’apparente accélération
de l’expansion pourrait n’être qu’un
phénomène local, dû au fait que nous
vivons dans une bulle anormalement peu
dense de l’Univers qui s’étendrait donc un
brin plus rapidement que le reste : comme
nous observons ces régions lointaines, de
densité normale, telles qu’elles étaient autrefois,
cela créerait l’illusion que l’Univers s’est
mis à accélérer récemment… Une idée qui n’a
toutefois donné que des résultats peu satisfaisants
jusqu’ici.
Dans tous les cas, la clé réside dans ces futures
cartes de l’Univers profond. « Toute la communauté
est très impatiente de recevoir
les données qui vont tomber dans les prochaines
années ! », conclut Sandrine Codis.
RENÉ CUILLIERIER
L’Univers
insolite
Les sons
de l’espace
Si formidable soit-elle,
la mécanique céleste
ne délivre aucun son. Le
spectacle des comètes et
de leur queue de glace,
ou celui des quasars et
de leurs puissants jets
lumineux, restent muets.
L’onde sonore est une onde
mécanique qui progresse
comme une vague, par une
succession de compressions
et de dilatations du milieu
dans lequel elle chemine,
d’autant plus vite que celui-ci
est dense. Dans l’espace
interstellaire, où la densité
de matière n’est que de
0,127 particule/cm 3 contre
environ 10 20 particules/cm 3
sur Terre, il règne un silence
total. Mais la Nasa a converti
en ondes sonores les ondes
électromagnétiques produites
dans le voisinage des astres.
La surprise est au rendezvous,
avec des pistes parfois
belles, d’autres inquiétantes.
La sonde Cassini a ainsi
révélé le chant de Saturne,
causé par les vagues de
plasma échangées entre la
planète et sa lune Encelade.
Plus récemment, la sonde
Juno a enregistré Jupiter
en pénétrant son bouclier
magnétique, révélant
un sifflement strident.
La Terre, quant à elle,
semble délivrer un joyeux
concert de voix résultant
de l’effet chorus, le
produit des ondes
électromagnétiques
émises dans le champ
magnétique terrestre
frappé par des
particules solaires.
Et voilà que
l’Univers fourmille
de sons ! F. F.
AVRIL/JUIN 2022 SCIENCES ET AVENIR NUMÉRO SPÉCIAL I 39