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Sciences et Avenir: la face cachée de l'Univers

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interview

SIMONE MASTROGIOVANNI

Astrophysicien, laboratoire Artémis, Observatoire de la Côte d’Azur

« Nous avons la méthode, il nous

faut les données ! »

Cherchant à déterminer le taux d’expansion de l’Univers, indispensable pour en estimer l’âge

et l’avenir, les cosmologistes obtiennent deux valeurs irréconciliables. Les ondes

gravitationnelles pourraient apporter la réponse.

Comment détermine-t-on le taux

d’expansion de l’Univers ?

Ce taux, aussi appelé constante

de Hubble – noté H 0

– détermine

la vitesse à laquelle gonfle chaque

mégaparsec (Mpc) d’Univers :

un mégaparsec correspond à

3,26 milliards d’années-lumière.

Cette constante s’exprime en

kilomètres par seconde et par

Mpc. Pour la calculer, il faut

connaître à la fois la distance

d’un astre et la vitesse à laquelle

il « semble » s’éloigner du fait

de l’expansion de l’espace. La

distance est très difficile à

déterminer, car nul ne connaît la

luminosité intrinsèque d’un astre :

ce n’est pas parce qu’il nous paraît

très peu lumineux qu’il est très

lointain. Il faut s’aider de méthodes

indirectes. Quant à la vitesse

d’éloignement, elle est donnée par

le décalage vers le rouge : lorsqu’une

source lumineuse s’éloigne de

l’observateur, sa lumière est décalée

vers les grandes longueurs d’onde

(le rouge dans le spectre visible).

Quelle est sa valeur aujourd’hui ?

Les cosmologistes obtiennent

des valeurs différentes selon les

observations. L’étude du fond

diffus cosmologique – cette

première lumière de l’Univers,

scrutée notamment par le satellite

européen Planck – donne une

valeur de 67 km/s par Mpc avec

une incertitude de mesure de

0,5 km/s par Mpc. Tandis que

les observations à partir d’étoiles

comme les céphéides (lire le lexique

p. 57), dont on connaît les distances,

aboutissent à 72 ! Ces deux valeurs

semblent irréconciliables. Cela

pourrait signifier que l’Univers n’est

pas en expansion comme prévu, et

que nous avons peut-être besoin

d’une nouvelle physique ! Cela

bouleverserait les connaissances

actuelles. Mais avant d’en arriver là, il

nous faut être sûr des mesures de H 0

.

Qu’apporteront les ondes

gravitationnelles ?

Elles fournissent une troisième

méthode qui pourrait résoudre ce

désaccord. L’idéal serait d’observer

des signaux comme GW170817,

avec une onde gravitationnelle et

sa contrepartie électromagnétique.

L’onde gravitationnelle permet en

effet de déterminer directement

la distance à laquelle est survenue

la collision, et la contrepartie

électromagnétique, la vitesse à

laquelle l’astre nouvellement formé

s’éloigne du fait de l’expansion.

Hélas, nous n’avons vu qu’un

seul événement de ce type. En

attendant d’autres exemplaires,

nous avons développé deux

méthodes : utiliser les propriétés

des trous noirs et exploiter

les catalogues de galaxies.

La première consiste à tirer

profit du fait que le processus

même de formation d’un trou

noir lui attribue une masse

caractéristique. Et cette masse

se trouve affectée par le décalage

vers le rouge. Par ailleurs,

comme l’onde gravitationnelle

nous fournit directement la

distance, nous avons donc les deux

informations pour déduire H 0

.

L’autre possibilité est de se baser sur

les catalogues de galaxies, comme

Glade +, qui donne le décalage vers

le rouge de millions de galaxies.

Nous y situons les deux trous noirs

qui ont été à l’origine de l’onde

gravitationnelle et nous nous nous

basons sur le décalage vers le rouge

de ces galaxies. La distance, là aussi,

est directement donnée par l’onde

gravitationnelle.

S. MASTROGIOVANNI

Quelle valeur obtenez-vous ainsi ?

Nos méthodes donnent un H 0

= 68

+ ou - 6-8 km/s/Mpc… Nous ne

sommes pas encore en mesure

de départager entre les valeurs

discordantes, mais nous espérons

pouvoir y parvenir dès que nous

aurons accumulé un grand

nombre d’événements. Nous

avons la méthode, il nous faut les

données.

PROPOS RECUEILLIS PAR A. KH.

AVRIL/JUIN 2022 SCIENCES ET AVENIR NUMÉRO SPÉCIAL I 61

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