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Sciences et Avenir: la face cachée de l'Univers

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INFINIMENT NOIR

Elle constitue l’essentiel du contenu de l’Univers et accélère son expansion…

mais sa nature échappe toujours aux chercheurs. Plusieurs missions

d’observation devraient bientôt permettre d’en savoir plus.

L’énergie noire, obscur

moteur du cosmos

JEAN MOUETTE IAP-CNRS-SORBONNE UNIVERSITÉ

Chaque centimètre cube

de vide contient, du simple

fait d’exister, une certaine

quantité d’énergie, propre

à l’espace lui-même. Du

moins est-ce ce que postule

le modèle standard

actuel de la cosmologie. Une énergie, certes,

très, très faible : un kilomètre cube d’espace

vide n’en contient pas tout à fait assez pour

faire bouillir une goutte de pluie… Mais pour

paraphraser l’écrivain britannique Douglas

Adams, auteur du Guide du voyageur galactique,

« l’espace, c’est grand », assez grand

pour que cette énergie, uniformément présente

dans son immense volume, représente un peu

plus du double de l’énergie contenue dans la

matière, qu’elle soit noire ou ordinaire. L’effet

de cette énergie dite « sombre » – pour la seule

raison qu’on en ignore la nature – est d’accélérer

l’expansion cosmique.

Cette étrange idée s’est imposée en 1998,

lorsque deux équipes, dirigées respectivement

par l’Australien Brian Schmidt et l’Américain

Saul Perlmutter, annoncèrent que des supernovae

qui avaient explosé il y a près de 8 milliards

d’années apparaissaient moins brillantes

« LES ANNÉES PASSENT ET

LES CONTRADICTIONS DEMEURENT.

IL SE POURRAIT DONC QUE

LE MODÈLE COSMOLOGIQUE

ACTUEL SOIT TROP SIMPLISTE »

Sandrine Codis, astrophysicienne au CNRS

et donc plus lointaines que prévu. Jusque-là, les

astronomes étaient persuadés que l’expansion

de l’Univers n’avait cessé de ralentir depuis le

Big Bang, du fait de l’attraction gravitationnelle

qu’exercent les galaxies les unes sur les

autres – de même qu’un objet qu’on lance vers

le haut perd de la vitesse à mesure qu’il s’éloigne

de la Terre.

Attraction gravitationnelle contre

gravité répulsive

Or, les études sur les supernovae semblaient

signifier qu’au cours du dernier tiers de l’histoire

cosmique, l’expansion de l’Univers avait

cessé de ralentir et commencé, au contraire,

à… accélérer ! Comme si une balle lancée en

l’air était soudain soufflée vers l’espace par

une force mystérieuse. L’explication la plus

immédiate – déjà postulée par Einstein (lire

l’encadré p. 38) – revenait à admettre la présence

dans l’espace d’une « énergie du vide »

constante, exerçant une gravité répulsive. Selon

cette hypothèse, tant que l’Univers était suffisamment

dense (en gros, deux fois plus petit

qu’aujourd’hui), l’attraction gravitationnelle

qu’exerçait sur elle-même la matière ralentissait,

comme de juste, l’expansion. Mais l’Univers

grandissant, son contenu se diluait. Ce n’était

ainsi qu’une question de temps avant que la

densité de matière ne tombe en dessous de celle

– constante, donc – de cette « énergie du vide »,

et que la gravité répulsive prenne le dessus.

Par ailleurs, plusieurs observations avaient

montré, dès les années 1990, qu’à très grande

échelle, l’espace est « plat » (ce qui signifie

36 I NUMÉRO SPÉCIAL SCIENCES ET AVENIR AVRIL/JUIN 2022

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