Sciences et Avenir: la face cachée de l'Univers
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DU MYTHE À LA SCIENCE
JACQUES BOYER / ROGER-VIOLLET
Michelson-Morley : la preuve par la lumière
L
’interféromètre créé par Michelson est astucieux :
le faisceau d’une source de lumière est divisé
en deux par une lame semi-transparente inclinée
à 45°. Les deux rayons voyagent, sur des parcours
de longueur quasi identiques, en formant un angle
droit avant de rebondir sur un miroir et de revenir
vers le centre de l’instrument, éclairant un écran.
Comme dans l’expérience de Young, des franges
d’interférences apparaissent. Pour Michelson
et Morley, si l’un de ces trajets est parallèle au
sens de déplacement de la Terre, la vitesse de la
lumière devrait être différente de celle de l’autre,
perpendiculaire. Les franges seraient donc déplacées.
Si tel avait été le cas, cela aurait prouvé l’existence du
vent d’éther… et donc de l’éther lui-même. Toujours
utilisé aujourd’hui – il est au cœur des détecteurs
d’ondes gravitationnelles –, l’instrument s’est révélé
capable d’une extraordinaire précision de mesure de
la vitesse de la lumière. Il a valu à Michelson le prix
Nobel de physique, en 1907.
Albert Abraham
Michelson (1852-
1931) regardant
au spectrographe.
Le physicien
américain a reçu
le prix Nobel de
physique en 1907
pour sa conception
d’instruments
d’optique.
faisceau de lumière à travers deux
fines fentes percées dans une plaque opaque,
il observe, sur un écran, une alternance de
franges claires et sombres. C’est le fruit des
interférences entre les vibrations passées par
les deux ouvertures, qui s’additionnent ou s’annihilent.
Il montre que les vibrations lumineuses
sont « transversales », animées dans
un sens perpendiculaire à la direction de propagation,
comme la vibration de la corde d’un
instrument de musique. En France, Augustin
Fresnel en déduit que l’éther est un solide – la
plupart des ondes transversales connues sont
à l’époque associées à des solides –, mais un
solide élastique, ce qui serait compatible avec
l’hypothèse de l’éther cartésien, puisqu’une
élasticité suffisante permettrait aux astres de
s’y déplacer, montrera George Stokes à la toute
fin du XIX e siècle. Pourtant, s’il est plastique,
l’éther devrait, comme le son dans l’air, s’animer
d’ondes longitudinales – qui le compriment
et le dilatent dans la direction de propagation.
« Or, personne n’observait de telles
ondes », rappelle Yves Gingras. La seule expli-
cation possible de leur inexistence était que
l’éther soit très rigide.
Mais auparavant, en Grande-Bretagne, Michael
Faraday avait suggéré que la force magnétique
et l’induction électrique – l’apparition d’un
courant dans un métal quand on déplace un
aimant à proximité – sont des phénomènes
ondulatoires. James Maxwell s’inspirera de
l’expérience pour établir ses fameuses équations.
Celles-ci prédisent que la lumière est
une onde électromagnétique se propageant à
vitesse constante dans le vide, et confirment
les conclusions de Faraday. La découverte des
ondes radio, en 1887, par Heinrich Hertz, qui
démontre qu’elles peuvent se propager entre
un émetteur et un récepteur sans lien entre
eux, consacre les travaux de Maxwell. Requalifié
d’« électromagnétique », l’éther de Huygens
en réchappe… jusqu’à quand ?
Tandis que Hertz bricole ses sources radio,
l’Américain Albert Michelson entreprend
– enfin – de démontrer l’existence de l’éther :
selon lui, puisque la Terre se déplace dans cette
substance supposée plus ou moins fixe, elle doit
18 I NUMÉRO SPÉCIAL SCIENCES ET AVENIR AVRIL/JUIN 2022