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Sciences et Avenir: la face cachée de l'Univers

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INFINIMENT NOIR

MOND : et si la matière noire n’existait pas ?

Un univers sans matière noire est-il

possible ? Oui, à condition de modifier les

lois de la gravité ! C’est l’idée audacieuse

soutenue par le physicien israélien

Mordehai Milgrom, qui a présenté sa

théorie MOND (Modified Newtonian

Dynamics) en 1983.

« Selon les lois de Newton, l’accélération

liée à la gravitation est inversement

proportionnelle au carré de la distance

(1/r 2 ). MOND stipule que pour les très

faibles accélérations, autrement dit

vers la périphérie des galaxies, elle est

inversement proportionnelle à la distance

(1/r), explique Pierre-Antoine Oria,

doctorant à l’Observatoire astronomique

de Strasbourg. À l’échelle des galaxies,

cette théorie est en très bon accord avec

les observations récentes. » En témoignent

les travaux publiés en 2021 par l’équipe

de Stacy McGaugh, de l’université

Case Western Reserve aux États-Unis

(Ohio), qui a testé avec succès certaines

prédictions de MOND sur plus de 150

galaxies.

Cependant, si l’on passe à l’échelle

supérieure, celle des amas de galaxies, les

choses se compliquent. « MOND ne suffit

pas pour expliquer les grandes différences

entre les vitesses des galaxies. Il manque

un facteur 2 ou 3 de masse », souligne

Pierre-Antoine Oria. Une hypothèse serait

que de la matière ordinaire y est bien

présente, mais qu’elle s’est jusqu’à présent

dérobée aux regards (lire aussi ci-contre).

Enfin, dans les fluctuations de l’Univers

primordial où l’action de la matière noire

est visible, MOND ne fonctionne pas. Des

travaux sont en cours sur l’extension de

la théorie à cette échelle cosmologique.

« MOND conserve une place à part dans

le milieu scientifique. Elle était autrefois

mal considérée, remarque Pierre-Antoine

Oria. D’autant qu’elle viole le « principe

d’équivalence » établi notamment par

Albert Einstein pour décrire la chute des

masses dans un champ de gravité, et

vérifié avec une très grande précision

par l’expérience spatiale Microscope en

2016. « Mais l’absence de détection de

matière noire et les problèmes posés par

le modèle standard de la physique font

qu’on lui accorde aujourd’hui davantage de

considération », conclut le jeune chercheur.

MURDO MACLEOD

Les trous noirs primordiaux, le pari de Hawking

Et si la matière noire n’était pas constituée

de particules individuelles, mais de

trous noirs ? L’hypothèse taraude la

communauté des cosmologistes depuis

que les physiciens Stephen Hawking et

ses collègues Bernard Carr et George

Chaplin ont postulé dans les années 1970

l’existence de « trous noirs primordiaux »,

nés juste après le Big Bang et qui auraient

modelé le tout jeune Univers. Les

astronomes n’ont depuis eu de cesse de

les traquer, tout comme d’autres objets

sombres pouvant rendre compte de la

matière noire. Entre 1990 et 2003, le

programme français Eros (Expérience

de recherche des objets sombres),

Selon le physicien

Stephen Hawking ,

des trous noirs se

seraient formés

dans les premiers

âges de l’Univers.

Pourraient-ils

constituer la

matière noire ?

installé au Chili, a cherché à découvrir

les effets indirects de la présence de

trous noirs de la taille d’une étoile mais

aussi de naines brunes (petites étoiles

froides et très peu lumineuses) dans

les galaxies des Nuages de Magellan,

sans résultat. Son homologue américain

Machos (Massive Compact Halo Objects)

n’a pas eu davantage de succès. Le

domaine de recherche s’est étiolé…

jusqu’à la formidable détection des ondes

gravitationnelles en 2015. Des ondes

notamment provoquées par la fusion

de trous noirs. Pourrait-il s’agir de trous

noirs primordiaux ? Il faudra accumuler

beaucoup d’observations pour le dire.

Accélérateurs de

particules : rien à

l’horizon

La matière noire étant manifestement

très rare dans notre environnement

immédiat, pourquoi ne pas en

fabriquer ? L’avènement des grands

accélérateurs de particules a permis de

l’envisager. Les collisions de protons à

énergie très élevée donnent en effet

naissance à de nouvelles particules,

dont certaines pourraient présenter les

caractéristiques attendues de la matière

noire.

De nombreuses expériences sont

menées notamment au sein du LHC,

le grand accélérateur du Cern sous la

frontière franco-suisse. Les scientifiques

y testent quantité d’hypothèses, comme

une matière noire constituée de Wimps

(lire p. 33) ou couplée au célèbre

boson de Higgs, découvert en 2012.

Problème : la matière noire interagit peu

avec la matière ordinaire, et ne peut

donc probablement pas être détectée

directement. La solution : faire la

somme des énergies des particules

issues d’une collision et la comparer

avec l’énergie fournie au départ. S’il y

a un déficit, c’est qu’il y a une matière

cachée. Rien de tel n’a encore été

observé… Parce que la puissance du

LHC est insuffisante ? Les physiciens

rêvent d’un collisionneur quatre fois plus

grand, qui pourrait entrer en service

après 2040.

34 I NUMÉRO SPÉCIAL SCIENCES ET AVENIR AVRIL/JUIN 2022

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