Sciences et Avenir: la face cachée de l'Univers
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L. HONNORAT
Organic Molecule Analyser). « ExoMars devrait
être le premier robot à creuser profondément
dans le sol, précise-t-il. Or, les conditions de
surface étant très oxydantes, des échantillons
récupérés en profondeur devraient être plus
représentatifs de ce qui s’est passé à une époque
qui aurait permis l’apparition de la vie. »
L’instrument Moma pourra identifier des molécules
organiques avec précision et étudier leur
« chiralité ». Explications de l’astrochimiste
François Raulin, chercheur à l’université Paris-
Est Créteil : « Beaucoup de molécules organiques
peuvent exister sous deux formes ou
“énantiomères”. Chacun est le symétrique de
l’autre, l’image de l’autre dans un miroir. »
Comme nos deux mains. Or la vie a fait ses choix
Si loin, si proches…
Le système Trappist-1,
situé à environ
40 années-lumière de
la Terre : sept planètes
telluriques de taille
comparable à la nôtre.
Trois d’entre elles (au
centre), situées dans la
zone « habitable » de leur
étoile, pourraient abriter
de l’eau à l’état liquide.
sées à ce jour. Ils se focalisent sur les planètes
telluriques qui, comme la Terre, possèdent
une surface solide, sont rocheuses et riches
en éléments chimiques variés. Précisément
celles situées dans la « zone habitable » de
leur étoile, en orbite à une distance telle que
l’eau liquide puisse y exister. Les planètes
« Boucle d’or », référence à un conte dont
l’héroïne préfère boire dans le bol de Petit
Ours parce qu’il n’est « ni trop chaud, ni
trop froid ».
Franck Selsis est l’un des signataires d’une
publication de 2017 décrivant par le menu
le système Trappist-1, riche de sept planètes
– un record – telluriques. « Elles ont des
dimensions et des masses assez voisines
« LES ÉCHANTILLONS RÉCUPÉRÉS EN
PROFONDEUR PAR LE ROBOT EXOMARS
DEVRAIENT ÊTRE REPRÉSENTATIFS DE CE
QUI S’EST PASSÉ À UNE ÉPOQUE QUI AURAIT
PERMIS L’APPARITION DE LA VIE »
Hervé Cottin, astrochimiste, président de la Société française d’exobiologie
et, par exemple, n’utilise que la forme L ou lévogyre
– du latin laevus, gauche – des acides aminés.
En conséquence, beaucoup de molécules
organiques issues du vivant sont « homochirales
» – elles ont la même orientation – alors
que les mêmes molécules issues d’une chimie
abiotique apparaissent à 50/50 lévogyres et
dextrogyres. « Moma est doté de tout ce qu’il
faut pour mesurer la chiralité des molécules
organiques, poursuit le chercheur. Un élément
de réponse essentiel à la question de l’existence
d’une vie passée ou présente. »
Et à part Mars ? Vénus est un candidat peu
convaincant, étant donné la température qui
y règne (près de 500 °C), peu propice à l’apparition
de la vie, ni à la conservation de traces de
vie éteinte. Ni d’ailleurs au bon fonctionnement
d’une sonde spatiale… « C’est plutôt vers des
lunes de Jupiter et de Saturne que les regards
se tournent, indique Hervé Cottin (lire p. 64-67).
Mais les exobiologistes voient déjà plus loin,
vers les exoplanètes, quelque cinq mille recende
celles de la Terre, affirme Franck Selsis.
Leur étoile est une naine rouge, plus petite
et froide que le Soleil, et donc moins lumineuse…
mais elles en sont très proches.
Leur insolation est donc assez semblable à
celle de notre planète. » Comment en savoir
plus ? « Le télescope James-Webb va tenter
l’observation d’éventuelles atmosphères sur
ces planètes », précise Franck Selsis. Quant
à Plato, que l’ESA doit lancer en 2026, il est
conçu pour découvrir et caractériser des planètes
rocheuses. Dans la liste des exoplanètes
telluriques à scruter, certaines se remarquent
du fait de leur (relative) proximité. Comme Teegarden
b, à « seulement » 12 années-lumière…
Et surtout Proxima Centauri b, qui tourne dans
la zone habitable de l’étoile la plus proche de
nous, à 4,2 années-lumière.
Et si la vie était banale dans l’Univers… mais
pas au point que la plus proche planète vivante
soit à portée de main ? Il faudrait alors s’armer
de patience…
PIERRE VANDEGINSTE
L’Univers
insolite
Et si le ciel
nous tombait
sur la tête ?
L’humanité se
prépare à contrer de
dangereux bolides.
« Nous cataloguons
les “géocroiseurs”, ces
objets dont l’orbite croise
celle de la Terre, explique
Patrick Michel, chercheur
à l’observatoire de la Côte
d’Azur. Nous en avons déjà
repéré un petit millier dont
la taille dépasse le kilomètre,
pouvant presque tous causer
un désastre planétaire. Et
nous traquons ceux de plus
de 140 mètres, qui pourraient
anéantir un pays. On en a
trouvé 10 000, 40 % de ceux
qui existent. » Pour l’instant,
aucune collision en vue.
Et l’on teste des parades.
« La technique la plus mûre
consiste à percuter le bolide
pour dévier sa trajectoire »,
poursuit Patrick Michel,
également responsable de
la mission Hera de l’ESA, qui
va contribuer au premier test
de déviation d’un astéroïde,
avec la Nasa. Celle-ci a lancé
en 2021 la mission Dart
vers un duo d’astéroïdes
inoffensifs, Didymos (780 m
de diamètre) et Dimorphos
(160 m), qui orbite autour
de lui. Fin septembre,
la sonde doit percuter
Dimorphos. Quatre ans
plus tard, Hera viendra
mesurer la nouvelle
orbite et cartographier le
cratère d’impact. « Une
étape cruciale, car
l’efficacité de l’impact
dépend de la structure
et des propriétés
mécaniques du corps
visé », indique
Patrick Michel. P. V.
AVRIL/JUIN 2022 SCIENCES ET AVENIR NUMÉRO SPÉCIAL I 73