Sciences et Avenir: la face cachée de l'Univers
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proportion en glaces. Mis sous pression par le
poids des énormes couches de glace qu’il supporte,
son océan souterrain serait maintenu
dans des conditions physico-chimiques telles
qu’il pourrait se solidifier en un type de glace
plus dense que l’eau liquide. En s’accumulant
sur les fonds sans pour autant remplir le réservoir,
ces dernières auraient fini par prendre les
zones aqueuses en sandwich…
Des molécules organiques dans des jets
de centaines de kilomètres de hauteur
Tout se résumerait donc à une question de
taille. Un corps céleste suffisamment gros et
contenant beaucoup de glace aurait toutes
les chances d’abriter de vastes quantités d’eau
liquide. Mais dans ce cas, comment expliquer
l’océan d’Encelade ? Ce petit satellite de Saturne
– 500 kilomètres de diamètre à peine – a stupéfié
les astronomes au moment de la mission
Cassini. En effet, dès son arrivée sur place en
2005, la sonde de la Nasa a observé un énorme
panache de vapeur d’eau et de grains de glace
jaillissant de grandes fractures repérées au
RON MILLER/ SPL/ SUCRÉ SALÉ
niveau du pôle sud. De plusieurs centaines
de kilomètres de hauteur, ces jets – dans lesquels
Cassini détecte des sels, des molécules
organiques et des poussières de silice – projettent
des particules dont certaines, mises
en orbite, atteignent l’un des anneaux de
Saturne (l’anneau E), d’autres retombant
sur la surface brillante et glacée d’Encelade
sous forme d’une fine neige poudreuse. Et
cela, depuis au moins dix millions d’années,
comme l’établiront les chercheurs en estimant
l’épaisseur des dépôts. Quel peut être
le mécanisme à l’origine de ce fantastique
phénomène ?
Le noyau poreux du petit corps
est une véritable éponge
Gabriel Tobie et ses collègues le
découvriront bientôt. En analysant la
topographie, le champ de gravité et les
modulations de l’axe de rotation de cette
lune, ils parviennent à démontrer l’existence,
là aussi, d’un océan interne. Abrité
sous deux à six kilomètres de glace au
niveau du pôle sud, sous 30 à 40 kilomètres
à l’équateur, ce dernier serait profond
d’une soixantaine de kilomètres et
occuperait pas moins de la moitié du
volume total d’Encelade ! Comment cet
astre minuscule peut-il conserver de telles
quantités d’eau liquide ? L’équipe invoque
les forces de marée exercées par Saturne.
Celles-ci auraient fini par faire du noyau
poreux du petit corps une véritable éponge
où de l’eau circule en permanence. Ce lessivage
des roches favoriserait des réactions
chimiques et produirait des courants d’eau
chaude ascendants, qui entretiendraient
à la surface du socle rocheux une activité
hydrothermale comparable à celle observée
au niveau des dorsales océaniques terrestres.
En amincissant et en fragilisant la croûte de
glace au niveau du pôle sud, celle-ci serait
directement responsable des jets de vapeur et
de grains de glace décrits par Cassini…
Environnements aqueux, sources d’énergie…
les lunes glacées pourraient-elles aussi abriter
des formes de vie ? « L’existence de ces océans
vient naturellement bousculer l’idée d’une vie
limitée aux seuls corps célestes tempérés à
même de maintenir en surface de l’eau à l’état
liquide, poursuit Gabriel Tobie. Mais
L’Univers
insolite
9 e planète,
le retour ?
Mercure, Vénus, la Terre,
Mars, Jupiter, Saturne,
Uranus, Neptune... Se
pourrait-il que la liste
des planètes du Système
solaire soit incomplète ?
Sur la base de l’étude de
six des Transneptuniens
ou Objets de la ceinture
de Kuiper, une famille de
planétoïdes glacés circulant
au-delà de Neptune, Mike
Brown – le même astronome
qui a destitué Pluton de son
statut de planète, y gagnant
le surnom de « tueur de
Pluton » ! – et Konstantin
Batygin, deux planétologues
de l’Institut de technologie
de Californie (Caltech), ont
conclu en 2016 à la possible
existence d’un corps céleste
quelque part aux confins du
Système solaire. Portraitrobot,
affiné en 2021, de
l’astre, rapidement baptisé
P9 : un objet de cinq masses
terrestres, tournant en dix
mille ans environ sur une
orbite inclinée de 20°,
et situé au maximum à
500 années-lumière de
distance. Il pourrait expliquer
certaines caractéristiques
actuelles du Système solaire
mais aussi certaines de
ses incohérences. Pour
le moment, il n’a pas été
débusqué. Mais la mise
en service prochaine de
l’observatoire Vera-
Rubin, au Chili, capable
d’effectuer un relevé
complet du ciel en…
trois jours, laissera
peu de chance à une
neuvième planète
– si elle existe –
d’échapper à la
traque.
VAHÉ TER MINASSIAN
AVRIL/JUIN 2022 SCIENCES ET AVENIR NUMÉRO SPÉCIAL I 67