Sciences et Avenir: la face cachée de l'Univers
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LA VIE AILLEURS
SPITZER TELESCOPE/NASA
Dans un ballon, il soumet
un mélange de méthane,
d’ammoniac, d’hydrogène et
de vapeur d’eau, censé reproduire
l’atmosphère primitive,
à l’action d’un arc électrique,
car il suppose que les orages
auraient été une source
d’énergie essentielle… Après
sept jours, il détecte dans son
ballon quatre acides aminés.
Mais les hypothèses de Stanley
Miller sur la composition
de l’atmosphère primitive ont
fait long feu. On l’envisage
aujourd’hui comme un mélange de dioxyde
de carbone, d’azote et surtout de vapeur d’eau,
et son expérience a été révisée de multiples
fois avec cette nouvelle donne. Par ailleurs,
un nombre croissant de chercheurs insistent
sur le fait que certaines réactions chimiques
essentielles à l’apparition du vivant ne peuvent
se produire dans l’eau, et leurs expériences
alternent des phases liquides et sèches. C’est le
cas notamment de John Sutherland, à l’université
de Cambridge. Il montre en 2015 que, sous
l’effet d’un rayonnement UV, et en présence de
cuivre, du cyanure d’hydrogène (HCN) et du
sulfure d’hydrogène (H 2
S) peuvent produire des
acides aminés, des lipides et même des ribonucléotides.
Des travaux qui étaient l’hypothèse
Grains de matière
céleste. Dans cette
petite capsule en inox,
quelques décigrammes
de poussière prélevés
sur l’astéroïde
Ryugu par la sonde
japonaise Hayabusa 2.
L’échantillon a révélé
la présence de matière
organique et de
composés azotés.
d’un processus d’émergence de
la vie passant par la terre ferme,
des ingrédients de cette « soupe
primitive » pouvant avoir une
origine volcanique (sulfure) ou
météoritique (cyanure).
Mais on n’a pas attendu d’élucider
le scénario précis de l’apparition
de la vie sur Terre pour commencer
à la chercher ailleurs. Et
tout d’abord sur Mars. Le rover
Curiosity, qui l’arpente depuis dix
ans – tout comme Perseverance
depuis février 2021 – y a détecté
des molécules organiques non
encore précisées. Surtout – résultats publiés
en janvier dernier –, il a mesuré la proportion
de l’isotope carbone 12 et trouvé des valeurs
fort intrigantes. La publication propose trois
scénarios pouvant expliquer ce phénomène,
dont un impliquerait une activité biologique.
Affaire à suivre…
C’est aussi d’un robot européen, ExoMars, que
l’on espère des révélations... si la mission peut se
dérouler. Il devait se poser sur la planète rouge
en mars 2023, mais la Russie fournissant le
lanceur et la plateforme d’atterrissage, le programme
semble compromis. L’astrochimiste
Hervé Cottin, président de la Société française
d’exobiologie, est membre de l’équipe qui a
conçu son principal instrument, Moma (Mars
ROBERT MARKOWITZ/NASA
Une vie sans carbone est-elle possible ?
La vie telle qu’on la connaît repose
sur le carbone et l’eau. Le premier
forme naturellement toutes sortes de
chaînes, linéaires, ramifiées ou cycliques,
sur lesquelles s’accrochent des atomes
d’hydrogène, d’oxygène, d’azote… Une
multitude de molécules dotées de
propriétés chimiques d’une considérable
diversité. Le carbone doit cette malléabilité
à sa « tétravalence »: il comporte quatre
électrons sur sa couche externe, ce qui lui
permet de se lier à quatre autres atomes.
Mais doit-on pour autant postuler que
la vie ne peut se construire que sur
le carbone ? On pense notamment au
silicium, également tétravalent, qui peut
donc former une grande diversité de
molécules. Premier obstacle : elles sont
bien moins stables que les molécules
carbonées. Par ailleurs, « le silicium, sur
Terre, est bloqué sous forme de silicate, de
cailloux, souligne Franck Selsis. La valence
ne détermine pas tout. La complexité que
permet le carbone lui confère un avantage
évident. » De plus, ajoute Hervé Cottin, « il
est dix fois plus abondant dans l’Univers
que le silicium. »
Et l’eau ? « C’est la molécule la plus
abondante, après le dihydrogène (H 2
) »,
indique le chercheur. Et un solvant
formidable. On peut bien sûr imaginer une
vie apparaissant dans un autre liquide.
Comme l’ammoniac, ou le méthane
liquide. Mais à nouveau, de nombreuses
considérations chimiques en font des
candidats bien moins probables.
72 I NUMÉRO SPÉCIAL SCIENCES ET AVENIR AVRIL/JUIN 2022