Sciences et Avenir: la face cachée de l'Univers
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OLIVIER ROLLER/DIVERGENCE
SHUTTERSTIOCK
créer dans son sillage un « vent d’éther ». Dans
ce cas, la vitesse de la lumière dans une direction
parallèle à ce déplacement sera légèrement
différente de celle mesurée perpendiculairement
(lire l’encadré ci-contre). Avec Edward
Morley, qui l’a rejoint en 1885, il multiplie les
expériences dans le sous-sol de l’université Case
Western de Cleveland (Ohio). En 1887, les deux
compères doivent se rendre à l’évidence. La
vitesse de la lumière ne dépend pas du déplacement
terrestre ni de l’éther… il n’y aurait donc
pas d’éther électromagnétique !
Le concept a pourtant la peau dure… « Des
expériences se poursuivront jusque dans les
années 1920, sourit Scott Walter. Notamment
parce que George Stokes considérait qu’au
voisinage de la Terre, l’éther était entraîné
dans le sillage de la planète, et donc que l’expérience
de Michelson-Morley ne pourrait
voir ce vent qu’en s’éloignant de la surface terrestre.
» L’astronome Dayton Miller emporte
un interféromètre à 1 740 mètres d’altitude, au
sommet d’un mont californien. De son côté,
le Suisse Auguste Piccard s’aventure jusqu’à
4 500 mètres en ballon. Rien à faire !
Fervent défenseur de la substance éthérée, le
physicien Hendrik Lorentz lui donne même un
coup de jeune, en 1892. Le Néerlandais considère
qu’un objet en mouvement se contracte
dans la direction de son déplacement. Autrement
dit, alors que les trajets de la lumière dans
l’interféromètre sont en principe de même longueur,
celui qui se fait parallèlement à la direction
du déplacement terrestre serait en réalité
plus court. Ce qui rend vaine toute mesure du
vent d’éther. Les équations de la transformation
de Lorentz, qui relient les coordonnées
de l’espace et le temps, très vite revisitées par
le Français Henri Poincaré, formeront le cœur
du travail d’Albert Einstein.
Celui-ci décrit, en 1905, sa théorie de la relativité
restreinte : les lois de la physique sont
les mêmes pour tout observateur immobile
(ou en mouvement rectiligne uniforme).
Second postulat : la vitesse de la lumière
est constante dans le vide. Une théorie
dans laquelle il n’est nullement question
d’éther ! En 1915, Einstein étend la relativité
aux observateurs en mouvement accéléré,
notamment par un champ de gravitation
qui, lui non plus, ne requiert aucun
éther. Pourtant, il réaffirme lors d’une
conférence, en mai 1920, que « un espace
sans éther est inconcevable, car non seulement
la propagation de la lumière y
serait impossible, mais il n’y aurait même
aucune possibilité d’existence d’étalons
d’espace et de temps (règles et horloges),
ni donc d’intervalles d’espace-temps au
sens de la physique ».
« Einstein jouait sur les mots, nuance
Yves Gingras. Ce qu’il dit, c’est que l’espace-temps
est le nouvel éther. Mais, à
« EINSTEIN JOUAIT SUR LES MOTS. CE QU’IL DIT,
C’EST QUE L’ESPACE-TEMPS EST LE NOUVEL ÉTHER…
MAIS IL N’EN FAIT PAS UNE SUBSTANCE »
Yves Gingras, historien et sociologue des sciences à l’université du Québec à Montréal
la différence de Descartes, il n’en fait pas
une substance. » « Contrairement à l’éther,
concept resté vague, l’espace-temps a des
propriétés très bien définies, ajoute l’astrophysicien
Marc Lachièze-Rey. Alors qu’après
l’expérience de Michelson-Morley, l’éther
semblait à la fois mobile et immobile, l’espace-temps
a effacé ces paradoxes : celui-ci
n’est ni au repos, ni en mouvement, puisque
c’est par rapport à lui qu’on définit le repos et
le mouvement ! »
En aurait-on fini avec l’éther ? Rien n’est moins
sûr, selon Yves Gingras : « On n’utilise plus
aujourd’hui ce concept, mais notre besoin de
substance le fera sans doute renaître d’une
façon ou d’une autre ! » Sous forme de matière
noire ou d’énergie sombre ? DENIS DELBECQ
L’Univers
insolite
Ces étoiles
visibles en
plein jour
Avec une magnitude
apparente (sa brillance
vue depuis la Terre) de
-26,7, le Soleil ne facilite
pas les observations
astronomiques diurnes !
On peut quand même voir
Vénus, l’étoile du Berger,
dont la magnitude s’élève
jusqu’à -4,9. Puis, lorsque le
Soleil descend en dessous
de 10° sur l’horizon, l’œil
humain commence à déceler
des objets moins brillants,
jusqu’à des magnitudes de
-2,5. Un observateur avisé
repérera Jupiter et Mars, ainsi
que Sirius, de magnitude
-1,47, la deuxième étoile la
plus brillante du ciel. Mais des
étoiles visibles en plein jour
et à l’œil nu sont apparues
à plusieurs moments de
l’histoire. On en compte cinq
depuis l’an mil. Ce spectacle
extraordinaire résulte de
supernovae, explosions qui
marquent la fin de vie des
étoiles massives en produisant
parfois plus de lumière que
les milliards d’étoiles de leur
galaxie hôte. La supernova
la plus puissante des temps
historiques, d’une magnitude
de -7,5, aussi lumineuse
qu’un quartier de Lune,
apparut autour du 1 er mai
1006, et durant deux ans,
dans la constellation du
Loup. Elle fut la seule
étoile, à part le Soleil, à
avoir projeté des ombres
sur Terre. Peu après,
en juillet 1054, une
étoile du Taureau se
mit à briller jusqu’à
la magnitude -6. Ce
sont là quelquesunes
des péripéties
de la Galaxie ! F. F.
AVRIL/JUIN 2022 SCIENCES ET AVENIR NUMÉRO SPÉCIAL I 19