Sciences et Avenir: la face cachée de l'Univers
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LES DÉCOUVERTES DE DEMAIN
Le projet spatial Lisa
s’appuiera sur trois
satellites comme
celui-ci, positionnés
en un triangle
de 2,5 millions
de kilomètres de
côté parcouru de
faisceaux laser pour
piéger les ondes
gravitationnelles de
basse fréquence. Vue
d’artiste.
MAX PLANCK INSTITUTE FOR GRAVITATIONAL PHYSICS, MILDE MARKETING SCIENCE COMMUNICATION, EXOZET. SIMULATION: C. HENZE (NASA)
tée : le double pour Virgo et 1,5 fois plus
pour Ligo. Avec ce projet Advanced Virgo +, « le
détecteur européen pourra voir deux fois plus
loin, ce qui se traduit par l’exploration d’un
volume de l’Univers huit fois plus important »,
précise Nelson Christensen.
« Dans une dizaine d’années, nous serons probablement
au bout des améliorations techniques
que nous pourrons effectuer pour Ligo
et Virgo. Pour exploiter davantage le potentiel
de l’astronomie gravitationnelle, il faudra passer
à la troisième génération de détecteurs terrestres
», projette Matteo Barsuglia du laboratoire
Astroparticules et Cosmologie. La suite ? La
bonne nouvelle porte le nom d’Einstein Telescope.
L’ESFRI (European Strategy Forum on
Research Infrastructure), qui détermine les
infrastructures de recherche stratégiques pour
l’Europe, l’a intégré l’été dernier à ses priorités.
« L’objectif est d’obtenir une sensibilité dix
fois plus importante que Ligo et Virgo, et aussi
d’élargir la sensibilité de l’instrument à basse
fréquence, jusqu’à quelques hertz », annonce
Kilonova : la faiseuse d’or
Depuis l’onde gravitationnelle
du 17 août 2017, GW170817,
un nouveau terme est venu enrichir
le vocabulaire des astrophysiciens :
kilonova. Il s’agit d’un phénomène
qui se produit lors de la collision de
deux étoiles à neutrons ou d’un couple
« étoile à neutrons-trou noir ». Le choc
déclenche des réactions nucléaires au
cours desquelles des neutrons sont
rapidement capturés (d’où leur nom
de processus R, pour « rapide »),
donnant lieu à la formation d’éléments
chimiques très lourds comme l’or,
l’argent…
Quelques secondes après l’onde
gravitationnelle est survenu le sursaut
gamma : l’étoile a été déchiquetée et
les ions lourds se sont désintégrés,
émettant un rayonnement gamma, un
sursaut gamma court, qui a pris le nom
de GRB 170817A (GRB pour Gamma
Ray Burst). La kilonova a été désignée
par l’Union astronomique internationale
par le code « AT 2017 gfo », premier
du genre.
Matteo Barsuglia, qui est le coordinateur scientifique
français de l’instrument ainsi que de
Virgo. De quoi observer les fusions de trous
noirs à toutes les époques de l’histoire de l’Univers
et atteindre les événements ayant eu lieu
lorsque l’Univers était à peine âgé de quelques
centaines de millions d’années. À l’époque, selon
les modèles cosmologiques, aucune des étoiles
de l’Univers n’était formée, mais certaines théories
envisagent l’existence de trous noirs primordiaux.
Peut-être leur fusion générera-t-elle
des ondes gravitationnelles à la portée d’Einstein
Telescope ?
Pour l’heure, l’enjeu relève de la géopolitique
européenne : deux sites sont proposés, la Sardaigne,
et une zone proche de Maastricht, aux
confins de la Belgique, des Pays-Bas et de l’Allemagne.
Trois bras longs de 10 kilomètres formant
un triangle équilatéral y seront enfouis
à quelques centaines de mètres de profondeur
pour être à l’abri des bruits sismiques. Avec
de nombreuses innovations : par exemple,
chaque bras, maintenu à deux températures
différentes, observera pour la première fois à
deux fréquences distinctes. Un challenge, en
à peine douze ans, car le fonctionnement de
l’Einstein Telescope est prévu à l’horizon 2035.
En attendant, outre-Atlantique, on ne reste
pas les bras croisés : le projet Cosmic Explorer
est conçu dans la continuité des détecteurs
actuels – en surface – mais doté de deux bras de
20 kilomètres chacun, qui vont s’étendre dans
le désert de l’Utah à l’horizon 2040. Les deux
infrastructures géantes déverseront des flots de
données à analyser. Les plus jeunes chercheurs
se frottent les mains : ce sont eux qui auront le
privilège de piloter le nec plus ultra des installations
de cette nouvelle astronomie. C’est en
quelque sorte la part la plus secrète du ciel qui
leur appartient déjà.
AZAR KHALATBARI
60 I NUMÉRO SPÉCIAL SCIENCES ET AVENIR AVRIL/JUIN 2022