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Etude du supportérisme et des manifestations de violence ... - Besafe

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12. Le sta<strong>de</strong> comme tribune politique ?<br />

A Madrid, où les Ultras-Sur se présentent comme héritiers <strong>du</strong> franquisme, à Rome, où les<br />

supporters laziale 121 font régulièrement l’actualité pour leurs dérives extrémistes, ou à Paris,<br />

où une frange importante <strong>du</strong> public situé en tribune Boulogne a <strong><strong>de</strong>s</strong> accointances marquées<br />

avec les mouvements néo-nazis, les problèmes d’invasion politique fascisante dans le sta<strong>de</strong><br />

sont fréquemment montrés <strong>du</strong> doigt. D’autres clubs sont également victimes d’une montée en<br />

puissance d’un <strong>supportérisme</strong> porteur d’idéologies politiques réprouvées par la bien-pensante<br />

société actuelle. L’actualité footballistique <strong>de</strong>vient en outre <strong>de</strong> plus en plus souvent envahie<br />

par l’annonce d’une nouvelle manifestation raciste ou xénophobe à l’encontre <strong>de</strong> joueurs <strong>de</strong><br />

couleur <strong>du</strong> club adverse 122 . Qu’en est-il en Belgique <strong>et</strong> quelle portée attribuer à ces gestes<br />

dont l’imbécillité n’a d’égale que la méchanc<strong>et</strong>é ?<br />

Déjà en 1987, le criminologue Zimmermann, dans une analyse toujours d’actualité traitant <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

comportements négatifs à l’égard <strong>de</strong> certains groupes sociaux (homosexuels, juifs,<br />

immigrés…), évoquait la question : « La présence <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te tendance dans le milieu <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

supporters doit être considérée comme le refl<strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> tendances générales dans notre société.<br />

Ainsi, lorsqu’on parle <strong>de</strong> xénophobie <strong>de</strong> la part <strong><strong>de</strong>s</strong> supporters, il s’agit là <strong>de</strong> la repro<strong>du</strong>ction<br />

<strong>de</strong> slogans agissant sur ces <strong>de</strong>rniers à partir <strong>de</strong> leur entourage quotidien <strong>et</strong> repris par eux sans<br />

aucune analyse critique. Nous en avons eu la preuve à Dortmund, où les supporters criaient à<br />

haute voix <strong><strong>de</strong>s</strong> slogans xénophobes, alors que les <strong>de</strong>ux joueurs étrangers <strong>du</strong> club, Keser (un<br />

Turc) <strong>et</strong> Ra<strong>du</strong>canu (un Roumain), étaient manifestement les ved<strong>et</strong>tes préférées <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

spectateurs » 123 . Dans le même ordre d’idées, Christian Bromberger souligne qu’il convient<br />

d’insister « surtout sur la portée relative <strong>de</strong> ces affiliations, slogans ou gestes politiques dans<br />

le contexte d’un match <strong>de</strong> football, (…). On aurait tort <strong>de</strong> prendre au pied <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre <strong>et</strong> au ras<br />

<strong>de</strong> leurs significations, emblèmes <strong>et</strong> quolib<strong>et</strong>s outranciers, xénophobes ou révolutionnaires,<br />

que brandissent ou scan<strong>de</strong>nt les supporters. Pour prendre la juste mesure <strong>de</strong> ces insultes<br />

choquantes, <strong>de</strong> ces slogans jusqu’au boutistes, il faut tenir compte <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux propriétés<br />

essentielles <strong>du</strong> spectacle <strong>du</strong> match <strong>de</strong> football. D’une part, la partisanerie est, dans ce type <strong>de</strong><br />

confrontation, la condition nécessaire <strong>de</strong> la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’émotion. Quoi <strong>de</strong> plus insipi<strong>de</strong><br />

qu’une rencontre sans enjeu, où l’on ne se sent pas soi-même acteur, où l’on ne passe pas <strong>du</strong><br />

‘ils’ au ‘nous’ ? D’autre part, contrairement à d’autres formes <strong>de</strong> représentation (un film, une<br />

pièce <strong>de</strong> théâtre, par exemple), l’histoire d’un match <strong>de</strong> football se construit <strong>de</strong>vant le public<br />

qui peut peser, par sa participation, sur le déroulement <strong>et</strong> le dénouement <strong>de</strong> l’affrontement.<br />

(…) Dans un tel contexte, tout stigmate qui peut choquer ou contrarier l’adversaire est mis à<br />

profit <strong>et</strong> l’on aurait tort <strong>de</strong> surcharger <strong>de</strong> sens ces débor<strong>de</strong>ments verbaux <strong>et</strong> gestuels qui<br />

participent <strong>de</strong> la nature oppositive <strong>du</strong> spectacle. (…) Entendons-nous bien. Le registre <strong>de</strong> ces<br />

imprécations est lourd <strong>de</strong> sens <strong>et</strong> témoigne <strong><strong>de</strong>s</strong> peurs, <strong><strong>de</strong>s</strong> haines qui travaillent le corps social<br />

<strong>et</strong> trouvent ici, dans le débri<strong>de</strong>ment <strong><strong>de</strong>s</strong> émotions, un écho amplifié. Mais ces exemples<br />

illustrent aussi, par leur labilité, la logique <strong>de</strong> la partisanerie qui consiste à faire usage <strong>de</strong> tout<br />

stigmate disponible pour disqualifier l’adversaire, quitte à inverser le sens <strong>de</strong> la stigmatisation<br />

pour les besoins <strong>de</strong> la disqualification. Autrement dit, il serait tout aussi fâcheux <strong>de</strong> décréter<br />

l’arbitraire <strong>du</strong> langage <strong>du</strong> <strong>supportérisme</strong> que <strong>de</strong> lui conférer une excessive plénitu<strong>de</strong> –<br />

121 Supporters <strong>du</strong> club <strong>de</strong> la Lazio Roma.<br />

122 Citons simplement pour ces <strong>de</strong>rniers mois les injures <strong>et</strong> cris <strong>de</strong> singe, largement relayés par les médias,<br />

prononcés à l’encontre <strong>du</strong> joueur camerounais <strong>de</strong> Barcelone Samuel Eto’o (match à Saragosse le 25 février<br />

2006) ; les mêmes comportements vis-à-vis <strong>de</strong> joueurs noirs constatés à Bastia <strong>et</strong> à Rome ces <strong>de</strong>rniers mois, <strong>et</strong>c.<br />

123 ZIMMERMANN M., La <strong>violence</strong> dans les sta<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> football : le cas <strong>de</strong> l’Allemagne fédérale, Revue <strong>de</strong> Droit<br />

Pénal <strong>et</strong> <strong>de</strong> Criminologie, 1987, 5, p.454.<br />

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