Etude du supportérisme et des manifestations de violence ... - Besafe
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préservation <strong>de</strong> l’espèce » 51 . On le comprend, l’agressivité présente chez tout indivi<strong>du</strong> ne doit<br />
certainement pas être a priori considérée comme pathologique. La question se pose toutefois<br />
<strong>de</strong> savoir si la vision <strong>de</strong> scènes violentes doit être interprétée dans le sens d’une ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong><br />
l’agressivité <strong><strong>de</strong>s</strong> supporters. Sans entrer longuement dans une querelle qui a fait l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
multiples ouvrages, précisons toutefois que d’autres auteurs considèrent au contraire que<br />
l’observation <strong>de</strong> spectacles violents a un eff<strong>et</strong> instigateur <strong>de</strong> comportements similaires chez<br />
les supporters. C’est ainsi que Berkowitz (remaniant la théorie <strong>de</strong> la frustration-agression <strong>de</strong><br />
Dollard : l’agression présuppose la présence d’une frustration ; les facteurs déclencheurs <strong>du</strong><br />
comportement d’agression sont liés à <strong><strong>de</strong>s</strong> facteurs environnementaux ; les frustrations<br />
constituent une classe d’excitants pro<strong>du</strong>isant <strong><strong>de</strong>s</strong> émotions qui créent à leur tour une<br />
disposition au comportement agressif) puis Ban<strong>du</strong>ra 52 (théorie <strong>de</strong> l’apprentissage social :<br />
l’agression est un comportement appris ; le comportement agressif peut être appris<br />
directement, par une expérience personnelle, ou indirectement, par observation puis<br />
imitation ; si les conséquences observées <strong>du</strong> comportement-modèle sont jugées positives,<br />
l’indivi<strong>du</strong> aura tendance à repro<strong>du</strong>ire le comportement) montrent que voir <strong><strong>de</strong>s</strong> actes agressifs<br />
peut avoir un eff<strong>et</strong> d’apprentissage.<br />
Le psychologue social Jacques-Philippe Leyens soutient quant à lui que loin <strong>de</strong> libérer<br />
l’agressivité, le fait d’assister à un spectacle violent peut renforcer ou même éveiller la<br />
<strong>violence</strong> chez un indivi<strong>du</strong>. Michel Dunand évoque lui les anticipations cognitives <strong>du</strong><br />
spectateur. Imaginer une scène violente suffirait dans ce cadre à instiguer l’agression 53 .<br />
Ces diverses théories, d’un intérêt incontestable, sont toutefois assez générales, donc pas<br />
spécifiques au domaine <strong>du</strong> football. D’autres auteurs se sont attelés à tenter d’élaborer un<br />
modèle analytique propre au suj<strong>et</strong> qui nous préoccupe ici.<br />
3.1 La vulnérabilité sociétale 54<br />
C<strong>et</strong>te théorie, développée il y a près <strong>de</strong> vingt ans par Lo<strong>de</strong> Walgrave, explique la délinquance<br />
à partir d’une accumulation psychologique <strong>et</strong> sociale d’expériences négatives lors <strong><strong>de</strong>s</strong> contacts<br />
avec les institutions sociales. Certains jeunes, socialement vulnérables (problèmes scolaires,<br />
familiaux, professionnels), ayant <strong>du</strong> mal à trouver une place dans une société qui ne les<br />
valorise guère, choisissent d’endosser une i<strong>de</strong>ntité négative plutôt que <strong>de</strong> rester vi<strong><strong>de</strong>s</strong><br />
d’i<strong>de</strong>ntité. « Ces jeunes sont marginalisés, ont très peu <strong>de</strong> liens établis avec la société<br />
conformiste <strong>et</strong> ont, pour la plupart, une expérience négative <strong><strong>de</strong>s</strong> institutions <strong>de</strong> notre société.<br />
Ils connaissent davantage les aspects <strong>de</strong> ‘contrôle’ <strong>et</strong> <strong>de</strong> ‘sanction’ <strong><strong>de</strong>s</strong> institutions que les<br />
possibilités d’information, <strong>de</strong> formation <strong>et</strong> d’assistance qu’elles offrent » 55 . Les actions <strong>de</strong><br />
type hooligan, en même temps qu’elles sont susceptibles <strong>de</strong> leur créer <strong>de</strong> nouveaux ennuis,<br />
leur confèrent une certaine forme <strong>de</strong> prestige <strong>et</strong> une position sociale qui leur est déniée par<br />
ailleurs. « (L’expérience <strong>de</strong> la prison) ne les effraye plus <strong>du</strong> tout ; au contraire, un séjour en<br />
cellule leur vaut <strong>de</strong> monter en gra<strong>de</strong> au sein <strong>du</strong> groupe. La justice n’exerce plus sur eux<br />
51<br />
I<strong>de</strong>m, pp.126-127.<br />
52<br />
Voyez par exemple BORN M., Jeunes déviants ou délinquants juvéniles, Mardaga, 1983, pp.44-47.<br />
53<br />
GOVAERT S., COMERON M., Op. cit., p.128 ; LEYENS J.P., RIME B., Violence dans les sta<strong><strong>de</strong>s</strong> : la<br />
réponse <strong><strong>de</strong>s</strong> psychologues, La Recherche, 1987 ; DUNAND M., Violence <strong>et</strong> panique dans le sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> football <strong>de</strong><br />
Bruxelles en 1985 : approche psychosociale <strong><strong>de</strong>s</strong> événements, Revue <strong>de</strong> droit pénal <strong>et</strong> <strong>de</strong> criminologie, n°5, 1987,<br />
pp.403-440.<br />
54<br />
WALGRAVE L., Délinquance systématisée <strong><strong>de</strong>s</strong> jeunes <strong>et</strong> vulnérabilité sociétale, Genève, Mé<strong>de</strong>cine <strong>et</strong><br />
Hygiène, 1992.<br />
55<br />
VAN LIMBERGEN K., Le hooliganisme en Belgique, in COMERON M. (sous la dir.), Quels supporters pour<br />
l’an 2000 ?, Bruxelles, Labor, 1997, p.75.<br />
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