M - Diocèse de Quimper et du Léon
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trés <strong>du</strong>r <strong>et</strong> parfois plus <strong>de</strong> douze heures par jour, il respire très<br />
couvent l'o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s gaz que les raffineurs connaissent bien, il ne<br />
voit aucun pays réellement, car il n'y reste que ferès rarement<br />
plus <strong>de</strong> vingt-quatre heures <strong>et</strong> il n'a pas le temps <strong>de</strong> sortir à<br />
.terre..., m,rne pa? pour se faire couper les cheveux,<br />
Pendant les quatre ou cinq jours <strong>de</strong> la traversée, on fait le<br />
dégazage <strong>de</strong>s citernes ; enlever les rési<strong>du</strong>s <strong>de</strong> cru<strong>de</strong>. Les hommes<br />
qui sortent <strong>de</strong>s tanks sont entièrement moulés <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te boue<br />
bitumeuse qui ne peut étre enlevée que par un lavage comf1 l<strong>et</strong><br />
-au pétrole. Toutes Jes quatre heures, les bordées <strong>de</strong> quarts se<br />
leièvent sans trève, aussi dit-on souvent que- sur un navire il y.<br />
a constamment <strong>de</strong>s gens qui vont manger <strong>et</strong> dormir ou qui en<br />
viennent. Mais ce qui n Vs t pas dit assez c'est que se lever,<br />
chaque soir, à 22 h. 45 sans avoir pu fermer l'œil en raison <strong>de</strong><br />
Ia chaleur, <strong>et</strong> assurer la responsabilité <strong>du</strong> navire (pont <strong>et</strong> machine<br />
intimement liés) jusqu'à 3 heures <strong>du</strong> malin : c'est <strong>du</strong>r.<br />
Gibraltar, les côtes d'Algérie, Pantellaria, Malte, tout c<strong>et</strong>a<br />
-est aperçu comme un mirage sans espoir car le premier arrêt<br />
est Port-Saïd. I /officier <strong>de</strong> santé <strong>et</strong> la police effectuent les formalités<br />
d'entrée alors que le navire est encore dans le chenal<br />
-d'accès. I/amarrage est à peine commencé que le bord est envahi<br />
par toutes sortes <strong>de</strong> gens : officiels, marchands, gardiens, changeurs,<br />
elc, <strong>et</strong> wleurs, aussi faut-il se méfier terriblement <strong>et</strong><br />
fermer soigneusement portes <strong>et</strong> hublots avant <strong>de</strong> quitter sa<br />
cabine. Les quelques heures <strong>du</strong> séjour se passent dans une excitation<br />
fiévreuse, car il y a tant à faire, ll faut appareiller à<br />
l'heure précise qui est impartie pour prendre la place dans le<br />
convoi <strong>de</strong>s navires qui vont transiter le canal. Quittant Port-<br />
Saïd a 9 heures, par exemple, la sortie à Suez s'effectue aux<br />
environs <strong>de</strong> 1 heure le len<strong>de</strong>main matin. Trois jours <strong>de</strong> Mer<br />
Rouge, extrémement pénibles entre mai <strong>et</strong> octobre ; quatre jours<br />
,1e long <strong>de</strong> ces côtes d'Arabie qui offrent un pavsage <strong>de</strong> désolation<br />
<strong>et</strong> d'inhospitalité totale. Durant l'été, lorsque l'on franchit le<br />
détroit d'Ormuz qui marque l'accès au Golfe Persique : c'est<br />
1 enfer qui s'ouvre <strong>et</strong> le séjour va <strong>du</strong>rer cinq jours au minimum<br />
jusqu'au passage <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our au même point. Randar Mashur :<br />
quatre appontements mo<strong>de</strong>rnes, beaucoup <strong>de</strong> tuyaux, une baraque<br />
(avec l'air conditionné) servant <strong>de</strong> club <strong>et</strong>, tout autour Je<br />
désert affreux, sordi<strong>de</strong>, avec <strong>de</strong>s mouches, <strong>de</strong>s moustiques <strong>et</strong>'un<br />
soleil écrasant : en août, parfois 45° à l'ombre, 60 à 65° au soleil'<br />
i eau <strong>de</strong> mer à 36°, la cru<strong>de</strong> que l'on charge à 44°. La traversée<br />
<strong>de</strong> r<strong>et</strong>our est aussi monotone que celle <strong>de</strong> l'aller. Le séjour à<br />
Ambes est <strong>de</strong> vingt-<strong>de</strong>ux heures <strong>et</strong> l'on repart pour Sidon :,<br />
amarrage sur bouées; «pêche» <strong>du</strong> flexible, branchement six<br />
heures pour charger les seize mille tonnes <strong>et</strong> l'on repart.<br />
Comment l'équipage passe-t-il son temps ? Pour ceux qui font<br />
ïe quart ; dix ou onze heures <strong>de</strong> travail <strong>et</strong> cela sans arrêt d'un<br />
<strong>Quimper</strong> éon<br />
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seul jour, <strong>de</strong>ux heures pour les repas, une p<strong>et</strong>ite pose en quittant<br />
le quart, la douche, la lessive, le repassage, chercher un coin<br />
sur le pont où il y'a' tin peu d'air pour installer le lit <strong>de</strong> camp.<br />
lire quelques instants <strong>et</strong> surtout «essayer» <strong>de</strong> dormir ; fair est<br />
tellement numi<strong>de</strong> parfois que le moindre slip colle h la peau<br />
môme lorsque l'on ne sue pas. Pour ceux qui travaillent à la<br />
journée (<strong>de</strong> 6 heures à 19 heures), les soirées perm<strong>et</strong>tent une<br />
certaine détente : une partie <strong>de</strong> cartes en écoutant la radio <strong>et</strong><br />
surtout la -x nuit fraîche ». Le dimanche est marqué : le matin<br />
par une propr<strong>et</strong>é plus .approfondie <strong>de</strong>s locaux, l'après-midi par<br />
un exercice d'embarcations <strong>et</strong> d'incendie. Vers 15 heures, l'<br />
officiers non <strong>de</strong> quart se réunissent pour un bridge, les hommes<br />
la beiote. un ping-pong, un p?u <strong>de</strong> lecture ou... <strong>du</strong> raccommodage<br />
df- bleus <strong>de</strong> chauffe fatigués.<br />
Le marin <strong>du</strong> pétrole est vraiment prisonnier <strong>du</strong> navire. Il<br />
ne s'en étonne pas, car il a choisi librement, mais, parfois, les<br />
chaînes font très mal : les joies, les peines, les anxiétés, Ies<br />
malheurs allègent ou alourdissent au rythme <strong>de</strong>s l<strong>et</strong>tres bonnes<br />
ou mauvaises. Les vies se brisent ou se sou<strong>de</strong>nt à l'échelle <strong>de</strong> la<br />
force <strong>et</strong> <strong>de</strong> la valeur morales <strong>de</strong>s époux. Le bonheur mutuel<br />
dans l'absence est proportionnel h la gran<strong>de</strong>ur mystique que l'on<br />
s'en fait <strong>et</strong> aux p?ines intimes que l'on ressent.<br />
Est-ce à dire que Ie métier - <strong>de</strong> marin, <strong>et</strong> plus spécialement<br />
•celui <strong>du</strong> pétrole, est une sinécure ? Non, certes. En lui-même, il<br />
est p T enant, l'homme peut se former <strong>et</strong> s'élever à l'image <strong>de</strong> ses<br />
responsabilités dans les difficultés soudaines qiu surgissent trés<br />
souvent ; le chef peut soulager les misères physiques <strong>et</strong> morales:<br />
la communauté <strong>de</strong> bord peut <strong>de</strong>venir une gran<strong>de</strong> famille ; lea<br />
fins <strong>de</strong> mois sont, en général, plus rentables qu'à terre ; cela<br />
justilie-t-il toujours les gros sacrifices qu'il faut s'imposer ? La<br />
réponse ne peut s'exprimer par <strong>de</strong>s mots, mais par <strong>de</strong>s sentiments<br />
(jne seul le eoeur peut ressentir.<br />
Après plusieurs voyages, les six mois d'embarquement se sont<br />
écoulés, ni vite ni lentement : ça fait quand même stx mois qui<br />
n'ont pas compté pour la vraie vie. Seul, le marin qui part en<br />
rongé peut dire si son esprit s'est enrichi au cours <strong>de</strong>s méditations,<br />
<strong>de</strong>s veilles ; seul, bientôt, après <strong>de</strong>ux mois au milieu <strong>de</strong>s<br />
siens, il pourra conclure si son bonheur familial s'est affermi ou<br />
si son sacrifice périodique d'exilé se renouvellera en vain.<br />
Devant la sortie <strong>de</strong> la gare, joie immense : <strong>de</strong>ux bambins<br />
-qui sautent au cou <strong>de</strong> papa r<strong>et</strong>rouvé, la maman, très émue, qui<br />
tient le tout-p<strong>et</strong>it dans ses bras. Soixante jours <strong>de</strong> congé, c'est<br />
merveilleux. Taxi. On est bien chez soi ; ne pensons à rien<br />
d'autre qu'au présent ; mais en voyant les valises qui sont encore<br />
'tans l'entrée, un silence se fait, une ombre plane : c'est si<br />
rapi<strong>de</strong>ment pass** <strong>de</strong>ux mois quand il faut les vivre trois fois<br />
plus vite que tout le mon<strong>de</strong>...<br />
Golfe Persique. C. R.<br />
1 (Extrait d* « A Dieu rat*)