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4.5 Rôles computationnels des corrélations 133<br />
Il a été proposé un mécanisme neuronal pour répondre à ce problème : c’est<br />
le liage par synchronie (Gray et al. 1989, Gray 1999, Singer 1999, Engel et Singer<br />
2001, Fries 2009). Selon cette théorie, le liage perceptif est réalisé par la synchronisation<br />
d’oscillations gamma entre différentes zones cérébrales. L’idée est que deux<br />
réseaux de neurones sont synchrones dès lors qu’ils traitent l’information reliée à<br />
un même objet perceptif. Cette proposition est motivée par des observations expérimentales<br />
sur les oscillations gamma et la synchronisation lors de certaines tâches<br />
cognitives. Il y a une large littérature sur ce sujet qui reste controversé (Shadlen<br />
et Movshon 1999, Gray 1999).<br />
Les études expérimentales sur le sujet tendent à montrer une synchronisation<br />
sélective reliée au liage perceptif. Autrement dit, il s’agit de trouver des corrélations<br />
spécifiques au stimulus, qui sont plus fortes lorsque les neurones en question<br />
traitent l’information provenant d’un seul et même objet (Singer 1999, Salinas et<br />
Sejnowski 2001).<br />
Dans Gray et al. (1989), Engel et al. (1991ab), Kreiter et Singer (1996), un<br />
ou deux objets sont présentés dans les champs récepteurs de deux neurones du<br />
cortex visuel primaire. Bien que la fréquence moyenne de décharge soit similaire<br />
dans les deux cas, la synchronisation des neurones est bien supérieure lorsqu’un<br />
seul objet est présent.<br />
De la même manière, dans Fries et al. (1997), la synchronisation et la puissance<br />
spectrale dans la bande de fréquence gamma sont étudiées dans le cortex visuel<br />
primaire du chat en situation de rivalité binoculaire (deux stimuli visuels différents<br />
sont présentés à chaque œil, il y a alors bistabilité dynamique de la perception<br />
visuelle). Les neurones apparaissent beaucoup plus synchronisés lorsqu’ils traitent<br />
le stimulus effectivement perçu, alors que la fréquence de décharge n’apparaît<br />
pas sélective à la dominance oculaire. Des phénomènes similaires ont été observés<br />
chez l’Homme, en utilisant des techniques d’enregistrement macroscopiques (Joliot<br />
et al. 1994, Tallon-Baudry et al. 1996, Keil et al. 1999).<br />
De manière plus générale, la littérature sur les oscillations gamma est extrêmement<br />
large et diverse (Tallon-Baudry et Bertrand 1999, Engel et Singer 2001, Fries<br />
2009, Uhlhaas et al. 2009). Ces oscillations ont été observées dans de très nombreuses<br />
espèces animales, vertébrées ou invertébrées, dans de nombreuses zones<br />
cérébrales, corticales ou non (Fries 2009). Elles sont reliées spécifiquement à un<br />
état cérébral actif et ont été observées dans de nombreuses tâches cognitives,<br />
comme l’attention, la mémoire, l’intégration multisensorielle. Cela suggère un rôle<br />
computationnel important pour ces oscillations dans les tâches cognitives.<br />
Notons que la bande de fréquence de ces oscillations gamma correspond à<br />
l’échelle temporelle de la détection de coïncidences dans le cortex in vivo. En effet,<br />
l’échelle temporelle de synchronisation dans un contexte d’oscillations gamma<br />
(f � 50 Hz) est d’environ 10 ms (la demi-période), soit l’ordre de grandeur de<br />
la constante de temps membranaire (Fries 2009). Les synchronisations dans cette<br />
bande de fréquence sont ainsi détectables par les neurones et peuvent donc hypothétiquement<br />
participer à la computation neuronale.<br />
Notons enfin que toutes ces observations sur le rôle computationnel de la synchronisation<br />
pour le liage perceptif, ou pour d’autres tâches cérébrales, sont cor-