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254 Discussion<br />
Implications sur la computation neuronale<br />
Qu’impliquent ces résultats sur la détection de coïncidences au niveau de la<br />
computation neuronale ? D’abord, une sensibilité suffisamment importante des<br />
neurones aux coïncidences est un préalable absolument nécessaire pour une théorie<br />
computationnelle basée sur la temporalité des potentiels d’action et sur la<br />
synchronisation. Nos travaux montrent que cette sensibilité est compatible avec<br />
le régime physiologique des neurones dans le cortex, caractérisé par un bruit important<br />
et une irrégularité de la décharge. Cependant, cette sensibilité n’est pas<br />
un argument définitif en faveur d’un rôle computationnel de la synchronisation :<br />
elle en constitue uniquement un prérequis. En revanche, cette sensibilité semble<br />
contredire une théorie purement fréquentielle de la computation, car nous avons<br />
montré que la réponse d’un neurone ne dépend pas que de la fréquence de décharge<br />
des trains en entrée. Le fait de modifier les temps de quelques potentiels d’action<br />
dans les entrées, tout en gardant rigoureusement exactement la même fréquence<br />
de décharge de ces trains, a un impact considérable sur la réponse du neurone. La<br />
prise en compte de la seule fréquence de décharge pour la computation neuronale<br />
semble donc insuffisante.<br />
Bruit, chaos, et codage<br />
Plusieurs études récentes suggèrent que les corrélations neuronales dans le cortex<br />
sont très faibles, et que le caractère bruité et chaotique des réseaux récurrents<br />
implique nécessairement un codage fréquentiel (Renart et al. 2010, Ecker et al.<br />
2010, London et al. 2010). En ce qui concerne le premier point, nous pouvons répondre<br />
que des corrélations faibles n’impliquent pas l’indépendance des neurones,<br />
et que même des corrélations faibles peuvent avoir un impact majeur sur la réponse<br />
neuronale. Par ailleurs, des corrélations faibles de paires de neurones sont<br />
en réalité compatibles avec une structure statistique de population très riche, bien<br />
éloignée d’une structure indépendante (Schneidman et al. 2006, Rosenbaum et al.<br />
2011).<br />
En ce qui concerne le second point, l’argument donné par (London et al. 2010)<br />
en faveur d’une théorie fréquentielle est que le caractère chaotique d’un réseau<br />
récurrent est responsable d’un bruit important, qui rend impossible la décharge<br />
simultanément précise et fiable d’un potentiel d’action à un instant donné. Cependant,<br />
seul un code temporel idéal et déterministe est en contradiction avec un fort<br />
niveau de bruit intrinsèque, ce qui n’est pas le cas d’un code temporel stochastique.<br />
Dans un tel code, les neurones sont capables de décharger précisément à un instant<br />
donné, mais de manière non fiable, c’est-à-dire avec une certaine probabilité.<br />
Cette non-fiabilité correspond à la possibilité que le bruit annule une dépolarisation<br />
qui, sinon, aurait conduit le potentiel de membrane au-dessus du seuil. En<br />
compensation, un tel code stochastique devrait, pour être robuste, impliquer des<br />
assemblées de neurones plutôt que des neurones individuels. La décharge déterministe<br />
d’un neurone unique à un instant précis est remplacée par la décharge<br />
synchrone de plusieurs neurones. Cette synchronisation est rendue possible par la