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Les chevaliers de la table ronde

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tous ceux qui sont assemblés ici. Voici ce que je propose : <strong>la</strong> reine s’avancera <strong>de</strong> telle sorte<br />

qu’elle puisse être vue <strong>de</strong> loin, et elle jurera <strong>de</strong> sa main droite sur les saintes reliques que<br />

jamais elle n’eut aucun commerce avec ton neveu qui puisse être tenu pour coupable. Et<br />

quand elle aura ainsi juré <strong>de</strong> cette façon, comman<strong>de</strong> à tes barons <strong>de</strong> faire <strong>la</strong> paix. – Voilà qui<br />

est bien dit, roi Arthur ! répondit Mark. Je sais qu’on peut me blâmer d’avoir prêté l’oreille<br />

aux paroles envieuses <strong>de</strong>s médisants, et j’en suis fort fâché. Mais si <strong>la</strong> reine peut se justifier<br />

<strong>de</strong>vant tous ceux qui sont ici présents, si elle prend Dieu à témoin <strong>de</strong> son innocence,<br />

personne ne pourra plus porter d’accusations contre elle, et je m’engage à châtier durement<br />

tous ceux qui persisteraient à le faire ! – À <strong>la</strong> bonne heure, dit Merlin. Il faut maintenant que<br />

vous agissiez tous les <strong>de</strong>ux comme vous l’avez prévu. »<br />

On rassemb<strong>la</strong> les barons, les dames et les jeunes filles et on les fit asseoir en rang autour<br />

<strong>de</strong> l’endroit où avaient été p<strong>la</strong>cées les reliques, sous <strong>la</strong> gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> Gauvain, fils du roi Loth<br />

d’Orcanie. <strong>Les</strong> <strong>de</strong>ux rois prirent Yseult par <strong>la</strong> main et <strong>la</strong> conduisirent où elle <strong>de</strong>vait prononcer<br />

le serment. Le roi Arthur lui dit : « Reine Yseult, écoute-moi bien et sache ce que nous<br />

désirons <strong>de</strong> toi. Nous <strong>de</strong>mandons que tu jures, par le saint nom <strong>de</strong> Dieu, <strong>la</strong> main étendue sur<br />

les reliques <strong>de</strong>s saints, que Tristan n’a jamais touché à ton corps et n’a eu aucun amour autre<br />

que celui, parfaitement légitime, qu’un neveu doit porter à <strong>la</strong> femme <strong>de</strong> son oncle. » Yseult<br />

s’avança vers les reliques, étendit sa main droite et, sans hésiter, dit à très haute voix :<br />

« Seigneurs, je jure, par le saint nom <strong>de</strong> Dieu et sur les saintes reliques, que jamais homme<br />

ne se mit entre mes jambes, hormis le <strong>la</strong>dre qui se fit bête <strong>de</strong> somme pour me porter à<br />

travers le Mal Pas, et le roi Mark, mon époux. J’ai dit <strong>la</strong> vérité, et si l’on juge que je dois subir<br />

l’épreuve du fer rouge, je suis prête ! »<br />

Il y eut alors un grand silence. Personne, dans l’assemblée, ne se leva pour apporter <strong>la</strong><br />

moindre contradiction. Alors le roi Arthur dit : « L’affaire est désormais jugée. La reine Yseult<br />

a juré que nul n’entra entre ses cuisses que le mendiant qui l’a portée sous nos yeux, tout à<br />

l’heure, à travers le Mal Pas, et le roi Mark son époux selon les lois <strong>de</strong> <strong>la</strong> sainte Église.<br />

Malheur à ceux qui contesteraient ce jugement, car ils seraient déc<strong>la</strong>rés félons et mécréants !<br />

La foule commença à se disperser en commentant l’événement. Ainsi était rétablie <strong>la</strong> paix<br />

entre le roi Mark et son neveu Tristan. Ainsi étaient rejetées les accusations portées contre <strong>la</strong><br />

reine par les barons envieux. Merlin rôdait à travers <strong>la</strong> B<strong>la</strong>nche Lan<strong>de</strong>, tout songeur, sachant<br />

très bien que ce serment n’empêcherait nullement Yseult <strong>de</strong> rejoindre Tristan <strong>la</strong> nuit<br />

prochaine, car c’était une <strong>de</strong>s particu<strong>la</strong>rités <strong>de</strong> Tristan <strong>de</strong> ne pouvoir vivre plus d’un mois sans<br />

avoir <strong>de</strong> rapport physique avec Yseult [121] . Mais après tout, Yseult, lorsqu’elle avait<br />

prononcé le serment, n’avait fait que dire <strong>la</strong> vérité : ce n’était pas sa faute si ceux qui se<br />

trouvaient là n’avaient pas reconnu Tristan sous les traits boursouflés du mendiant lépreux…<br />

Il en était là <strong>de</strong> ses réflexions quand il entendit une voix <strong>de</strong> femme <strong>de</strong>rrière lui : « Bien<br />

joué, Merlin ! » Il se retourna. Morgane était là, aussi altière, aussi troub<strong>la</strong>nte, avec son<br />

sourire ambigu qui faisait rêver tant d’hommes. Merlin se mit à rire et répondit : « Tu te<br />

trompes, Morgane, ce n’est pas mon jeu, mais le jeu <strong>de</strong> <strong>la</strong> reine Yseult, car : femme est plus<br />

rusée que le diable ! Tu le sais aussi bien que moi. » Morgane haussa les épaules. « À quoi<br />

bon toute cette comédie ? <strong>de</strong>manda-t-elle. – À distraire les pauvres humains », répondit<br />

tristement Merlin. Et il s’éloigna dans le vent [122] .

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