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Les chevaliers de la table ronde

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fort que, malgré <strong>la</strong> distance, le son courut sur l’eau et, d’écho en écho, parvint dans <strong>la</strong> salle<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> forteresse où se trouvait Agravadain. Celui-ci, dès qu’il entendit le son du cor, réc<strong>la</strong>ma<br />

ses armes. Mais pendant qu’on l’armait en hâte et qu’il enfourchait son beau <strong>de</strong>strier<br />

pommelé, trois fois encore le son du cor parvint à ses oreilles. En effet, le roi Bohort sonnait<br />

coup sur coup, craignant qu’on ne l’entendît pas dans <strong>la</strong> forteresse, tant le marais était <strong>la</strong>rge.<br />

Impatienté, le seigneur <strong>de</strong>s Mares se précipita sur <strong>la</strong> chaussée, le bouclier au cou et <strong>la</strong> <strong>la</strong>nce<br />

au poing. « Quelles gens êtes-vous ? s’écria-t-il lorsqu’il aperçut <strong>la</strong> troupe <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux rois. –<br />

Seigneur, répondit le roi Ban, nous sommes <strong>de</strong>s <strong>chevaliers</strong> qui te <strong>de</strong>mandons l’hospitalité<br />

pour <strong>la</strong> nuit ! – À qui êtes-vous donc ? – Nous tenons nos terres du roi Arthur. »<br />

Agravadain baissa sa <strong>la</strong>nce et cria joyeusement : « Par Dieu, vous avez là un bon<br />

seigneur ! Il est également le mien. Suivez-moi et soyez les bienvenus. » Ils s'en vinrent donc<br />

à <strong>la</strong> suite du seigneur <strong>de</strong>s Mares, l'un après l'autre, car <strong>la</strong> chaussée était si étroite qu'on ne<br />

pouvait y chevaucher à <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> front. Leur hôte les conduisit à travers les cours jusqu'à son<br />

logis, où <strong>de</strong>s valets et <strong>de</strong>s écuyers vinrent les ai<strong>de</strong>r à se désarmer. Puis, prenant Ban et<br />

Bohort par <strong>la</strong> main, Agravadain les fit entrer dans une salle basse. Trois jeunes filles leur<br />

mirent alors au cou <strong>de</strong>s manteaux d'écar<strong>la</strong>te fourrés d'hermine noire. Ces trois jeunes filles<br />

étaient fort belles et gracieuses à voir, surtout celle qui était <strong>la</strong> fille d'Agravadain.<br />

Merlin se sentit très triste, tout à coup. Il marmonna entre ses <strong>de</strong>nts : « Heureux celui qui<br />

coucherait avec une telle fille ! Si mon esprit n'était pas retenu par celle que j'ai rencontrée<br />

dans <strong>la</strong> forêt, auprès <strong>de</strong> <strong>la</strong> fontaine, je <strong>la</strong> tiendrais volontiers dans mes bras. Mais c'est<br />

impossible. Je dois <strong>la</strong> donner au roi Ban, car le fils qui naîtra d'eux aura une belle<br />

<strong>de</strong>stinée [64] . » Et, sans plus attendre, il jeta un enchantement sur l'assistance :<br />

immédiatement, le roi Ban et <strong>la</strong> fille d'Agravadain furent saisis d'un amour éperdu.<br />

Pendant le souper, Agravadain p<strong>la</strong>ça Ban et Bohort entre lui et sa femme, qui était belle<br />

et <strong>de</strong> bon âge, car elle n'avait pas trente ans. <strong>Les</strong> <strong>chevaliers</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> suite s'assirent à d'autres<br />

<strong>table</strong>s. Quant à Merlin, sous l'apparence d'un jeune homme d'une quinzaine d'années, aux<br />

cheveux blonds et aux yeux verts, vêtu d'une cotte mi-partie <strong>de</strong> b<strong>la</strong>nc et <strong>de</strong> vermeil, ceint<br />

d'une cor<strong>de</strong>lière <strong>de</strong> soie où pendait une aumônière d'or battu, il faisait le service du roi Ban.<br />

<strong>Les</strong> gens <strong>de</strong> <strong>la</strong> forteresse le prenaient pour un valet <strong>de</strong> leurs hôtes, mais ceux-ci pensaient<br />

qu'il était un serviteur d'Agravadain. Mais il était si beau que les jeunes filles ne pouvaient<br />

s'empêcher <strong>de</strong> le regar<strong>de</strong>r avec envie et désir, sauf <strong>la</strong> fille d’Agravadain qui n’avait d’yeux<br />

que pour le roi Ban et changeait <strong>de</strong> couleur à chaque instant : elle souhaitait en effet se<br />

trouver toute nue entre les bras <strong>de</strong> Ban et, parfois, elle se <strong>de</strong>mandait avec angoisse<br />

comment une telle pensée pouvait lui venir. Quant à Ban, il désirait éperdument <strong>la</strong> jeune<br />

fille, mais il n’oubliait pas qu’il était lui-même marié : il ne vou<strong>la</strong>it pas trahir son épouse, ni<br />

causer <strong>de</strong> tort à son hôte, et il n’était pas moins angoissé que <strong>la</strong> jeune fille.<br />

Quand le repas fut terminé, on enleva les nappes et les convives se <strong>la</strong>vèrent les mains.<br />

Comme il faisait encore jour, ils allèrent aux fenêtres admirer <strong>la</strong> forteresse et le pays<br />

avoisinant. Puis vint le moment d’aller se reposer. <strong>Les</strong> jeunes filles avaient préparé, pour les<br />

<strong>de</strong>ux rois, dans une chambre voisine <strong>de</strong> <strong>la</strong> salle, <strong>de</strong>s lits tels qu’il convenait aux princes qu’ils<br />

semb<strong>la</strong>ient être. Et quand tout le mon<strong>de</strong> fut couché, Merlin fit un nouvel enchantement. Un<br />

sommeil pesant s’empara <strong>de</strong> tous ceux qui se trouvaient dans <strong>la</strong> forteresse, à tel point que<br />

les toitures eussent pu tomber sur leur tête sans aucunement les réveiller. Seuls le roi Ban et<br />

<strong>la</strong> fille d’Agravadain veil<strong>la</strong>ient et soupiraient, chacun <strong>de</strong> son côté. Alors Merlin al<strong>la</strong> jusqu’à elle

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