Les chevaliers de la table ronde
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savait plus où il était. Il voulut retourner sur ses pas et emprunta un chemin assez <strong>la</strong>rge qui<br />
le conduisait toujours plus loin. L’obscurité était maintenant complète. En regardant <strong>de</strong>vant<br />
lui, il aperçut alors un chemin qui traversait un espace peu boisé où brû<strong>la</strong>it un grand feu. Il<br />
prit cette direction, pensant qu’il rencontrerait quelque bûcheron ou quelque charbonnier qui<br />
lui indiquerait sa route.<br />
Près du feu, il aperçut un <strong>de</strong>strier attaché à un arbre. Il s’approcha et vit un homme d’un<br />
certain âge assis non loin <strong>de</strong> là et qui le salua courtoisement, lui <strong>de</strong>mandant ce qu’il faisait<br />
dans ce lieu retiré. Gauvain lui raconta alors, avec force détails, tout ce qui lui était arrivé,<br />
comment il était parti pour se divertir et comment, pour s’être trop longuement plongé dans<br />
ses pensées, il s’était égaré dans <strong>la</strong> forêt et avait perdu son chemin. L’homme lui proposa <strong>de</strong><br />
le remettre le len<strong>de</strong>main matin dans <strong>la</strong> bonne direction, à condition qu’il voulût bien<br />
<strong>de</strong>meurer en sa compagnie, ici même, pendant <strong>la</strong> nuit. C’est ainsi qu’ils veillèrent et<br />
discutèrent un certain temps avant <strong>de</strong> s’endormir près du feu.<br />
Le len<strong>de</strong>main, quand ils furent réveillés, l’homme dit à Gauvain : « Ma <strong>de</strong>meure n’est pas<br />
éloignée. Je te prie donc d’y venir, car tu y seras accueilli avec empressement. » Tous les<br />
<strong>de</strong>ux montèrent à cheval, prirent leurs boucliers, leurs <strong>la</strong>nces et leurs épées, et ils<br />
s’engagèrent sur un chemin empierré. Au moment où ils sortaient <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt, se trouvant<br />
alors <strong>de</strong>vant une p<strong>la</strong>ine, l’homme dit à Gauvain : « C’est un usage bien établi <strong>de</strong>puis toujours<br />
que lorsqu’on offre l’hospitalité à un preux chevalier, on envoie quelqu’un pour que tout soit<br />
prêt dans <strong>la</strong> <strong>de</strong>meure. Or, tu peux le voir, je n’ai personne, à part moi, à envoyer. Je te prie<br />
donc <strong>de</strong> continuer tranquillement tandis que je galoperai jusque chez moi afin d’y faire tout<br />
préparer pour ton arrivée. Tu apercevras ma <strong>de</strong>meure juste <strong>de</strong>vant toi, le long d’un enclos,<br />
au fond d’une vallée. »<br />
Après quoi, il s’éloigna à vive allure, <strong>la</strong>issant Gauvain poursuivre très lentement sa route.<br />
Au bout d’un moment, il rencontra quatre bergers arrêtés sur le chemin et qui le saluèrent<br />
aimablement. Il les salua à son tour et les dépassa sans ajouter un mot. « Hé<strong>la</strong>s ! s’écria l’un<br />
d’eux. Quel malheur ! Un chevalier aussi beau, aussi noble et <strong>de</strong> si belle allure ! Ce ne serait<br />
pas juste qu’il fût blessé ou maltraité ! » En entendant ces paroles, Gauvain fut fort surpris. Il<br />
arrêta son cheval et, s’adressant aux bergers, il leur <strong>de</strong>manda pourquoi ils se <strong>la</strong>mentaient<br />
ainsi. « Seigneur, répondit l’un d’eux, c’est parce que nous sommes émus <strong>de</strong> te voir aller vers<br />
<strong>la</strong> <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> celui qui s’en va là-bas sur un cheval gris. Il en a emmené ainsi beaucoup<br />
d’autres <strong>de</strong>vant nous, mais nous savons qu’aucun <strong>de</strong> ceux-ci n’est revenu ! – Voici qui est<br />
bien mystérieux, dit Gauvain Est-ce que tu sais comment ils sont traités ? – On dit, seigneur,<br />
dans tout le pays, que l’homme chez qui tu vas met à mort tous ceux qui le contredisent.<br />
Mais nous ne le savons que par ouï-dire, car personne n’a jamais encore vu quelqu’un sortir<br />
<strong>de</strong> chez lui. Si tu m’en crois, seigneur, ne continue pas ton chemin et reviens vite en arrière<br />
sans même prendre congé <strong>de</strong> lui. – Bergers, répondit Gauvain, je vous remercie <strong>de</strong> votre<br />
conseil, mais je vous assure que <strong>de</strong>s propos si puérils ne me feront pas revenir en arrière. »<br />
Et, sans plus attendre, il lâcha <strong>la</strong> bri<strong>de</strong> à son cheval et poursuivit sa route, perdu dans ses<br />
pensées, jusqu’à <strong>la</strong> vallée que son compagnon lui avait indiquée.<br />
Il aperçut alors, s’élevant auprès d’un vaste enclos, une magnifique forteresse qui semb<strong>la</strong>it<br />
toute neuve, sur le sommet d’une butte. Il remarqua aussi <strong>de</strong>s fossés <strong>la</strong>rges et profonds et,<br />
entre les <strong>de</strong>ux murs d’enceinte, <strong>de</strong>vant le pont-levis, un grand nombre <strong>de</strong> petites maisons.<br />
De toute évi<strong>de</strong>nce, cette forteresse appartenait à un homme riche et puissant. Gauvain arriva