Les chevaliers de la table ronde
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et ce<strong>la</strong> à cause <strong>de</strong> toi ! – Comment ? s’écria Balin, à cause <strong>de</strong> moi ? Dieu m’en gar<strong>de</strong>,<br />
chevalier, et je peux te jurer que tu serais sous ma sauvegar<strong>de</strong> si tu acceptais <strong>de</strong> me suivre<br />
auprès du roi Arthur. – Jure-le-moi. – Je le jure ! » s’écria Balin. Ils se mirent en route et<br />
chevauchèrent vers <strong>la</strong> tente du roi. Or, alors qu’ils n’en étaient plus qu’à une portée d’arc, le<br />
chevalier s’écria tout à coup : « Ha ! chevalier, toi qui portes <strong>de</strong>ux épées, je me meurs ! J’ai<br />
eu bien tort <strong>de</strong> me fier à ta protection ! Si je suis tué en ta compagnie, le préjudice sera<br />
certes pour moi, mais le déshonneur sera pour toi ! »<br />
Balin se retourna : il s’aperçut que son compagnon était tombé <strong>de</strong> cheval.<br />
Immédiatement, il mit pied à terre et vint auprès <strong>de</strong> lui, mais ce fut pour découvrir qu’il était<br />
gravement blessé, transpercé par une <strong>la</strong>nce dont le fer ressortait dans le dos. « Dieu ! dit-il,<br />
absolument consterné, quel déshonneur pour moi que <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> cet homme que j’avais pris<br />
sous ma protection ! – Seigneur chevalier, articu<strong>la</strong> faiblement le blessé, je vais mourir et tu<br />
en es responsable. Il te faut donc désormais reprendre <strong>la</strong> quête que j’avais commencée et<br />
l’achever comme tu le pourras ! Prends mon cheval qui vaut mieux que le tien et rejoins <strong>la</strong><br />
jeune femme que tu as vue avec moi tout à l’heure. Elle te conduira où il te faut aller et te<br />
désignera bientôt quel est mon meurtrier. On verra bien alors quelle vengeance tu sauras en<br />
tirer ! » Et ayant ainsi prononcé ces paroles, le blessé rendit l’âme entre les bras <strong>de</strong> Balin.<br />
Cependant, le roi Arthur était arrivé à ce moment et il avait entendu ce que disait le<br />
mourant. « Roi, lui dit Balin, me voici déshonoré par <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> cet homme ! » Le roi Arthur<br />
lui répondit : « Je n’ai jamais rien vu d’aussi extraordinaire ! C’est vrai : j’ai vu porter le coup,<br />
mais je n’ai pas pu voir celui qui le frappait ! » Balin prit <strong>la</strong> <strong>la</strong>nce qui transperçait le cadavre<br />
et <strong>la</strong> tira à lui. « Roi, dit-il, je vais partir en te recommandant à Dieu. Désormais, je ne<br />
reviendrai plus vers toi sans avoir vengé ce chevalier et achevé <strong>la</strong> quête qu’il avait<br />
entreprise ! » Et, sans plus tar<strong>de</strong>r, il prit congé d’Arthur et s’éloigna pour rejoindre <strong>la</strong> jeune<br />
fille.<br />
Arthur était fort perplexe. Il resta longtemps immobile auprès du corps du chevalier. Ses<br />
serviteurs arrivèrent et lui <strong>de</strong>mandèrent : « Seigneur, qui donc a tué cet homme que nous<br />
voyons ici ? – Je n’en sais rien », répondit le roi. Et tandis qu’il par<strong>la</strong>it, Merlin vint le rejoindre.<br />
« Roi, lui dit-il, ne t’étonne pas <strong>de</strong> cette aventure. Tu en verras <strong>de</strong> plus extraordinaires<br />
encore ! Mais je te conseille <strong>de</strong> faire enterrer ce chevalier dans une tombe magnifique et <strong>de</strong><br />
faire graver sur <strong>la</strong> pierre cette inscription : Ci-gît le chevalier inconnu. Apprends également<br />
que, le jour où tu sauras son nom, il régnera à ta cour une si gran<strong>de</strong> joie que jamais on n’en<br />
connut <strong>de</strong> pareille. Mais, jusqu’à ce jour, qui est lointain, tu ignoreras ce nom. »<br />
Le roi suivit les conseils <strong>de</strong> Merlin et fit enterrer dignement le chevalier sans nom qui avait<br />
été tué sous <strong>la</strong> protection <strong>de</strong> Balin le Sauvage, le chevalier aux <strong>de</strong>ux épées. Quant à Balin, il<br />
rejoignit très vite <strong>la</strong> jeune fille. Celle-ci pleurait et gémissait. « Seigneur, disait-elle, quel<br />
désastre d’avoir <strong>la</strong>issé tuer ce chevalier qui était sous ta protection ! Nous n’avons pas gagné<br />
au change avec toi et cette quête ne nous procurera ni profit ni gloire ! J’étais sûre qu’il<br />
pouvait <strong>la</strong> mener à bien, alors que toi, je suis certaine que tu n’auras ni <strong>la</strong> force ni les mérites<br />
suffisants pour achever les aventures. Et toi, je sais que tu mourras par manque d’audace et<br />
<strong>de</strong> courage. Il aurait mieux valu, à tout point <strong>de</strong> vue, que ce fût toi et non lui que <strong>la</strong> mort<br />
choisît comme victime ! »<br />
Balin était si consterné par ces paroles qu’il ne sut quoi répondre. Puis ils se séparèrent :<br />
<strong>la</strong> jeune fille partit vers le soleil couchant, et lui-même vers <strong>la</strong> forêt, comme ils en avaient