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Les chevaliers de la table ronde

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econnaisses qu’elle est mienne ! »<br />

Gauvain accepta d’emblée <strong>la</strong> proposition. Il avait une telle confiance dans <strong>la</strong> jeune femme<br />

et avait tant d’amour pour elle qu’il était persuadé qu’elle ne l’abandonnerait pour rien au<br />

mon<strong>de</strong>. <strong>Les</strong> <strong>de</strong>ux hommes <strong>la</strong> <strong>la</strong>issèrent donc au milieu du chemin et s’en allèrent, l’un à<br />

droite et l’autre à gauche. La jeune femme les regarda tous les <strong>de</strong>ux et se mit à réfléchir, ce<br />

qui étonna gran<strong>de</strong>ment Gauvain. Elle savait bien quelle était <strong>la</strong> prouesse <strong>de</strong> Gauvain,<br />

notamment lorsqu’il était au lit, mais elle vou<strong>la</strong>it savoir si l’autre chevalier était aussi preux<br />

et aussi vail<strong>la</strong>nt [48] . Et c’est vers lui qu’elle se dirigea, sans un regard pour Gauvain.<br />

« Seigneur, dit alors le chevalier, il n’y a pas <strong>de</strong> contestation possible : cette jeune femme<br />

a choisi librement qui elle vou<strong>la</strong>it – Certes, répondit Gauvain, profondément ulcéré. Que Dieu<br />

me maudisse si je conteste quoi que ce soit et si je me bats pour qui se moque <strong>de</strong> moi ! » Et<br />

il s’en al<strong>la</strong> à travers <strong>la</strong> forêt en emmenant avec lui les lévriers.<br />

Cependant, au bout d’une <strong>la</strong>n<strong>de</strong>, <strong>la</strong> jeune femme s’arrêta brusquement et le chevalier lui<br />

en <strong>de</strong>manda <strong>la</strong> raison. « Seigneur, répondit-elle, je ne serai jamais ton amie tant que je<br />

n’aurai pas repris possession <strong>de</strong> mes lévriers que ce chevalier, là-bas, emporte avec lui. – Tu<br />

les auras ! » s’écria-t-il. Et il piqua <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux pour rejoindre Gauvain. « Pourquoi emportes-tu<br />

ces lévriers qui ne t’appartiennent pas ? <strong>de</strong>manda-t-il. – Seigneur, répondit Gauvain, je les<br />

considère comme miens, et si quelqu’un vient me les disputer, je <strong>de</strong>vrai les défendre comme<br />

mon bien propre. Mais si tu veux mon avis, il serait bon <strong>de</strong> recourir à l’épreuve que tu m’as<br />

proposée tout à l’heure lorsque nous avons mis <strong>la</strong> jeune femme au milieu du chemin pour<br />

savoir avec qui elle irait. » Le chevalier dit qu’il acceptait <strong>la</strong> proposition. Il pensait en effet<br />

que si les lévriers venaient <strong>de</strong> son côté, il se les approprierait sans combattre, et que, <strong>de</strong><br />

toute façon, s’ils al<strong>la</strong>ient <strong>de</strong> l’autre côté, il serait bien temps pour lui <strong>de</strong> les conquérir par <strong>la</strong><br />

force. Ils <strong>la</strong>issèrent donc les bêtes au milieu du chemin. Alors les lévriers se précipitèrent vers<br />

Gauvain et lui firent fête. Gauvain les f<strong>la</strong>tta longuement du geste et <strong>de</strong> <strong>la</strong> voix, tout heureux<br />

que les chiens eussent choisi sa compagnie.<br />

Et comme <strong>la</strong> jeune femme arrivait, furieuse <strong>de</strong> voir que ses lévriers étaient autour <strong>de</strong><br />

Gauvain, celui-ci dit encore : « J’ai fait tout ce que cette femme m’a <strong>de</strong>mandé et je lui ai<br />

donné mon amour. Voilà <strong>la</strong> façon dont elle me récompense ! Mais ces chiens, je les ai connus<br />

dans <strong>la</strong> forteresse <strong>de</strong> son père. Je les ai caressés et ils m’ont donné leur amitié. <strong>Les</strong> chiens<br />

sont une chose, et les femmes une autre ! Sachez donc qu’un animal ne trahira jamais un<br />

humain qui lui a donné son amitié et à qui il a promis son affection. <strong>Les</strong> lévriers ne m’ont pas<br />

abandonné. Je peux donc prouver ainsi qu’ils sont à moi et que leur amitié m’est plus<br />

précieuse que le faux amour que cette femme a manifesté envers moi ! »<br />

Mais l’autre chevalier se montra <strong>de</strong> plus en plus arrogant. « Ton discours ne m’intéresse<br />

pas ! s’écria-t-il. Donne-moi les chiens ou prépare-toi à te défendre ! » Gauvain saisit alors<br />

son bouclier et le p<strong>la</strong>ça contre sa poitrine. L’autre se précipita sur lui et tous <strong>de</strong>ux<br />

s’affrontèrent <strong>de</strong> toute <strong>la</strong> force <strong>de</strong> leurs chevaux. Bientôt, Gauvain fit vi<strong>de</strong>r les étriers à son<br />

adversaire et, sautant à bas <strong>de</strong> sa monture, il le poursuivit l’épée à <strong>la</strong> main. Il y mit toute sa<br />

rage, car le tort et l’insulte qu’il venait <strong>de</strong> recevoir excitaient sa haine. Il le malmena et<br />

maltraita si fort que, soulevant le pan du haubert <strong>de</strong> son adversaire, il lui perça le f<strong>la</strong>nc <strong>de</strong> sa<br />

bonne épée. Sa vengeance assouvie, il abandonna le corps sans un regard pour le cheval, le<br />

haubert et le bouclier. Il al<strong>la</strong> appeler les lévriers, puis courut reprendre son cheval. Il sauta<br />

en selle sans plus attendre.

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