27.06.2013 Views

Les chevaliers de la table ronde

Les chevaliers de la table ronde

Les chevaliers de la table ronde

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

nous avons beaucoup mangé déjà aujourd’hui. » Il en fut ainsi. On apporta <strong>la</strong> col<strong>la</strong>tion et les<br />

serviteurs versèrent abondamment différentes sortes <strong>de</strong> vin. « Seigneur, dit l’hôte à Gauvain,<br />

réjouis-toi et dis-toi bien que je me suis souvent ennuyé en recevant un invité qui ne s’amuse<br />

pas et ne dit pas ce dont il a envie. – Seigneur, répondit Gauvain, sois sûr que je me sens<br />

parfaitement à l’aise. »<br />

Quand ils eurent fini <strong>de</strong> manger et <strong>de</strong> boire, l’hôte appe<strong>la</strong> ses serviteurs et leur ordonna<br />

<strong>de</strong> préparer les lits. « Je coucherai ici même, dit-il, et ce chevalier couchera dans mon lit. Ne<br />

le faites pas trop étroit car ma fille couchera avec lui. C’est, je pense, un bon chevalier, et<br />

elle sera contente <strong>de</strong> lui. » Gauvain et <strong>la</strong> jeune fille remercièrent l’hôte et firent semb<strong>la</strong>nt<br />

d’être très contents. Mais Gauvain se sentait fort mal à l’aise : il craignait en effet un piège.<br />

Mais il ne pouvait refuser, car alors il aurait contredit son hôte.<br />

Celui-ci prit Gauvain par <strong>la</strong> main et le conduisit dans <strong>la</strong> chambre. La jeune fille au teint si<br />

frais les suivit. La chambre était toute parée <strong>de</strong> tentures, et douze cierges, disposés autour<br />

du lit, brû<strong>la</strong>ient en répandant une vive c<strong>la</strong>rté. Le lit était très beau et très riche, garni <strong>de</strong><br />

draps b<strong>la</strong>ncs et <strong>de</strong> somptueuses couvertures. « Seigneur, dit encore l’hôte, c’est là que vous<br />

allez coucher tous les <strong>de</strong>ux. Toi, ma fille, tu feras fermer les portes, car je sais qu’en <strong>de</strong> telles<br />

circonstances on n’a pas besoin <strong>de</strong> témoins. Je t’ordonne cependant <strong>de</strong> ne pas éteindre les<br />

cierges, car je veux qu’il puisse te contempler dans toute ta beauté et que toi-même tu<br />

puisses voir combien il est beau. » Sur ce, il quitta <strong>la</strong> chambre, et les portes furent fermées.<br />

Gauvain s’était couché. La jeune fille s’approcha du lit et y entra toute nue, sans se faire<br />

prier le moins du mon<strong>de</strong>. Toute <strong>la</strong> nuit, elle fut ainsi entre les bras <strong>de</strong> Gauvain. Il <strong>la</strong> couvrait<br />

<strong>de</strong> baisers et <strong>la</strong> serrait avec tendresse. Mais il arriva un moment où son échauffement fut tel<br />

qu’il sentait ne plus pouvoir résister. Quand elle comprit ce qu’il vou<strong>la</strong>it, <strong>la</strong> jeune fille<br />

murmura : « Seigneur, <strong>de</strong> grâce ! Même dans cette chambre, je suis sous bonne gar<strong>de</strong> ! »<br />

Gauvain regarda autour <strong>de</strong> lui, mais il ne vit personne. « Qu’est-ce donc qui peut m’interdire<br />

<strong>de</strong> satisfaire le désir que j’ai <strong>de</strong> toi ? <strong>de</strong>manda-t-il. – Vois-tu cette épée qui est suspendue<br />

au-<strong>de</strong>ssus du lit, dont les attaches sont d’argent, le pommeau et <strong>la</strong> gar<strong>de</strong> d’or fin ? – Oui, je<br />

<strong>la</strong> vois », répondit Gauvain.<br />

La jeune fille lui dit alors : « Apprends que cette épée <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> valeur a tué déjà <strong>de</strong><br />

nombreux <strong>chevaliers</strong>, au moins une vingtaine dans cette chambre. J’ignore pourquoi mon<br />

père agit ainsi, mais c’est un fait : aucun chevalier qui entre ici n’en sort vivant. Mon père<br />

leur réserve à tous un excellent accueil, comme à toi aujourd’hui, mais dès qu’il peut leur<br />

reprocher <strong>la</strong> moindre faute, il les tue sans pitié. Sais-tu comment ? Si, d’une manière ou<br />

d’une autre, le compagnon qui partage mon lit tente <strong>de</strong> me pénétrer, l’épée tombe et le<br />

frappe en plein corps. Et s’il tente <strong>de</strong> s’en approcher et <strong>de</strong> <strong>la</strong> saisir, elle jaillit aussitôt du<br />

fourreau et vient le percer. Cette épée a une telle vertu qu’elle me tient toujours sous sa<br />

gar<strong>de</strong>. J’aurais pu ne pas te prévenir, mais je serais très malheureuse si tu mourais à cause<br />

<strong>de</strong> moi. »<br />

Gauvain se trouvait dans le plus grand embarras. Il n’avait jamais entendu parler d’un<br />

péril <strong>de</strong> cette nature, et il se <strong>de</strong>mandait si <strong>la</strong> jeune fille ne lui avait pas dit ce<strong>la</strong> pour se<br />

protéger et l’empêcher d’aller plus loin dans le jeu d’amour. De plus, il avait une forte envie<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> jeune fille, et d’autre part, il se disait que s’il se dérobait, il serait ridiculisé, car on<br />

finirait bien par savoir qu’il s’était trouvé nu à nue dans un lit avec <strong>la</strong> plus belle fille du mon<strong>de</strong><br />

en s’abstenant <strong>de</strong> jouir d’elle. Il lui paraissait donc préférable <strong>de</strong> mourir glorieusement plutôt

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!