Les chevaliers de la table ronde
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La Lance et le Coup douloureux<br />
Le roi Arthur reçut <strong>la</strong> reine Gwenn avec tous les égards qui lui étaient dus. Il écouta<br />
attentivement le récit qu’elle lui fit <strong>de</strong>s exploits <strong>de</strong> celui qu’on connaissait seulement comme<br />
étant le Bel Inconnu, et qui était en fait le fils d’un <strong>de</strong> ses plus nobles barons. Et quand <strong>la</strong><br />
dame eut pris congé du roi, <strong>la</strong> jeune fille au manteau noir prit <strong>la</strong> parole. Il y avait, autour<br />
d’Arthur, <strong>la</strong> reine Guenièvre, Gauvain, fils du roi Loth d’Orcanie, Y<strong>de</strong>r, fils du roi Nudd, Kaï et<br />
Bedwyr, qui ne quittaient jamais le roi, Yvain, fils du roi Uryen. Merlin était également là,<br />
mais il se tenait à l’écart, dans un coin <strong>de</strong> <strong>la</strong> salle, pour mieux observer ce qui se passait.<br />
La jeune fille s’avança vers Arthur et enleva son manteau noir. « Roi, dit-elle, regar<strong>de</strong><br />
cette épée nouée à ma taille. Apprends que je ne peux ni <strong>la</strong> tirer <strong>de</strong> son fourreau ni <strong>la</strong><br />
détacher <strong>de</strong> moi. C’est à cause d’un sortilège qui pèse sur moi et qui me fait endurer bien <strong>de</strong>s<br />
peines. Et je sais que seul celui qui est le meilleur chevalier du royaume, le plus loyal, le plus<br />
pur <strong>de</strong> toute perfidie, <strong>de</strong> tout esprit <strong>de</strong> fausseté et <strong>de</strong> traîtrise, pourra dénouer les attaches<br />
<strong>de</strong> cette épée et l’emporter, me délivrant ainsi d’un far<strong>de</strong>au si lourd à porter qu’il m’interdit<br />
toute joie et tout repos.<br />
— Jeune fille, répondit le roi, tu me surprends beaucoup ! Il semble bien que cette épée<br />
soit facile à détacher. – Seigneur, il n’en va pas comme tu le penses. Seul un chevalier<br />
comme j’ai dit peut venir à bout <strong>de</strong> ce sortilège !<br />
— Alors, dit Arthur, en tant que roi, il m’appartient <strong>de</strong> tenter le premier cette épreuve ! »<br />
Il se leva, s’approcha <strong>de</strong> <strong>la</strong> jeune fille et voulut dénouer les attaches <strong>de</strong> l’épée, persuadé qu’il<br />
s’agissait d’attaches ordinaires, mais il n’y parvint pas. « Ha ! roi, dit <strong>la</strong> jeune fille, il est<br />
inutile <strong>de</strong> déployer tant <strong>de</strong> force ! Celui qui achèvera l’aventure n’aura pas besoin <strong>de</strong><br />
s’obstiner ainsi ! » Le roi al<strong>la</strong> se rasseoir en disant à ses compagnons : « Cette aventure ne<br />
m’est pas <strong>de</strong>stinée. Tentez-<strong>la</strong> donc à tour <strong>de</strong> rôle, et que le meilleur en acquière <strong>la</strong> gloire que<br />
Dieu lui réserve ! » Ils s’y essayèrent tous, mais sans résultat. On fit venir tous les <strong>chevaliers</strong><br />
présents à Kaerlion sur Wysg. Ils tentèrent tous <strong>de</strong> dénouer les attaches <strong>de</strong> l’épée, mais<br />
aucun ne put parvenir à ses fins. Un grand désespoir se lisait sur leurs visages. Un seul ne<br />
tenta pas l’épreuve : c’était un obscur chevalier qui venait du Nord. Il avait été déshérité par<br />
le roi <strong>de</strong> son pays parce qu’il avait tué un <strong>de</strong>s parents du roi. Il était resté plus <strong>de</strong> six mois en<br />
prison, et il venait à peine d’en sortir. Il ne possédait presque rien, mais malgré son<br />
dénuement, son cœur était riche d’audace et <strong>de</strong> bravoure. Son seul défaut était sa pauvreté,<br />
et certains le lui faisaient bien sentir, car les puissants, on le sait bien, font peu <strong>de</strong> cas <strong>de</strong>s<br />
pauvres gens.<br />
Quand tous les <strong>chevaliers</strong> présents, pauvres ou riches, eurent tenté l’épreuve, sauf lui, le<br />
roi, persuadé qu’il ne restait plus personne, dit tristement à <strong>la</strong> jeune fille : « Je suis désolé,<br />
mais il te faudra chercher ailleurs ta délivrance, car ici, me semble-t-il, tu ne pourras trouver<br />
l’homme qu’il te faut. J’en suis très affligé, car je pensais que mes compagnons et tous ceux<br />
qui viennent à ma cour avaient tous le cœur pur, exempt <strong>de</strong> haine et <strong>de</strong> fausseté. Il faut<br />
croire que tous ont quelque chose à se reprocher !