Catalogue festival Guédiguian 2012 - Ciné Meaux Club
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DAVID LYNCH<br />
(20 janvier 1946)<br />
Né le 20 janvier 1946 à<br />
Missoula, Montana, David<br />
Lynch vient au cinéma<br />
par des études d’art qu’il<br />
entreprend à La Corcoran<br />
School Art de Washington DC puis à l’École des<br />
Beaux-Arts de Boston. Il commence à réaliser<br />
en amateur des courts métrages, qui donnent<br />
déjà le ton de l’œuvre à venir et montrent la<br />
fascination éprouvée pour ce que l’on pourrait<br />
qualifi er de « dérangement insolite » : Six Men<br />
Getting Sick (1967), The Alphabet (1968), The<br />
Grandmother (1970) et The Amputee (1973).<br />
Il passe au long métrage au milieu des années<br />
soixante-dix avec Eraserhead (en France, The<br />
Labyrinth Man), au tournage étalé sur plusieurs<br />
années en fonction de la disponibilité des comédiens<br />
non professionnels (dont l’inoubliable<br />
Jack Nance) et des rentrées d’argent nécessaires<br />
pour conduire à bien le projet. Le fi lm, qui<br />
traite, dans un monde industriel cauchemardesque,<br />
des rapports entre un homme et un<br />
monstrueux fœtus, où la communication s’établit<br />
sur un mode aphasique, rythmé par la respiration<br />
percussive des cheminées d’usine, sort<br />
sur les écrans en 1976. Il devient rapidement<br />
culte dans les circuits alternatifs, imposant<br />
d’emblée un metteur en scène et un univers<br />
travaillés par la transgression des frontières,<br />
un climat fantastique où l’onirique emprunte<br />
souvent les couleurs du réel, et une vénéneuse<br />
fascination pour le mal. Aux débuts des années<br />
quatre-vingts, le fi lm est présenté en séance de<br />
minuit le week-end dans un cinéma parisien,<br />
qui lui adjoint Le Bunker de la dernière rafale de<br />
Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet.<br />
Impressionné par la maîtrise du jeune réalisateur<br />
adepte de tératologie, Mel Brooks lui<br />
confi e Elephant Man, qui le fait connaître du<br />
grand public. L’histoire de John Merrick, à la fi -<br />
gure monstrueuse que l’on cache sous un drap<br />
pour l’exhiber dans les foires européennes à la<br />
fi n du XIX ème , restitue de façon saisissante un<br />
Londres victorien fi lmé dans un noir et blanc<br />
parant le réalisme des teintes d’un fantastique<br />
assez proches des gravures de Jacques Callot.<br />
Sans complaisance ni apitoiement, le fi lm,<br />
d’une redoutable effi cacité dramatique, replace<br />
la question de l’altérité dans une réfl exion sur<br />
le regard ordonné comme spectacle. La proclamation<br />
déchirante : « Je ne suis pas un animal,<br />
je suis un être humain » a marqué toute une<br />
BIOGRAPHIE DAVID LYNCH<br />
100<br />
génération de cinéphiles – dont Abdellatif Kechiche,<br />
auteur de Vénus noire, n’est pas le moindre...<br />
Quatre années plus tard, David Lynch revient<br />
avec Dune, production de feu Dino De Laurentiis,<br />
adaptation très fi dèle de la somme de Frank<br />
Herbert, qui divise la critique et le public. Contre<br />
toute attente, les inconditionnels de la série défendent<br />
l’œuvre qui, à leurs yeux, conserve les<br />
éléments essentiels de la trame, là où les néophytes<br />
déplorent la mythologie de carton-pâte,<br />
la puérilité de l’histoire contée et le kitsch des<br />
décors et des costumes (le slip du chanteur<br />
Sting reste dans les mémoires comme l’apogée<br />
du grotesque). De toute façon, le réalisateur<br />
prend ses distances avec le résultat, estimant<br />
n’avoir pas bénéfi cié de la latitude artistique<br />
nécessaire ni obtenu le fi nal cut. L’œuvre reste<br />
aujourd’hui un honorable divertissement dans<br />
l’esprit de Flash Gordon et se voit sans déplaisir.<br />
Présenté à Cannes en 1986, Blue Velvet, qui<br />
voit le grand retour de l’acteur Dennis Hopper<br />
à l’écran, pose les bases de la deuxième période<br />
du cinéaste, marquée par la fi gure du mal, tapi<br />
insidieusement dans les replis de l’honorabilité.<br />
Ce fi lm à petit budget (cinq millions de<br />
dollars), écrit avant le tournage du précédent,<br />
explore l’anatomie d’un microcosme familial et<br />
social gangréné par les forces pernicieuses de<br />
la dépravation cachée sous les apparences séduisantes<br />
de l’american way of life. La première<br />
séquence du fi lm, travelling à ras de gazon, sur<br />
fond de douce ritournelle, dans un terrain vague<br />
impeccablement entretenu, et qui s’achève<br />
sur le gros plan d’une oreille maculée de<br />
sang, constitue tout un symbole. Le motif de<br />
la plongée dans les enfers cérébraux et mentaux<br />
servie par un humour à la fois corrosif et<br />
décalé sera repris dans la série télévisée cultissime<br />
Twin Peaks, au début des années quatrevingt-dix.<br />
La lente contamination de l’univers<br />
policier des premiers épisodes (mais qui donc a<br />
tué Laura Palmer ?) par l’irruption d’un onirisme<br />
surréaliste qui déréalise les personnages, dans<br />
une dramaturgie dont l’arc souterrain n’est rien<br />
de moins que l’aliénation par les forces démoniaques,<br />
marque l’entrée des séries américaines<br />
dans l’âge adulte. Leur approche des personnages<br />
et de la grammaire narrative en sera à tout<br />
jamais bouleversée.<br />
Le metteur en scène paraît paradoxalement<br />
moins à l’aise dans les fi lms qu’il signe pour le<br />
grand écran. Sailor et Lula, palme d’or à Cannes<br />
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