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Catalogue festival Guédiguian 2012 - Ciné Meaux Club

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interminable, voulue comme telle par un intérêt<br />

qui ne s’est pas fi xé de centre.<br />

Ceux qui ont trouvé à Hollywood le modèle<br />

du cinéma (ou le modèle de l’oppression, cela<br />

revient en l’occurrence au même) n’ont pas<br />

cette peine : il leur suffi t de tout mesurer à ce<br />

classicisme ou d’opposer les grandes oeuvres à<br />

cette narration industrialisée. Ceux qui voient<br />

de saison en saison se traduire, comme en<br />

une prophétie de plus en plus lisible, précise<br />

et vraie, l’avènement du cinéma moderne (qui<br />

serait contradictoirement l’absolu du cinéma),<br />

que leur faut-il d’autre que d’en analyser les<br />

sept étapes ? La préoccupation de ceux qui envisagent<br />

le cinéma comme un langage ne devrait<br />

pas leur permettre moins d’insouciance.<br />

Mais sont-ils encore légion ? La plupart se sont<br />

métamorphosés en ce qu’ils ne savaient pas<br />

être : de simples serviteurs de la mode ; qu’apprendrait<br />

un fi lm bizarre à des gens persuadés<br />

que le renouvellement — retour ou bouleversement<br />

— constitue l’évolution du cinéma en<br />

une série de phases ?<br />

Enfi n, faute d’une histoire apocalyptique, une<br />

incertitude demeure quant au nombre des<br />

élus. Que valent tant de fi lms ? Combien de<br />

fi lms ont quelque valeur ? Le besoin de bilan<br />

qui assaille sans cesse la critique cinématographique<br />

démontre à quel point là mesure est<br />

diffi cile à conserver. Sans parler de ceux pour<br />

qui le cinéma se termine en 1912, ou commence<br />

en 1927, voire en 1950, ou s’arrête en 1960,<br />

personne ne peut avoir en ce domaine une vision<br />

panoramique aussi claire que celle qui est<br />

courante en littérature. La jeunesse du cinématographe<br />

n’est pas la seule en cause. Après tout,<br />

l’idée d’un temple du goût littéraire très dépeuplé<br />

se fonde largement sur la simple ignorance<br />

des littératures étrangères et bientôt des lettres<br />

anciennes. La critique cinématographique<br />

a conservé une belle ambition oecuménique<br />

et les admirateurs de Mizoguchi sont relativement<br />

plus nombreux que ceux d’Akinari ou de<br />

Saikaku. D’autre part la nature de nos enquêtes<br />

nous a conduits à nous intéresser aux genres,<br />

au cinéma populaire. Impies envers l’art, nous<br />

nous divertissons au cinéma. Ce genre d’aveuglement,<br />

qui mêle aux mérites décisifs des valeurs<br />

secondaires (le cocasse, le palpitant, le<br />

savoureux), est-il compensé par le retour dans<br />

nos mémoires de certaines oeuvres, par l’attention<br />

permanente que nous leur prêtons ? Les<br />

méthodes iconographiques de nos études sur<br />

le mélodrame, la comédie italienne ou le fi lm<br />

POSITIF : 60 ANS DE CRITIQUE DE CINÉMA<br />

77<br />

d’horreur nous excusent-elles de sauver des<br />

fi lms si nombreux que beaucoup doivent être<br />

médiocres? Il faut avouer que l’absence de critères<br />

canoniques joue ici son rôle. Point de classicisme,<br />

encore une fois. Sur les mérites qui font<br />

un bon fi lm, aucun d’entre nous n’est d’accord<br />

avec les autres, ni sans doute avec lui-même.<br />

Cet inconvénient se fait particulièrement sentir<br />

dans l’estimation du cinéma français. Les réévaluations<br />

plus ou moins limitées de Duvivier ou<br />

de Decoin suffi sent-elles à reconstituer l’arrière-plan<br />

du paysage? Faut-il continuer à s’incliner<br />

devant l’étrange pacte international qui réserve<br />

au cinéma français les sujets bavards, les<br />

atmosphères décourageantes, les personnages<br />

incertains et qui abandonne à Hollywood les<br />

héros, la fortitude et l’action ? Cette convention<br />

recueille les signatures des commerçants (de<br />

droite) américains et de cinéastes et critiques,<br />

même de gauche, français. Il faut s’en inquiéter.<br />

Impossible de conclure, pour longtemps encore<br />

: tant que nos lacunes nous obligeront à<br />

écrire sur les fi lms.<br />

Alain Masson<br />

Article paru dans L’Amour du cinéma : 50 ans de<br />

la revue Positif (collection Folio, 2002)<br />

<strong>Catalogue</strong> <strong>festival</strong>.indd 77 18/01/<strong>2012</strong> 02:06:52

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