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Catalogue festival Guédiguian 2012 - Ciné Meaux Club

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EXTRAITS DE « S.M. EISENSTEIN OU LA RIGUEUR DE<br />

L’IMAGINATION », DE MARK LE FANU PARU DANS<br />

POSITIF 340, JUIN 1989.<br />

La découverte de terres inconnues du cinéma<br />

muet, qui joue, semble-t-il, un rôle considérable<br />

dans les études cinématographiques actuelles,<br />

nous oblige à préciser notre sentiment sur les<br />

grands classiques. D’abord il devient de plus en<br />

plus diffi cile de défendre la thèse, autrefois si<br />

fréquente, que tel ou tel fi lm (de Lubitsch, de<br />

Griffi th ou de Gance) aurait « inventé » le cinéma.<br />

Bien entendu, on a voulu faire d’Eisenstein,<br />

à cor et à cri, un bénéfi ciaire de pareille thèse.<br />

Mais nous ne nous laissons plus si facilement<br />

émouvoir. En remontant plus loin dans le passé<br />

du cinéma, le <strong>festival</strong> de Pordenone et d’autres<br />

montrent de mieux en mieux que la beauté et<br />

la véracité d’un fi lm ne dépendent pas nécessairement<br />

de son ampleur ni de son caractère<br />

expérimental.<br />

Puis, nous ne savons plus très bien ce qui<br />

constitue « une innovation technique ». A propos<br />

d’Eisenstein, c’est une question vraiment<br />

complexe que de savoir si sa théorie du montage<br />

a eff ectivement guidé le développement<br />

ultérieur du cinéma ou si c’était une savante<br />

impasse. Cela en dépit du fait que, surgissant<br />

devant le public surpris en 1926, Le Cuirassé<br />

Potemkine parut sans doute réaliser enfi n<br />

aux yeux de nombreux spectateurs un cinéma<br />

authentiquement adulte : un cinéma d’événements,<br />

d’histoire, de vérité, diff érent de tout ce<br />

qui l’avait précédé.<br />

Le Cuirassé Potemkine représentait-il l’avenir<br />

du cinéma ou un épisode génial mais transitoire<br />

? Cette question appelle des verdicts différents<br />

selon qu’on y regarde en toute rigueur<br />

ou de façon impressionniste. Dans sa version<br />

stricte, la doctrine du montage est aujourd’hui<br />

périmée. II devient toutefois de plus en plus<br />

diffi cile de dire — en dépit d’exégèses exhaustives<br />

— ce qu’était précisément le montage.<br />

On ne peut qu’être frappé, à mon sens, par la<br />

façon dont certains aspects de la mise en scène<br />

d’Eisenstein — sa connaissance du « type », son<br />

réalisme, son sérieux — se rapprochent de réalisateurs<br />

classiques qui ne sont pas des adeptes<br />

du montage eisensteinien, tels que Lang,<br />

Hitchcock et Buñuel. Tous les grands metteurs<br />

en scène se ressembleraient-ils au fond ? L’idée<br />

a de quoi intriguer... La diffi culté, avec les classiques,<br />

c’est évidemment que nous les connais-<br />

ARTICLE DANS POSITIF<br />

105<br />

sons trop bien. On a trop écrit à leur sujet. Des<br />

fi lms comme Le Cuirassé Potemkine et Octobre<br />

font songer à de merveilleux tableaux dont<br />

nous aurions vu « partout » assez de reproductions<br />

pour qu’ils perdent leur mystère. Comment<br />

les voir d’un regard neuf ? L’un et l’autre<br />

ont été récemment montrés dans des versions<br />

reconstituées, accompagnés par leur musique<br />

originale, due à Edmund Meisel. Les représentations<br />

dont je parle, ouvertes à un vaste public,<br />

ont eu lieu deux années consécutives au Festival<br />

du fi lm de Londres, où les salles pleines et<br />

l’excellence de l’orchestre donnaient un aperçu<br />

aussi clair que possible de l’émotion que suscitait<br />

le cinéma muet à son apogée. Le hasard<br />

(ou un subtil calcul) a voulu que ces reprises<br />

coïncident avec celles de deux fi lms américains<br />

contemporains, avec lesquels les fi lms d’Eisenstein<br />

présentent, ici et là, des affi nités inattendues.<br />

Le Ben-Hur de Fred Niblo (MGM, 1926)<br />

contient une illustre scène de combat naval qui<br />

nous rappelle les grandes manoeuvres maritimes<br />

de la dernière bobine du Cuirassé Potemkine<br />

; tandis que la prise du Palais d’hiver qui<br />

constitue le sommet d’Octobre se rapproche<br />

évidemment de la destruction de Babylone<br />

dans Intolérance (1916) de Griffi th.<br />

Ce qu’il faut reconnaître en tout premier lieu<br />

dans les quatre cas (assurément, il y a d’énormes<br />

diff érences aussi bien que des ressemblances),<br />

c’est la prodigieuse ampleur du cinéma<br />

muet, valeur pratiquement ignorée à l’époque<br />

de la télévision. L’ampleur semble avoir été une<br />

caractéristique du temps, non seulement au<br />

point de vue politique (comme trait du totalitarisme)<br />

mais aussi au point de vue esthétique. Le<br />

livre de Yon Barna sur Eisenstein (1966, édition<br />

anglaise revue en 1973) nous apprend qu’une<br />

des curiosités de la vie à Moscou et à Leningrad<br />

au début des années 20 était l’organisation de<br />

manifestations théâtrales de masse où la foule<br />

jouait « spontanément » dans la rue des épisodes<br />

de la Révolution. Un phénomène semblable<br />

se produisait en Occident où des metteurs<br />

en scène comme Max Reinhardt prenaient possession<br />

de quartiers entiers de Berlin, Paris ou<br />

Londres pour y donner des spectacles religieux<br />

de masse. Le cinéma, on peut le dire, s’est développé<br />

au moment le plus opportun de l’histoire<br />

pour saisir cette fascination contemporaine des<br />

foules et lui donner une véritable cohérence<br />

esthétique. L’émotion épique qu’engendrent Le<br />

Cuirassé Potemkine et Octobre repose en par-<br />

<strong>Catalogue</strong> <strong>festival</strong>.indd 105 18/01/<strong>2012</strong> 02:06:58

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