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Catalogue festival Guédiguian 2012 - Ciné Meaux Club

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ARTICLE DE MICHEL CIEUTAT PARU DANS POSITIF<br />

497-498, JUILLET-AOÛT 2002<br />

Marie-Jo et ses deux amours<br />

La Belle amoureuse<br />

L‘auteur de Marius et Jeannette (1997) a<br />

changé de registre, tout en restant... fi dèle à<br />

lui-même, sa ville, ses interprètes. Il s’en explique<br />

dans sa note d’intention qui fi gure dans<br />

le dossier de presse lapidaire distribué lors du<br />

<strong>festival</strong> de Cannes où le fi lm était en compétition<br />

offi cielle. « J’ai fait un nouveau fi lm [son<br />

onzième depuis Dernier Été en 1980, ndlr] avec<br />

les mêmes acteurs, les mêmes techniciens, et<br />

toujours à Marseille. C’est sur l’adjectif nouveau<br />

que je dois insister. Nouveau parce que les acteurs<br />

sont les mêmes et pas les mêmes : nous<br />

grandissons ensemble. Les décors, de la même<br />

manière, se transforment [...]. Et puis, je change<br />

de genre. Oubliés, les contes et les tragédies ;<br />

voilà un fi lm romantique: ce qui veut dire intimité,<br />

rêverie, exaltation, spiritualité, aspiration<br />

à l’infi ni, etc. Et tout ça opposé à la réalité. Qui<br />

n’a pas connu ces terribles moments a mal vécu<br />

! À dix-sept ans, je lisais Marx dans la journée,<br />

mais tous les soirs je retrouvais à mon chevet<br />

Les Souff rances du jeune Werther. » Et c’est<br />

ainsi que, trente-deux ans plus tard Marie-Jo,<br />

via Ariane Ascaride, peut avoir enfi n deux hommes<br />

dans sa vie.<br />

En eff et, <strong>Guédiguian</strong> laisse de côté problèmes<br />

sociaux et diffi cultés de survie économique de<br />

la classe ouvrière pour nous montrer une femme<br />

mûre, conductrice de VSL (véhicule sanitaire<br />

léger), mariée et mère de famille, heureuse<br />

en ménage et qui a un amant, Marco, capitaine<br />

d’un bateau-pilote. L’éternel triangle, la sempiternelle<br />

tentation de l’adultère. On est alors en<br />

droit de douter de l’intérêt soudain porté par ce<br />

cinéaste si original au thème suranné de l’infi -<br />

délité conjugale. Mais <strong>Guédiguian</strong> nous rassure<br />

très vite. La présentation des personnages, la<br />

mise en place de l’intrigue sont traitées avec la<br />

même dextérité, faite de simplicité et de précision,<br />

quant à la reconstitution des banalités<br />

du quotidien, auxquelles il nous a habitués<br />

depuis ses débuts. Sa Marie-Jo déroge à toutes<br />

les règles en parfaite connaissance de cause,<br />

vit réellement ses deux amours avec la même<br />

sincérité, le même engagement, allant jusqu’à<br />

faire se rencontrer mari et amant, avec l’espoir<br />

qu’ils s’apprécient, et, si possible, s’acceptent<br />

et créent de la sorte un monde nouveau.<br />

Le tout est judicieusement écrit, imaginé, res-<br />

ARTICLE DANS POSITIF<br />

41<br />

titué sur pellicule avec une telle justesse de<br />

comportement que le fi lm paraît renouveler le<br />

thème. Les interprètes y sont pour beaucoup.<br />

Les fi dèles de <strong>Guédiguian</strong> : Ariane Ascaride, radieuse<br />

et perdue (elle donne dans le sublime<br />

lorsqu’elle nous propose sa version très personnelle<br />

de la chanson Je suis malade de Serge<br />

Lama) ; Jean-Pierre Darroussin qui, une fois de<br />

plus, excelle dans le registre du personnage<br />

soumis, vaincu, compréhensif et impuissant,<br />

mais qui toutefois ne perd pas la face ; et, bien<br />

sûr, l’ami de la première heure, l’amateur Gérard<br />

Meylan, le proposé au personnage romantique<br />

torturé qui ne peut s’imposer ; sans oublier la<br />

nouvelle venue, Julie-Marie Parmentier (Les<br />

Blessures assassines), l’adolescente révoltée par<br />

la trahison de la mère, elle aussi criante de vérité.<br />

Mais la qualité du fi lm se trouve également dans<br />

la photo belle et modeste, aux discrets contrejour<br />

; dans la mise en scène élégante des nus<br />

d’Ariane Ascaride, tous pudiquement cadrés et<br />

éclairés par Renato Berta ; dans certains eff ets<br />

de sautes à l’image, lors de la première séquence<br />

d’amour entre Marie-Jo et Marco, qui souligent<br />

les débuts chaotiques de leur liaison ; dans<br />

une magnifi que scène de danse avec Darroussin<br />

et Ascaride, fi lmée en retrait et montée avec<br />

délicatesse, pour ainsi mettre mieux en valeur<br />

la douceur de leur relation conjugale préservée.<br />

Une qualité de forme qui se fond parfaitement<br />

dans le propos général aigre-doux, celui qui<br />

veut que l’âge venant, une femme en appelle<br />

au retour à l’indépendance, au rejet de la routine<br />

aliénante, à la renaissance des premières<br />

amours sans pour autant renoncer au bonheur<br />

du quotidien stabilisé. Un fantasme que <strong>Guédiguian</strong><br />

transforme en réalité possible. Sans toutefois<br />

parvenir à conclure son fi lm de manière<br />

satisfaisante.<br />

Ainsi son fi nale, qui veut que le couple légitime<br />

se noie accidentellement, n’est qu’une fuite<br />

contradictoire devant la nécessité de maintenir,<br />

contre toute morale, le trio amoureux à l’écran.<br />

<strong>Guédiguian</strong> et son coscénariste Jean-Louis Milesi<br />

ont de la sorte manqué soit de courage, soit<br />

d’imagination, et ce faisant ont fortement atténué<br />

l’impression tout d’abord surprenante de<br />

renouvellement du genre. Une unique fausse<br />

note, certes regrettable, mais qui ne doit pas<br />

être retenue contre un ensemble non seulement<br />

convaincant, mais surtout touchant.<br />

Michel Cieutat<br />

<strong>Catalogue</strong> <strong>festival</strong>.indd 41 18/01/<strong>2012</strong> 02:06:37

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