Catalogue festival Guédiguian 2012 - Ciné Meaux Club
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EXTRAITS DE L’ARTICLE D’ERIC DEROBERT PARU<br />
DANS POSITIF N°417, NOVEMBRE 1995<br />
A la vie, à la mort !<br />
L’autel de la modernité<br />
Pour sa cinquième réalisation – sa sixième, si<br />
l’on tient compte de L’Argent fait le bonheur,<br />
mis en scène pour la télévision – Robert <strong>Guédiguian</strong><br />
fi lme encore Marseille et le quartier de<br />
l’Estaque, dirige toujours les mêmes acteurs,<br />
ponctue inlassablement sa bande sonore de<br />
quelques musiques classiques, et continue de<br />
raconter l’histoire de sa génération (et de quelques<br />
autres).<br />
En guise de résumé des épisodes précédents, à<br />
l’usage des lecteurs non familiers de l’œuvre de<br />
<strong>Guédiguian</strong>, sachez donc que Marseille et son<br />
quartier populaire de l’Estaque, en forme de cinéma-vérité<br />
(Dernier été), le cinéma historique<br />
(Rouge midi), de cinéma intimiste (Ki lo sa ?), de<br />
cinéma catastrophe (Dieu vomit les tièdes) ont<br />
successivement défi lé sous l’œil de sa caméra,<br />
que quatre acteurs (dont trois sont encore présents<br />
ici : Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin,<br />
Gérard Meylan) y tinrent des rôles essentiels<br />
puis le rôle collectif d’un groupe, disons,<br />
anarcho-communiste, que Vivaldi et Pergolèse<br />
y fi rent leurs classes comme compositeurs de<br />
musique de fi lm, et l’on y lut les désenchantements<br />
de ceux des post-soixante-huitards qui<br />
ne se résolurent pas à s’abonner à Libération (et<br />
encore moins, il va sans dire, au Figaro).<br />
[…]<br />
Tout ça pour dire que A la vie, à la mort ! ne<br />
part pas de zéro, mais repart de zéro, à l’image<br />
de ses protagonistes et d’un quartier de l’Estaque<br />
fi lmé en déshérence, à l’habitat improbable<br />
d’où émergent quelques cahutes et un bar<br />
décrépi – malgré son enseigne clinquante –,<br />
essentiellement fréquenté par quelques vieux.<br />
Déambulent, autour de ce bar, les électrons<br />
perdus d’un groupe éclaté, dont le fi lm va décrire<br />
la lente recomposition puis la renaissance<br />
embryonnaire.<br />
Pour ce faire, la construction papillonne d’un<br />
personnage à l’autre : ils ne sont pas moins de<br />
neufs, tour à tour porte-parole et centres d’intérêt<br />
privilégiés entre lesquels le fi lm circule.<br />
Ils ont tous une importance égale, fi gures du<br />
passé et de l’avenir, fi gures sociales, aussi, de la<br />
misère contemporaine.<br />
[…]<br />
ARTICLE DANS POSITIF<br />
31<br />
Le groupe, rafi stolé, a et aura besoin d’icônes<br />
pour se donner du courage : les fusillés de la<br />
Guerre civile sont dessinés sur un frigidaire par<br />
l’aïeul invalide qui espère encore en la révolution,<br />
sa fi lle, qui espère avoir un enfant, peint<br />
une image pieuse dont l’impuissance sera sanctionnée<br />
; quant au personnage de Vénus qui ne<br />
croit en rien, c’est une icône à elle toute seule,<br />
aux contours botticelliens. Le groupe restera<br />
cependant incomplet, puisque l’un des protagonistes<br />
poussera un sens très calculateur du<br />
sacrifi ce jusqu’à un plus haut degré encore que<br />
ne le faisait le héros de Quelques jours avec toi<br />
de Claude Sautet, les modalités de l’assurancevie<br />
se substituant à celle du code pénal.<br />
A cause de ce personnage, qui tend à démontrer<br />
que la rationalité fi nancière n’est pas l’apanage<br />
des grands de ce monde, Robert <strong>Guédiguian</strong><br />
prend cette fois la tangente du happy end<br />
qui lui tendait les bras.<br />
La vie n’est pas un mélodrame, mais, que diable,<br />
ce n’est pas non plus un conte de fées.<br />
Eric Derobert<br />
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