03.07.2013 Views

Catalogue festival Guédiguian 2012 - Ciné Meaux Club

Catalogue festival Guédiguian 2012 - Ciné Meaux Club

Catalogue festival Guédiguian 2012 - Ciné Meaux Club

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

ARTICLE D’ARIANE ALLARD PARU DANS POSITIF<br />

N°609, NOVEMBRE 2011<br />

Retour aux fondamentaux<br />

Retour à Marseille… Robert <strong>Guédiguian</strong>, fi -<br />

dèle en amitié, ne saurait s’agacer de ce clin<br />

d’œil facile à René Allio. De cette fi liation. Car,<br />

si son 17 ème fi lm semble a priori évoquer quelque<br />

sommet tanzanien, c’est bien sur les rives<br />

solaires de l’Estaque que résonne la fameuse<br />

chanson de Pascal Danel. Là-même où, après<br />

un détour par le polar (Lady Jane, 2007) et l’Histoire<br />

(L’Armée du crime, 2009), se reconstitue<br />

sa tribu originelle (Ariane Ascaride, Jean-Pierre<br />

Darroussin, Gérard Meylan, tous les trois sont<br />

bien).<br />

Retour aux fondamentaux, alors ? Oui et non.<br />

Certes, une belle cohérence relie Dernier Eté<br />

(son premier fi lm, 1981), Marius et Jeannette<br />

(son premier gros succès, 1997) et, aujourd’hui,<br />

Les Neiges du Kilimandjaro, fables sociales<br />

nichées dans le XVI ème arrondissement de Marseille.<br />

Le plus au nord, bordé par la mer, le port<br />

et la précarité. Une cohérence géographique<br />

mais surtout tissée par la légèreté apparente du<br />

ton, la bienveillance du regard, et le goût irrésistible<br />

du collectif. Tout ce qu’on aime retrouver<br />

chez lui, moult barbecues à la clé ! Sauf qu’on<br />

est en 2011 et que les personnages – Ariane/<br />

Marie-Claire, épouse aimante ; Jean-Pierre/Michel,<br />

syndicaliste en pré-retraite ; Gérard/Raoul,<br />

beau-frère ami d’enfance – ont vieillit. Au cœur<br />

de leur cinquantaine débonnaire s’agitent de<br />

drôles de fi gures : embourgeoisement et chômage,<br />

crépuscule du monde ouvrier et délitement<br />

des solidarités… Pas pareil ! Aux rires et<br />

aux saintes colères d’hier s’ajoutent désormais<br />

quelques larmes et beaucoup de mélodie.<br />

C’est dit et bien vu : Marseille, ville monde,<br />

n’échappe pas aux violences de la mondialisation<br />

puisque, à travers elle, Robert <strong>Guédiguian</strong><br />

(homme de gauche et sociologue de formation)<br />

a toujours pris la mesure de la France et<br />

de son temps. Mais attention : nul prêche, et<br />

encore point de dogmatisme ! On n’est plus<br />

là, reconnaît-il avec une sincérité touchante.<br />

De fait, son montage est moins sec, ses plans<br />

respirent davantage, et même s’attardent. Sur<br />

des visages, des frémissements, des questions.<br />

De fait… les lendemains déchantent pour sa<br />

génération, celle qui a grandit avec Pascal Danel<br />

ou Joe Cocker (deux des tubes d’une BO<br />

ARTICLE DANS POSITIF<br />

69<br />

variétoche, immédiatement populaire) et s’est<br />

construite avec Jaurès. « Dans quel monde viton<br />

? » s’interroge à la mi-temps du fi lm une<br />

Marie-Claire désarçonnée, bouleversée. On l’est<br />

également.<br />

Et comment résister tandis que ces braves gens<br />

– ces Pauvres Gens, du nom du poème de Victor<br />

Hugo dont s’est inspiré <strong>Guédiguian</strong> – prennent<br />

des coups, au moral comme au physique ? Un<br />

vol à main armée, chez eux, va ainsi sérieusement<br />

ébranler leur bonne conscience. D’autant<br />

que cette agression est perpétrée par un des «<br />

leurs », un autre chômeur, beaucoup plus jeune,<br />

révolté. A travers ce choc des générations<br />

et cet électrochoc, le cinéaste délaisse donc les<br />

tutelles tendres, atemporelles, de Pagnol ou<br />

de Renoir crânement assumées ici et là, pour<br />

se colleter avec l’âpreté de ce début du XXI ème<br />

siècle. Aff ronter ces dérives, individualistes et/<br />

ou sécuritaires et/ou viscérales, cela dans tous<br />

les milieux.<br />

Un coup de sonde courageux, et en cela (aussi)<br />

il reste fi dèle à lui-même. Une projection osée<br />

puisque, in fi ne, il parie sur la bonté. Naïf, invraisemblable,<br />

forcé, râleront certains, les mêmes<br />

qui résistent à ses contes depuis toujours. Utopiste<br />

plutôt, c’est comme cela que Robert <strong>Guédiguian</strong>,<br />

minot de l’Estaque dans les années 50,<br />

a appris à observer le monde. Un éternel retour<br />

pour tenter, envers et contre tout, d’avancer.<br />

C’est pas gagné.<br />

Ariane Allard<br />

(…) « Le courage, c’est d’être tout ensemble, et quel<br />

que soit le métier, un praticien et un philosophe. Le<br />

courage, c’est de comprendre sa propre vie, de la préciser,<br />

de l’approfondir, de l’établir et de la coordonner<br />

cependant à la vie générale. Le courage, c’est de<br />

surveiller exactement sa machine à fi ler ou à tisser,<br />

pour qu’aucun fi l ne se casse, et de préparer cependant<br />

un ordre social plus vaste et plus fraternel où la<br />

machine sera la servante commune des travailleurs<br />

libérés. (…) Le courage, c’est de dominer ses propres<br />

fautes, d’en souff rir mais de n’en pas être accablé et<br />

de continuer son chemin. Le courage, c’est d’aimer la<br />

vie et de regarder la mort d’un regard tranquille ; c’est<br />

d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir<br />

et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle<br />

récompense réserve à notre eff ort l’univers profond,<br />

ni s’il lui réserve une récompense. Le courage, c’est de<br />

chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la<br />

loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas<br />

faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos<br />

mains aux applaudissements imbéciles et aux huées<br />

fanatiques ». (...)<br />

Jean Jaurès - Discours à la jeunesse, Albi, 1903.<br />

<strong>Catalogue</strong> <strong>festival</strong>.indd 69 18/01/<strong>2012</strong> 02:06:49

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!