Catalogue festival Guédiguian 2012 - Ciné Meaux Club
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MARTIN SCORSESE<br />
(17 novembre 1942)<br />
Le cinéma de Martin Scorsese<br />
naît dans les cataractes<br />
de sang qui recouvrent<br />
peu à peu le visage d’un<br />
homme s’adonnant à son<br />
rasage matinal avec une compulsive application.<br />
Dérégulation, violence, supplice ; dès le<br />
troisième court métrage, The Big Shave, eff royable<br />
allégorie sur la guerre du Vietnam, le ton<br />
est donné : la quiétude initiale s’abolit en une<br />
apocalypse glaciale que déserte le sens, sous<br />
le regard aff ûté d’un moraliste. L’œuvre à venir<br />
déroulera la thématique en la déclinant à partir<br />
des grandes obsessions du metteur en scène<br />
: la conquête de l’identité dans un monde<br />
vacillant sous les assauts du mal, l’apogée et<br />
la décadence, l’initiation et la perte de l’innocence,<br />
la dialectique de la corruption et de la<br />
grâce et surtout l’inespéré acheminement vers<br />
la rédemption.<br />
Né en 1942 à New York, le futur auteur des Affranchis<br />
grandit dans une famille catholique<br />
de Little Italy. Enfant chétif et asthmatique<br />
condamné à la claustration, il se découvre très<br />
tôt une passion pour le cinéma, qu’il dévore<br />
dans les petites salles de quartier ou à la télévision<br />
alors balbutiante, s’enthousiasmant notamment<br />
pour les fi lms de Hawks ou de Powell,<br />
auquel il voue un véritable culte. Destiné au<br />
séminaire, qu’il intègre à quatorze ans, il en est<br />
renvoyé au bout d’une année. Son éducation<br />
religieuse n’en détermine pas moins une part<br />
essentielle de son travail – à ce titre, il constitue<br />
le pendant catholique de Paul Schrader, le protestant,<br />
scénariste de Taxi Driver et de Raging<br />
Bull.<br />
Il rejoint en 1960 la New York University, où il<br />
découvre les fi lms de la Nouvelle Vague française<br />
et les prémices de la contre-culture (le<br />
rock et la marginalité constituent des fi gures<br />
saillantes de sa première période). Très vite,<br />
il fait ses gammes en réalisant, dès 1963, son<br />
premier court-métrage (What a Nice Girl Like<br />
You Is Doing in a Place Like This ?) puis aborde<br />
l’exercice du long en 1969 avec Who’s That<br />
Knocking At My Door ? avec Harvey Keitel, son<br />
comédien d’élection jusqu’à Mean Streets. Cette<br />
même année, il est monteur et assistant sur<br />
le fi lm consacré à Woodstock, premier contact<br />
du cinéaste avec l’univers musical des sixties<br />
qui du dernier concert de The Band (The Last<br />
BIOGRAPHIE MARTIN SCORSESE<br />
95<br />
Waltz) à George Harrison (Living in a Material<br />
World), en passant par les Stones (Shine a Light)<br />
et Bob Dylan (No Direction Home), ne cesse de<br />
l’inspirer.<br />
En 1972, il rencontre Roger Corman, qui lui<br />
met le pied à l’étrier à Hollywood et fi nance<br />
son deuxième opus, Bertha Boxcar, décalque<br />
complaisant de Bonny and Clyde, qui ne tranche<br />
guère sur le ton des fi lms de son producteur.<br />
Fortement infl uencés par le cinéma de Cassavetes,<br />
ses fi lms suivants, Mean Streets (début du<br />
compagnonnage avec Robert de Niro), dérive<br />
de deux aspirants mafi eux dans un New York<br />
interlope ; Alice n’est plus ici, qui traite aussi de<br />
l’errance et de l’inadaptation mais sur un mode<br />
plus sensible, permettent à Scorsese de forger<br />
véritablement son identité et d’affi rmer ses thèmes<br />
de prédilection. Son cinéma se trouve désormais<br />
placé sous le signe de la fi délité : à une<br />
ville (New York, toile de fond de la majorité de<br />
ses œuvres), à une cosmogonie de comédiens<br />
(Robert de Niro, Joe Pesci, Leonardo di Caprio),<br />
à une grammaire formelle (des séquences<br />
très découpées et une violence graphique qui<br />
s’abstrait dans la métaphysique, à l’exception<br />
peut-être du Temps de l’innocence), à une topique<br />
(la traversée des ténèbres et la possibilité<br />
du rachat).<br />
Il s’impose en 1976 avec le désespéré Taxi Driver,<br />
Palme d’or à Cannes, qui catalyse toutes<br />
ses obsessions et consacre défi nitivement son<br />
interprète, Robert de Niro. Celui-ci campe Travis,<br />
un ancien du Vietnam devenu conducteur<br />
de taxi, inadapté au monde moderne et plus<br />
précisément à un New York déliquescent, qu’il<br />
entreprend de purifi er de ses turpitudes. Reconverti<br />
en sanguinaire ange exterminateur<br />
par aff ection pour une prostituée, il connaît<br />
une fi n tragique dans un paroxysme de violence.<br />
Maniérisme suspect pour certains, sublime<br />
requiem urbain pour ses laudateurs, le<br />
fi lm, scandé par un tempo jazzy d’une belle<br />
et élégiaque élégance – dernière partition de<br />
Bernard Herrmann – marque une date dans<br />
l’histoire du cinéma. Les deux œuvres suivantes,<br />
New York, New York et Raging Bull, maintiennent<br />
le niveau ; la seconde, qui chronique<br />
les sommets et la déchéance de Jack LaMotta,<br />
introduit la fi gure de l’hubris ou la démesure<br />
(dont le corollaire est la justice immanente de<br />
l’eff ondrement), qui sera reprise par la suite<br />
dans des fi lms comme Casino ou Aviator.<br />
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