Catalogue festival Guédiguian 2012 - Ciné Meaux Club
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Château, Miroir du cinéma de Francis Gendron<br />
et Jean-Louis Pays, Midi-Minuit fantastique de<br />
Michel Caen et Jean-Claude Romer, ou encore<br />
la toujours vaillante Jeune <strong>Ciné</strong>ma fondée par<br />
Jean Delmas et où débutèrent Jean-Pierre<br />
Jeancolas, Françoise Audé, Hubert Niogret. Et<br />
c’est autour du Cine-qua-non que je rencontrai<br />
Bernard Cohn, son animateur, avant que nous<br />
entrions tous les deux à Positif au début des années<br />
soixante, tout comme Bertrand Tavernier,<br />
cofondateur du Nickel Odéon, commença à y<br />
donner des articles à cette époque. On a laissé<br />
dépérir ces ciné-clubs, foyers culturels irremplaçables,<br />
au profi t d’opérations médiatiques et<br />
culturelles plus spectaculaires mais de moindre<br />
portée. Comme la télévision joue moins que<br />
jamais son rôle — la programmation de fi lms<br />
non anglo-saxons ou français est dérisoire sur<br />
l’ensemble des chaînes —, rien n’a remplacé<br />
le travail en profondeur des ciné-clubs. La distribution<br />
par ailleurs se porte de plus en plus<br />
mal, car les rares indépendants qui cherchent<br />
hors des sentiers battus sont victimes de la<br />
concentration des circuits d’exploitation et ne<br />
peuvent équilibrer leur trésorerie en vendant<br />
à une télévision malthusienne les fi lms de leur<br />
catalogue.<br />
La soif de découverte, encore vivace chez certains<br />
spectateurs, explique en retour le succès<br />
des <strong>festival</strong>s de cinéma dont la France est riche<br />
et qui permettent au public local, pendant une<br />
courte durée, de faire connaissance chaque année,<br />
au gré d’une rétrospective ou d’un panorama,<br />
avec un passé et un présent du cinéma mal<br />
explorés. Positif a maintenu plus que jamais ses<br />
exigences dans ce domaine. La part accordée<br />
au cinéma retrouvé et aux dossiers historiques<br />
nous semble indispensable : une réfl exion sur<br />
l’état actuel du cinéma et sur son futur ne peut<br />
faire l’économie d’une exploration de son legs<br />
culturel.<br />
L’affi rmation de la curiosité cinéphilique, des<br />
choix artistiques, de la connaissance historique<br />
et de l’analyse critique nous paraît ressortir<br />
aujourd’hui d’une attitude polémique<br />
face au matraquage promotionnel et à la<br />
portion de plus en plus congrue accordée à<br />
la critique cinématographique dans la presse<br />
généraliste. Et la valorisation de l’appréciation<br />
esthétique est d’autant plus nécessaire<br />
que les pages culturelles se transforment<br />
progressivement en rubriques économiques<br />
avec considérations détaillées sur le box-offi<br />
ce. Les lecteurs de magazines cinématogra-<br />
POSITIF : 60 ANS DE CRITIQUE DE CINÉMA<br />
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phiques se voient informés régulièrement<br />
des recettes-salles à Los Angeles, New York et<br />
Chicago. L’échec américain devient mauvais<br />
augure pour l’accueil en France, comme si la<br />
qualité d’un fi lm se jugeait au tiroir-caisse. La<br />
rapidité de l’information entraîne un nivellement<br />
de la réception médiatique. Truff aut,<br />
Benayoun, Tailleur ou Godard, que je sache,<br />
se souciaient comme d’une guigne, quand ils<br />
étaient critiques, des jugements portés par les<br />
journalistes new-yorkais ou californiens sur La<br />
Nuit du chasseur, La Soif du mal, Le Gaucher<br />
ou La Comtesse aux pieds nus, vilipendés par<br />
leurs compatriotes. Et tant mieux pour les critiques<br />
français, car leur indépendance de jugement<br />
permit à ces fi lms d’acquérir leur notoriété<br />
!<br />
Mais le paysage des périodiques de cinéma<br />
s’est sensiblement modifi é ces derniers temps.<br />
Les mensuels ont tous adopté peu ou prou la<br />
formule magazine mise en pages qui permet le<br />
zapping, prolifération des rubriques, atomisation<br />
du sommaire, accents mis sur les articles<br />
« people », calendriers des manifestations, tableau<br />
des cotations, informations économiques,<br />
fi lms en tournage accompagnés ou non de reportages...<br />
D’autre part, on a vu se multiplier les<br />
revues bimestrielles, trimestrielles, biannuelles,<br />
soit spécialisées (court métrage, scénario), soit<br />
consacrées à des études théoriques ou d’histoire<br />
du cinéma pour un public pointu. Positif,<br />
mensuel distribué dans les kiosques et les<br />
maisons de la presse, tient pourtant, au sein de<br />
cette évolution générale, à garder le sigle « revue<br />
de cinéma » qui suit depuis toujours son<br />
titre, ce qui lui donne aujourd’hui une identité<br />
encore plus affi rmée. Avec l’expansion de l’information<br />
qu’Internet n’a fait qu’accroître dans<br />
des proportions inouïes, l’arrivée de nouveaux<br />
supports (chaînes cryptées, DVD), il nous semble<br />
nécessaire d’opérer des choix clairs, de trier<br />
dans ces fl ots d’images. C’est ainsi que, parmi<br />
les premiers, Positif a su détecter l’émergence<br />
d’une nouvelle génération de réalisateurs français<br />
dans les années quatre-vingt-dix ainsi que<br />
l’étonnante fécondité des cinéastes asiatiques.<br />
Aux premiers lecteurs d’il y a cinquante ans<br />
comme aux nouveaux d’aujourd’hui de nous<br />
dire si cet apport est nécessaire et si le plaisir<br />
est partagé.<br />
Michel Ciment<br />
Article paru dans L’Amour du cinéma : 50 ans de<br />
la revue Positif (collection Folio, 2002)<br />
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