Catalogue festival Guédiguian 2012 - Ciné Meaux Club
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Lettre de Janine Bertrand<br />
ÉTONNONS-NOUS<br />
Bien que nous ayons, nous les « cinéclubistes<br />
», signé une sorte de contrat d’éternité<br />
avec le cinéma, nous avons –il faut bien le reconnaître-<br />
toujours connu l’angoisse de savoir<br />
que le 7 ème art pouvait être un art éphémère.<br />
Ces fameuses copies « pellicule » qui, heureusement,<br />
ne brûlaient plus depuis les années 50,<br />
étaient souvent, hélas, la proie de rayures, de<br />
coupures, d’impuretés dans le son, mais nous<br />
savions, malgré tout, que, traitées avec délicatesse,<br />
elles pouvaient durer plus que la vie d’un<br />
homme, plus que notre propre vie. Nous avons<br />
eu d’ailleurs le bel exemple, parmi les 40 fi lms<br />
déposés à la <strong>Ciné</strong>mathèque Française par notre<br />
fédération, de la redécouverte du dernier<br />
fi lm muet de Frank Capra, The Matinée Idol,<br />
1928, dont la copie miraculée avait attendu,<br />
bien sagement, plus de 40 ans, qu’on l’identifi e<br />
comme le fi lm que l’on croyait perdu à jamais et<br />
qui, du coup, nous annonçait que le cinéma sait<br />
être indestructible.<br />
Pour qu’il le soit vraiment, indestructible, de<br />
grands organismes veillaient, depuis longtemps<br />
déjà, à la conservation de notre patrimoine, à la<br />
réparation des éléments négatifs, au tirage de<br />
nouvelles copies. Et voilà que, dans les années<br />
80, la mise au point de nouvelles technologies,<br />
dites numériques, permettaient de réaliser des<br />
restaurations, des reconstitutions originales<br />
non seulement beaucoup plus faciles mais aussi<br />
beaucoup plus belles et authentiques que<br />
celles du passé. Tous les espoirs étaient permis<br />
! Nous entrions, à partir de 2005, dans l’ère inédite<br />
du « Numérique » qui eut vite fait de devenir<br />
le nouveau procédé de montage des fi lms,<br />
puis de leur réalisation et, enfi n, de leur projection.<br />
Nous allions faire d’énormes économies<br />
en tirant des « copies » numériques inrayables,<br />
indéchirables et coûtant dix fois moins cher<br />
que les argentiques même si l’installation des<br />
nouvelles cabines de projection dans les salles<br />
allait demander d’importants investissements<br />
mais, heureusement, vite aidés, vite amortis.<br />
Nous y voilà. Mais, mais …. on n’avait oublié<br />
qu’un détail, un détail qui fait très peur : alors<br />
que, depuis plus de cent ans, le cinéma ne<br />
pouvait survivre qu’à la condition qu’on en<br />
prenne le plus grand soin, aujourd’hui, toute<br />
précaution devient inutile car c’est lui-même et<br />
LETTRE DE JANINE BERTRAND<br />
119<br />
tout seul, sans crier gare, qui se détruit, devient<br />
illisible et disparaît à jamais. Il peut attendre<br />
trois, quatre années pour nous jouer ce tour,<br />
comme il peut s’évanouir à peine né. N’importe<br />
comment, même si l’on a décidé, de façon irréversible,<br />
de diff user, désormais, le fi lm sur support<br />
numérique, qu’il soit récent (Les Neiges<br />
du Kilimandjaro) ou fi lm du patrimoine (La<br />
Grande illusion) il doit y avoir, obligatoirement,<br />
ce que l’on appelle, désormais, la garantie du<br />
« retour au 35mm », ce qui n’est, en aucune façon,<br />
une sorte de recul mais, bien au contraire,<br />
le seul progrès qui, aujourd’hui, garantit de<br />
conserver la mémoire de notre art préféré.<br />
À ce propos, la Cofécic, fondée en 1980, spécialisée<br />
dans la diff usion de fi lms, par l’intermédiaire<br />
d’Inter Film, dans le réseau des ciné-clubs<br />
– plus de 150 titres parmi lesquels le ciné-club<br />
de <strong>Meaux</strong> vous permettra de voir Angèle et<br />
Tony, Entre nos mains, Octubre, Le Voleur de<br />
lumière – a subi, elle aussi, un redoutable coup<br />
du sort. Le ministre de l’Éducation Nationale est<br />
devenu également, depuis un an, le ministre<br />
de la Jeunesse et de la Vie Associative qui fut,<br />
historiquement, il y a plus de cinquante ans, la<br />
première tutelle du Mouvement <strong>Ciné</strong>-<strong>Club</strong>, et<br />
qui n’a jamais manqué de nous apporter son<br />
soutien permanent : or, celui qui, pour nous,<br />
est un nouveau ministre, Luc Chatel, a choisi la<br />
date du 24 août 2011 pour nous annoncer, ainsi<br />
qu’à 80 autres associations agréées, la suppression<br />
pure et simple de toute subvention pour<br />
l’année, comme si l’éducation populaire était<br />
devenue inutile, voire nuisible, à moins que ce<br />
ne soit le cinéma. Si rien ne change, pour <strong>2012</strong>,<br />
nous ne pourrons pas, comme nous en faisions<br />
déjà le projet, acheter et mettre à la disposition<br />
des ciné-clubs Les Acacias, merveilleux premier<br />
fi lm argentin de P. Giorgelli, ou le prochain fi lm<br />
d’Alain Resnais, ou celui d’Arnaud Desplechin,<br />
ou Lumière d’été de Jean Grémillon, ou Quand<br />
je veux siffl er, je siffl e, premier fi lm roumain, très<br />
fort, encore inédit.<br />
À moins qu’il soit prévu – piètre consolation -<br />
que la Cofécic soit réduite à devenir une sorte<br />
de Caverne d’Ali Baba où l’on sera sûr de trouver,<br />
en cas de besoin, des fi lms disparus, perdus<br />
ou devenus illisibles, plus de 400 copies argen-<br />
tiques (les tirages depuis 1980 de 150 titres),<br />
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